THE ASSASSIN (Hou Hsiao-Hsien)

[quote]DATE DE SORTIE FRANCAISE

9 mars 2016

REALISATEUR

Hou Hsiao-Hsien

SCENARISTE

Chu T’ien-wen

DISTRIBUTION

Shu Qi, Chang Chen, Satoshi Tsumabuki…

INFOS

Long métrage Taïwanais
Genre : Historique, Action
Durée: 2h00
Année de production : 2015

SYNOPSIS

Chine, IX siècle. Nie Yinniang revient dans sa famille après de longues années d’exil. Son éducation a été confiée à une nonne qui l’a initiée dans le plus grand secret aux arts martiaux. Véritable justicière, sa mission est d’éliminer les tyrans. A son retour, sa mère lui remet un morceau de jade, symbole du maintien de la paix entre la cour impériale et la province de Weibo, mais aussi de son mariage avorté avec son cousin Tian Ji’an. Fragilisé par les rebellions, l’Empereur a tenté de reprendre le contrôle en s’organisant en régions militaires, mais les gouverneurs essayent désormais de les soustraire à son autorité. Devenu gouverneur de la province de Weibo, Tian Ji’an décide de le défier ouvertement. Alors que Nie Yinniang a pour mission de tuer son cousin, elle lui révèle son identité en lui abandonnant le morceau jade. Elle va devoir choisir : sacrifier l’homme qu’elle aime ou rompre pour toujours avec « l’ordre des Assassins ».

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Le teaser :

La bande-annonce:

Portrait du cinéaste Hou Hsiao-Hsien dans l’émission Ping Pong sur France Culture, en présence du réalisateur taïwanais et d’Emmanuel Burdeau.

Arte a consacré un numéro de Tracks au réalisateur taïwanais Hou Hsiao-Hsien pour la sortie française de son dernier film The assassin:

Je suis allé le voir vendredi. Grosse claque ! Mise en scène virtuose, photo exceptionnelle, sans parler du soin apporté aux costumes.

Je me suis demandé au passage combien de film était encore filmés en argentique. On a tellement l’habitude de voir tout ultranet maintenant au cinéma que j’ai l’impression que le numérique est partout. Là pour la peine, l’image a un grain inhabituel du meilleur effet, avec un jeu constant sur la profondeur de champs. C’est bluffant. Je dis ça, mais je n’y connais rien en technique vidéo. S’il y a des connaisseurs, je serais curieux d’avoir des infos ou vais là-dessus.

Je précise que je n’ai pas encore vu le film (qui m’intéresse) au moment où je te réponds… J’espère aussi que je comprends bien ce que tu décris par ce « jeu sur la profondeur de champ ».
Le jeu sur la profondeur de champ (qui est un art qui se perd au cinéma), ce n’est pas une question de support numérique ou 35 mm. C’est plutôt une question de choix de focales, de mise au point.
A priori, rien n’empêche de jouer là-dessus même en numérique HD. Mais le problème, c’est que cette technique permet d’obtenir facilement des effets de netteté sur l’intégralité du champ (ce qui demandait des efforts considérables voire des trucages du temps de l’argentique), et que du coup on fait le choix de ne plus trop jouer là-dessus. On considère que c’est acquis et ça ne devient plus un élément narratif. Et c’est fort dommage.
Perso, j’adore les effets de mises au point qui évoluent au cours d’une prise.

Le gros avantage de l’argentique demeure ce grain si particulier de l’image, que le numérique est à deux doigts d’émuler mais pas encore tout à fait. Et puis il y a les noirs, incroyablement profonds sur pellicule. C’est logique : un noir en pellicule c’est une « absence d’informations », il n’y a pas de lumière qui est venue impressionner la pellicule à cet endroit ; les noirs dans ce cas sont une absence. Dans le numérique par contre, le noir c’est de l’information, une reconstitution numérique de l’effet « absence d’informations » ; et la différence est très visible. C’est le gros point faible, peut-être encore pour un moment, du numérique.

Même si ce n’est plus la majorité, il y a encore pas mal de films qui se tournent en pellicule. Pour plusieurs raisons : il y a des puristes à la Tarantino et bien d’autres (comme Spielberg, qui monte encore ces films sur sa vieille Moviola ; plus personne ne fait ça) qui ne jurent que par leur 35 mm (et c’est très bien, c’est respectable : c’est l’équivalent des musiciens qui ne jurent que par l’analogique on pourrait dire). Et puis un truc très pragmatique aussi : depuis l’explosion du numérique, tout le matos lié à l’utilisation de l’argentique a vu ses prix de location descendre en flèche ; c’est le bon moment pour shooter des films dans ce format, sur le plan économique.
J’en parlais justement avec un de ces cinéastes indéfectiblement liés à la pellicule, et il m’expliquait que vu la baisse des prix en question, il était hors de question qu’il passe au numérique…

Belle explication, merci.

[quote=« Photonik »]Le jeu sur la profondeur de champ (qui est un art qui se perd au cinéma), ce n’est pas une question de support numérique ou 35 mm. C’est plutôt une question de choix de focales, de mise au point.
A priori, rien n’empêche de jouer là-dessus même en numérique HD. Mais le problème, c’est que cette technique permet d’obtenir facilement des effets de netteté sur l’intégralité du champ (ce qui demandait des efforts considérables voire des trucages du temps de l’argentique), et que du coup on fait le choix de ne plus trop jouer là-dessus. On considère que c’est acquis et ça ne devient plus un élément narratif. Et c’est fort dommage.
Perso, j’adore les effets de mises au point qui évoluent au cours d’une prise.[/quote]

En complément, je conseille la lecture de l’article La focale, c’est quoi? de Tom Weil, assistant réalisateur pour le cinéma et la télévision, qui explique bien en quoi le choix de la focale impacte la largeur et la profondeur de champ. Instructif tout en restant accessible dans les explications.

C’est l’une des raisons, je pense, pour laquelle Hou Hsiao-Hsien continue à travailler sur pellicule plutôt qu’en numérique. Mark Lee Ping Bin, son chef opérateur sur la majorité de sa filmographie depuis Un temps pour vivre, un temps pour mourir, l’a sensibilisé dès 1985 au clair-obscur dans la composition des plans, si bien qu’Hou Hsiao-Hsien est très attentif à l’éclairage et à la densité des noirs qui sont très profonds justement dans The assassin. Notamment dans les scènes nocturnes (le lever du jour filmé en lumière naturelle en pleine nature, inoubliable), où l’éclairage repose majoritairement sur des lanternes et des bougies, et où on distingue parfaitement les déplacements de Yinniang parmi les ombres, vêtue de noir pour se mouvoir discrètement et se fondre dans l’environnement. Plus généralement, Hou Hsiao-Hsien et Mark Lee Ping Bin n’aiment pas l’aspect que le numérique confère à l’image, et le réalisateur taïwanais recherche une forme d’authenticité à tous les niveaux dans sa façon de travailler.

Oui, super retour. Merci à toi.

Je sais très bien qu’on peut jouer de la même façon avec la profondeur de champ en numérique. Je ne faisais que constater que justement, ça se perd au profit d’une image toujours plus nette.

Moi aussi. Va voir le film, tu vas te régaler.

Et puis viens donner ton avis quand tu l’auras vu. :wink:

Je le ferai, sans faute.

Pour compléter ce que précise Benoît, une autre particularité de Hou Hsiao-Hsien en tant que metteur en scène, c’est qu’il est très attaché au format 1.85 (ces nombres correspondent au ratio largeur du cadre / hauteur du cadre), alors que la plupart de ses confrères aujourd’hui s’appuient sur des formats « scopes » ou apparentés (2.44 ou 2.66). C’est plus spectaculaire sur grand écran notamment, mais ce n’est pas le format idéal pour filmer certains éléments, notamment quand ils occupent la verticalité du champ (arbres, bougies, bâtiments, etc…). Fritz Lang, qui a surtout travaillé en 1.33 (le format le plus « à l’ancienne »), disait que le scope était surtout pratique pour filmer les serpents et les cortèges funèbres…

Perso j’aime beaucoup ces formats un peu moins « allongés » ; un Guillermo Del Toro y est lui aussi resté attaché, et ça fait des merveilles sur « Pacific Rim » (avec ses robots et ses monstres géants) mais aussi « Crimson Peak » et ses décors gigantesques et monumentaux.

Intéressant. J’ai été surpris en effet par le format. Sur le coup, je me suis juste surpris à trouver l’image toute rikiki au centre de l’écran, sans vraiment me poser la question de pourquoi ce choix. Maintenant que tu le dis, il y a effectivement pas mal de scènes en forêt où la verticalité fournie par les arbres est importante. Il y a une scène de combat en particulier, relativement courte par rapport à d’autres, qui est particulièrement marquante. Ca se passe au milieu d’une forêt de bouleaux et c’est splendide, autant par le flux de mouvement fourni par les arbres que par le jeu de contraste et de couleur. Grande classe !

[size=200]ENTRETIEN AVEC HOU HSIAO-HSIEN[/size]

@Photonik et aux autres

Une question technique me taraude. Pour moi qui fait de la photo, la focale ne joue pas tant que ça sur la profondeur de champ et j’aurais plus associé l’ouverture de l’objectif utilisé. Du coup, je me demande si vous mélangez pas les deux concepts ?
La taille de la focale joue pour moi sur la largeur des plans en photo, ainsi une focale courte 14mm se prête particulièrement à la photo d’architecture, alors qu’une focale de 600 mm resserrera le plan pour avoir un effet zoom.

Pour ma part, c’est donc l’ouverture de l’objectif utilisé qui importe le plus. Si je prend une photo portrait avec une ouverture de f/8 sur une focale 50 mm, j’aurais autant de profondeur de champs qu’avec une focale de 100 mm mais un effet cadre plus resserré avec la dernière.
Par contre, si je prend la tête d’un insecte en focale 100 mm avec une ouverture de f/1.8, j’ai un bout de l’oeil net et une profondeur de champ accrue sur le reste. Si avec la même focale, j’ouvre mon objectif à f/11, ma partie nette englobera certainement la globalité de la tête de l’insecte.

Je ne vois pas pourquoi ce serait différent en photo et en vidéo puisque ça ne reste que de l’optique mais je ne suis pas vidéaste. Alors confusion entre les termes ? Ou différence technique bien réelle ?

Sur cette photo, objectif macro 100 mm à ouverture f/2.8 ou f/4 (de mémoire):
https://scontent-frt3-1.xx.fbcdn.net/v/t1.0-9/10419971_942664679088249_3519630595678887554_n.jpg?oh=92167384b804adb4330375bec4d85d81&oe=583638BE

Sur celle ci, même objectif macro 100 mm à ouverture f/8 ou f/11 (de mémoire toujours mais je penche plutôt pour du f/11) :
https://scontent-frt3-1.xx.fbcdn.net/v/t1.0-9/179752_576776142343773_1139266773_n.jpg?oh=9c3b6d69cc43eec5bf40a74a352c3c10&oe=5800D436

Je link des photos de mémoire, il faudrait que je regarde les exifs précises. J’ai suffisamment de photos en stock pour trouver des exemples. Mais comme j’utilise parfois des artifices pour augmenter les rapports de grossissement (tubes allonges, bonnettes macros … ça ne change rien à la focale et à l’ouverture mais ca peut perturber la lecture de la photo).

Le mieux est encore de vous indiquer un lien plus précis sur le sujet :
posepartage.fr/apprendre/bases/profondeur-champ.html

Je sais que Kubrik pour Barry Lindon voulait une image proche des peintures de l’époque et avait repoussé les limites techniques en obtenant un objectif Zeiss 50mm d’ouverture 0.7. 50mm étant la focale de l’oeil humain. L’ouverture énorme de cet objectif lui permettait surtout de faire entrer plus de lumière malgré un éclairage à la bougie. Une ouverture trop faible aurait généré une montée du bruit (ou du flou de mouvement en photo, je ne sais pas comment ça se traduit dans la vidéo).

Perso, j’utilise un 5D Mark III avec un 100 mm macro f/2.8, des objectifs série L en 24-105 et 70-200 en ouverture f/4.

Merde j’ai douché votre enthousiasme sur le film avec mes précisions techniques. :mrgreen:

Ah non, c’est surtout que j’avais loupé ton post, pour ma part. :wink:

Tu as bel et bien raison sur le fond : c’est bien l’ouverture du diaphragme qui permet de jouer sur le point, et donc la profondeur de champ. L’ouverture du diaphragme, c’est finalement joué sur la « quantité » de lumière que tu laisses impressionner la pellicule. Par exemple, pour l’exemple de « Barry Lyndon » que tu donnes, Kubrick a effectivement voulu éclairer le tout en lumières naturelles (bougies, etc…) et ça posait des problèmes vu qu’il travaillait, années 70 obligent, avec de la pellicule.
De nos jours, un film comme « The Witch » joue sur le même type d’éclairage (bougies), mais le réal, contrairement à Kubrick dont les objectifs étaient (je crois me rappeler) des objectifs expérimentaux de la NASA, a pu tout simplement s’appuyer sur le numérique, bien plus performant avec des lumières de basse intensité.

Je ne dirais pas néanmoins que la photo et le cinéma, c’est bonnet blanc et blanc bonnet (pas toujours en tout cas), pour une raison simple : au cinéma, la caméra bouge, ce qui pose des problèmes de changement de point en cours de plan.
Je dirais du coup qu’au cinéma, la profondeur de champ est affaire d’ouverture mais aussi de focales, dans le sens où il faut choisir, dans le cas d’un plan où la caméra est mobile, un objectif suffisamment « polyvalent » pour le plan qu’on a en tête pour permettre différents reports de point. En effet, un plan mobile peut proposer à la fois des valeurs « proches » et « éloignées », le tout avec la même focale (on va pas changer d’objectif en cours de plan, évidemment). C’est une affaire de compromis, du coup.

Mais je sais pas si je suis très clair, je suis pas vraiment un spécialiste. Au cinoche, c’est vraiment l’affaire du chef-opérateur et de ses assistants ; le réalisateur peut demander une focale particulière à titre indicatif s’il a un peu de métier, mais c’est le chef-op’ qui validera, de ce que j’ai pu expérimenter en tout cas.

Oui le numérique ajoute une variable plus importante qui est la montée en ISO (le petit chiffre sur les pellicules argentiques 100-400). Aujourd’hui sur un boitier expert ou pro, tu montes à 12000 ISO sans problème et sans générer un surplus de bruit. L’autre avantage du numérique maintenant est que les collimateurs, ces petits trucs qui font la mise au point sont plus nombreux. Ainsi sur un reflex d’entrée de gamme+, on tourne à moins de 10 contre 5 à 6 fois plus sur les boîtiers pros. Ces collimateurs permettent de basculer la mise au point sur tout ou partie du cadre, c’est le gros apport numérique.

Sur Kubrik, tu as raison, son objectif lui avait été fourni par la NASA et expressément créé pour lui.

Autant je connais des régisseurs, du personnel HMC, des prods mais j’ai très peu de contacts avec les chef-op.