En 2016, DC entame la publication d’une série de quatre TPB (à ma connaissance) reprenant la série Justice League of America après le départ du légendaire tandem Giffen / DeMatteis.
Les deux premiers tomes s’intitulent Superman and Justice League America, et les deux suivants Wonder Woman and Justice League America, indiquant les périodes en fonction des héros à la tête du groupe. On regrettera qu’il n’y ait pas de tomes portant le titre « Green Lantern and Justice League (International) », et qui pourrait compiler les numéros de la série Justice League International correspondant à la même période (et où Hal Jordan prend la tête de l’autre groupe). Mais n’allons pas trop vite.
Donc, nous sommes en 1992. Depuis 1987, Keith Giffen et Jean-Marc DeMatteis écrivent les différentes incarnations de la Ligue, sur un ton de comédie qui semble ravir les fans, d’autant que les auteurs parviennent à des moments d’émotion très forts. Mais les deux auteurs concluent leur prestation sur la saga « Breakdowns » puis quittent les séries (donc, Justice League America et Justice League Europe, si vous m’avez bien suivi), qui sont dès lors réorientées vers une tonalité sinon plus sérieuse, du moins plus classique. Pour marquer le coup, l’équipe éditoriale dans laquelle on retrouve Kevin Dooley et Brian Augustyn (lui-même scénariste de Black Condor et superviseur de Waid sur Flash, pour situer) décident de publier un numéro spécial, Justice League Spectacular, disponible à l’époque sous deux couvertures formant une seule et même image.
L’histoire présente donc l’attaque du Royal Flush Gang sur un parc d’attraction où se trouve Elongated Man (lui-même tout frais sorti de sa propre mini-série, un excellent récit par Gerard Jones et le regretté Mike Parobeck). Le héros extensible bat le rappel des troupes et même si la Ligue est dissoute, ses collègues arrivent à la rescousse. Mais il y a beaucoup de héros, si bien qu’à la fin ces derniers décident de rester ensemble, de reprendre le flambeau et de pérenniser l’action du groupe. Rajoutons à cela la présence de Maxwell Lord, figure éminente de l’incarnation précédente de la série, qui tente de récupérer à son profit la nouvelle fondation de l’équipe.
L’ensemble est réalisé par Dan Jurgens d’un côté et Gerard Jones et Ron Randall de l’autre, qui composeront les équipes créatrices de deux séries une fois relancées, le premier officiant sur America, les seconds sur Europe. Gerard Jones n’est pas étranger au groupe, puisqu’il a participé à l’écriture de certains chapitres de « Breakdowns ».
Pour sa première histoire en deux parties, Jurgens met en scène le Weapon Master, un ennemi de seconde zone du groupe, qui fait ici un retour en force, et qui s’avère l’éminence grise derrière l’attaque du Royal Flush Gang. Ces deux épisodes ont été traduits chez Urban dans une anthologie, et permettent de présenter un nouveau personnage, Bloodwynd, dont les pouvoirs d’origine magique tentent de faire oublier le mystère qui l’entoure.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout cela est très classique. C’est sans doute voulu de la part de l’éditorial, qui s’arrange pour que la couverture renvoie à un chapitre classique de la série (même chose, au demeurant, pour Europe, dont le numéro 37 arbore aussi un clin d’œil en guise de couverture). Jurgens fait de nombreux efforts pour caractériser ses personnages en tentant de ne pas réduire à néant les efforts de ses prédécesseurs. Il y parvient grâce notamment aux altercations entre Booster Gold et Fire, aux chicaneries qui opposent Guy Gardner à Ice, aux manipulations maladroites de Max Gold. Il place ainsi la série dans la lignée de ce qui a été fait, en atténuant le côté humoristique, mais cela ne fait que renforcer le côté classique de ses récits. Le seul personnage qu’il traite de manière un peu différente est Blue Beetle, pour lequel il remet en avant l’aspect inventeur, montrant davantage l’intelligence que les bouffonneries. Ce qui, en soit, n’est pas une mauvaise idée, puisque cela permet de voir que Jurgens n’oublie pas le matériel de base, ainsi que de renforcer les relations entre l’équipe classique et certains autre personnages.
Outre Bloodwynd, qui s’avère un ajout de taille pour le groupe, Jurgens met également en avant Maxima, une ancienne ennemie de Superman, monarque de la planète Almerac, qui vient de faire les frais d’une attaque de Brainiac dans le cross-over « Panic in the Sky ». Réfugiée sur Terre, elle se mêle à l’action, et devient à son tour moteur du récit. En effet, elle apprend que sa planète, déjà affaiblie, a fait l’objet d’une nouvelle attaque de la part d’un conquérant non identifié. Elle se rend là-bas, trouvant forte partie, et bientôt suivie par l’ensemble de l’équipe venue la secourir.
Il s’avère que le méchant en question, qui a jeté son dévolu sur la planète martyrisée, est Starbreaker, un autre ennemi secondaire du groupe. Secondaire mais puissant, puisqu’il met rapidement la pâtée aux héros. Là encore, les pouvoirs de Bloodwynd seront déterminant dans la victoire. Le récit, qui ne manque pas de souffle (mais Jurgens y consacre trois chapitres, ce qui permet de donner de l’ampleur à l’intrigue), est plutôt agréable à lire. Il permet d’avoir une caractérisation plus poussée des personnages, et de mettre en valeur les tensions qui règnent au sein du groupe, et qui conduisent notamment Guy Gardner à quitter l’équipe.
C’est Gardner justement qui occupe la place essentiel dans l’épisode 66. Il ne porte plus l’uniforme des Green Lantern (il a été viré dans Green Lantern #25, une série dont la période Gerard Jones mériterait une belle réédition), mais un blouson frappé d’un grand « G », et dispose d’un anneau jaune. Son mauvais caractère s’étale, mais Superman décide de le garder dans le groupe, justement afin de canaliser son énergie.
Parallèlement, un intrus s’est glissé dans le récent quartier général du groupe, dont l’identité est bientôt révélée : il s’agit de Ray Palmer, personnage alors en quête d’une place dans l’univers DC, et qui observe cette équipe qui ne ressemble plus du tout à ce dont il se souvient concernant la Ligue. L’épisode sert de mise au point sur l’état du groupe. Le recueil se conclut sur un dernier diptyque dans lequel un extraterrestre ayant acheté le système solaire des millions d’années plus tôt vient prendre possession de son bien. Comme le remarque Superman, la Ligue a déjà triomphé en utilisant la force ou l’intelligence, mais c’est la première fois qu’elle gagne en recourant à l’escroquerie.
L’ensemble est très agréable à lire, mais ne propose guère d’aspérité ni de surprise. C’est assez convenu, bien troussé, très professionnel, les personnages sont sympathiques, la dynamique de groupe tourne bien, les mystères et les inimitiés fonctionnent, mais il manque assurément un souffle épique aux récits qui, s’ils sont tournés vers l’espace, manquent un peu de grandeur.