Le second TPB de la collection Superman and Justice League America compile les derniers épisodes écrits (et majoritairement illustrés) par Dan Jurgens.
Le sommaire débute avec un Annual inscrit dans la vaste saga « Eclipso the Darkness Within », qui marque le retour en fanfare du personnage corrupteur. L’histoire met en valeur Blue Beetle, mais bien entendu s’inscrit dans une intrigue plus vaste (et d’ailleurs, je ne serais pas contre un TPB regroupant cette saga…).
Le récit est dialogué par Dan Mishkin, partie prenante de la saga, et dessiné par Dave Cockrum, fort bien encré par José Marzan Jr. Cockrum, c’est tout de même un peu un mystère. Ce type se fait remarquer sur la Legion, livre des épisodes épatants d’Avengers, mais ne parvient à s’imposer sur une série régulière qu’à l’occasion de la relance de X-Men, et après deux passages remarqués sur le titre ne parviendra jamais à transformer l’essai. À part la création des Futurians, il ne restera dans les mémoires pour aucune série particulière, aucune saga forte, aucun événement éditorial. Malgré un titre de gloire dont tout le monde rêve sur un CV et un dessin classique mais solide (trop dépendant de l’encrage, hélas) et une narration de premier ordre.
Après cet interlude, le sommaire continue avec deux épisodes liés à « The Death of Superman » (que les lecteurs français connaissent), à la suite de quoi l’équipe se retrouve bien mal en point : Superman est mort, Fire a perdu ses pouvoirs, Booster Gold est privé d’armure et Blue Beetle est dans le coma. Les auteurs décident donc de recruter de nouveaux héros. C’est ainsi que Black Condor (héros d’une série alors animée par Brian Augustyn, editor de la série de la Ligue, et Rags Morales), The Ray (dont la nouvelle version a été mise en avant par Jack C. Harris et Joe Quesada) et Agent Liberty font leurs débuts dans l’équipe, à l’occasion d’un épisode très agréablement dessiné par Sal Velluto.
C’est aussi l’époque où Wonder Woman est appelée à la rescousse par Maxwell Lord afin de prendre les commandes du groupe. Si elle trouve une certaine oreille auprès des jeunes recrues, elle fait face aux réticences de Guy Gardner. La présence de la Princesse Diana dément un peu le titre du TPB, mais l’absence de Superman se fait un peu sentir sur l’ensemble des épisodes.
Dans la foulée, Jurgens lance une intrigue sur quatre épisodes, dont le premier chapitre nous brosse le portrait d’une Ligue de Justice devenue fasciste après avoir pris les commandes de la sécurité mondiale. La dernière page de l’épisode nous donne un indice concernant ce à quoi nous sommes en train d’assister.
En réalité, le Doctor Destiny a puisé dans l’énergie d’un cauchemar de Ray Palmer, afin d’y projeter les héros, qui se retrouvent face à des prédécesseurs qui auraient mal tourné. Si le thème de la radicalisation du héros est déjà un peu usé en 1993, associer cette trame aux pouvoirs de cet adversaire classique ravive un peu les couleurs de l’intrigue, qui monte bien pendant quatre épisodes et offre de chouettes séquences. Rien de neuf, rien d’original, mais c’est plutôt bien mené.
C’est aussi l’occasion de lever un peu le mystère sur le mystérieux Bloodwynd, qui attire les soupçons de beaucoup, y compris de Black Condor. En réalité, il s’agirait de Martian Manhunter, amnésique, ayant « aspiré » les souvenirs de quelqu’un d’autre.
Si l’idée est intéressante, puisqu’elle joue sur des indices répandus dans les épisodes précédents par le scénariste, et si la révélation sert de cliffhanger à l’un des chapitres de « Destiny’s Hand », elle appelle des rebondissements spectaculaires, et une résolution au long cours.
Hélas, Jurgens ne reste guère plus longtemps sur la série, livrant encore deux épisodes dans lesquels il donne la dernière touche à la saga de Bloodwynd. Ce dernier est en fait l’incarnation d’un pouvoir magique invoqué par des esclaves dans les champs de coton, et son ennemi, Rott, en est le verso, le pendant négatif. Au fil d’un flash-back explicatif, les lecteurs apprennent que Rott est parvenu à contrôler J’onn J’onzz, à absorber le véritable Bloodwynd dans une gemme magique, et à faire passer le premier pour le second, dans l’attente d’un être assez puissant pour le libérer du joyau (et il trouve un tel individu en la personne de Ray).
L’ensemble ne manque pas d’idée, les origines de Bloodwynd font de lui un personnage très intéressant (et un détenteur de magie, ce qui fonctionne toujours très bien dans la Ligue), mais le fait qu’un vilain nouveau ait pu à ce point manipuler un héros aussi puissant que le Limier Martien aurait mérité des développements plus conséquents. De même, Jurgens a beaucoup insisté sur les doutes et la méfiance qu’entretiennent certains héros envers le nouveau venu, et tout ceci semble oublié dans ces deux chapitres de conclusion, y compris l’incertitude de Black Condor (peut-être exprimée à l’insistance du responsable éditorial, allez savoir). Tout ceci donne l’impression d’une fin plus courte que ce qui était peut-être prévu.
Le rythme même de ces deux derniers épisodes (la dernière page laisse planer une atmosphère de précipitation) autorise le lecteur à penser que l’affaire est vite conclue. Dommage : Jurgens est meilleur quand il prend son temps, les deux sagas les plus « longues » (trois et quatre chapitres respectivement) offrant un plus grand plaisir de lecture et un véritable souffle. Sa création aurait sans doute mérité une plus longue attention, mais l’auteur est sans doute appelé ailleurs.
Jurgens part, remplacé par Dan Vado, dont nous avons déjà parlé au sujet de sa série The Griffin. Ce dernier va s’intéresser à Ice avant de lancer la série dans une grande saga avec les Extremists, entraînant dans son sillage d’autres séries, et d’autres auteurs, dont Gerard Jones et Mark Waid. Ça fera l’objet de deux tomes de Wonder Woman and Justice League America, et de quelques commentaires à venir bientôt.