Continuons notre petite exploration du passé éditorial de la Légion des Super-Héros, avec un autre épisode, le #237. Situé deux épisodes avant celui que j’ai je viens de chroniquer, c’est le précédent épisode inédit, le #238 étant composé de rééditions.
Sous une couverture de Mike Grell et Joe Rubinstein (et cette fois-ci, on reconnaît mieux le style du créateur de Jon Sable et Warlord), on trouve un épisode assez long, puisqu’il comporte trente-quatre page, dessiné par Walt Simonson. Vous aurez deviné que c’est la raison pour laquelle je l’ai lue (et je peux déjà vous annoncer que je vais évoquer un épisode dessiné par Chaykin, pour des raisons voisines). Hélas, le récit, une quête spatiale concoctée par Paul Levitz, est encré par Jack Abel, ce qui constitue une erreur de casting de premier ordre.
Donc, Superboy and the Legion of Super-Heroes #237 date de mars 1978. On peut donc estimer qu’il a dû sortir à la toute fin 1977. À cette période, Simonson est déjà connu, puisqu’il a réalisé, avec Archie Goodwin, la saga « Manhunter » dans Detective Comics. Ce feuilleton lui vaudra quelques prix et la reconnaissance de ses pairs et du public. Mais il n’a pas encore transformé l’essai, même si l’année 1977 est riche pour lui : il signe deux épisodes de Batman avec Steve Englehart, participe à Rampaging Hulk et se lance dans son premier run sur Thor, avec Len Wein. Il lui restera encore à passer par les cases Battlestar Galactica, Star Wars, Thor (à nouveau) pour devenir la vedette que l’on connaît.
Il a déjà ses tics visuels, que ce soit les rayonnements d’énergie, les traits de mouvements multipliés, les anatomies tordues. Tout cela ne demande qu’à s’exprimer. Avec un encreur comme Al Milgrom, par exemple (sur Batman), ça fonctionne très bien, car l’encre est épaisse et expressive. Hélas, avec Jack Abel, ça ne fonctionne pas. Ce dernier a un trait d’une extrême finesse, mais relativement plat, sans délié. Il place peu d’ombres. De sorte que le résultat est plat, manque de profondeur. La sécheresse n’est même pas mise au service de l’expressivité.
On notera cependant, dans cet épisode, que quelques éléments (les décors, les vaisseaux, les costumes de certains extraterrestres) semblent encrés différemment. Il n’est pas impossible que Simonson ait retravaillé certains éléments, et que Jack Abel soit là essentiellement pour les personnages, afin peut-être de leur conférer les visages et l’allure qu’ils ont sous d’autres dessinateurs, Abel encrant beaucoup d’épisodes durant cette période.
Tout commence alors que Saturn Girl et Lightning Lad quittent le groupe, à la suite de leur mariage. En effet, les règles de la Légion interdisent aux couples de continuer à combattre dans ses rangs (une règle qui sera abrogée à la fin de « Earthwar » : quand on vous dit que cette saga est intéressante). Une fois la cérémonie terminée, un attentat est perpétré contre R. J. Brande, le financier du groupe. Bientôt, ce dernier se retrouve prisonnier d’un certain Arma Getten (quel fin jeu de mots), bien décidé à se venger de la faillite paternelle provoquée selon lui par le milliardaire. Tenant ce dernier en otage, le nouveau venu lance le groupe dans une quête de trois artefacts.
Le récit arbore alors une structure assez classique chez DC, avec un chapitrage et une division en petites équipes, chacune chargée d’aller récupérer un objet. Le premier commando, auquel appartiennent Mon-El et Superboy, partent récupérer un échantillon solaire dans une station « minière » orbitale aperçue dans l’épisode précédent (dans un segment magnifiquement dessiné par Mike Nasser et Joe Rubinstein). Le second, assemblant Phantom Lady, Shrinking Violet et Shadow Lass, rejoint le quartier général de la Légion afin d’y récupérer un cristal, ce qui les oppose à Princess Projectra et Wildfire, dans une altercation entre héros toute marvélienne. Le dernier part récupérer une couronne gigantesque autour de laquelle tourne une civilisation, Timber Wof et Cosmic Boy raflant le joyau à la barbe des autochtones.
Toutes ces scènes d’action sont formidables, mais perdent de leur saveur sous le trait sans énergie de Jack Abel, même si de temps en temps on perçoit le trait de Simonson. Mais trop rarement.
Pendant ce temps, quelques interludes permettent de comprendre le plan d’Arma Getten, qui cherche à créer l’arme la plus destructrice de l’univers afin de se venger et tout ça blablabla. Rien de bien neuf sous le soleil.
Quand les Légionnaires reviennent apporter leur tribut au preneur d’otage, R. J. Brande tente une manœuvre. Le champ de force explosif s’avère un simple pétard mouillé, preuve que Getten n’avait aucunement l’intention de mourir avec son otage. Cependant, le bras gauche artificiel qu’il s’est fait greffer contient l’instrument de la mort de sa cible… mais Getten en perd le contrôle au dernier moment.
Levitz signe une histoire distrayante, mais qui tombent dans tous les pièges du récit de quête multiple : les chapitres sont intéressants, mais une fois réunis les artefacts, il ne se passe plus rien, et l’intrigue se résout de manière assez plate.
Reste une trente-quatrième planche, qui montre le soleil que l’entreprise de Brande a créé à la place de la couronne géante qui a été dérobée, et qui redonne espoir à toute une civilisation. On y retrouve le style de l’illustrateur, si reconnaissable.