On en a parlé récemment, ici et ailleurs, la Légion des Super-Héros a débuté dans les aventures de Superboy : trois super-gamins du futur arrivent dans la petite bourgade de Smallville en 1958 et racontent au jeune Clark Kent qu’ils sont des admirateurs.
C’est sur cette base que les scénaristes Dan Abnett et Andy Lanning démarrent leur dernière grosse saga consacrée à la Légion, en 2003. Rappelons qu’ils travaillent sur la licence depuis plusieurs 1999. Ils sont arrivés sur les titres du groupe avec les dessinateurs français Olivier Coipel et Pascal Alixe, et raconté l’invasion de la galaxie par une race de zombies cybernétiques dénommée Blight. Par la suite, ils ont raconté la chute du groupe, sa dispersion (dans Legion Lost), sa reconstruction (dans Legion World) avant de redonner un titre stable (Legion) au groupe, qui est parvenu à reconstruire son monde. Non sans être passé par des épreuves que je n’ai pas lues, mais qui semblent gratinées.
Au numéro 25 de Legion, Abnett et Lanning décident de rendre hommage à l’héritage du groupe. Ils ouvrent l’épisode sur une reprise de la scène décrite plus haut, à la différence que Clark Kent est embarqué non pas par Saturn Girl et ses deux complices, mais par trois émissaires d’Apokolips. En attendant que ce mystère soit résolu, les deux scénaristes font le tour des personnages, ce qui permet au lecteur qui débarque (exemple : moi) de comprendre ce qui s’est passé, de faire connaissance avec des personnages nouveaux, de saisir le statu quo actuel et de prendre la mesure de ce que les héros ont affronté.
L’une des astuces du tandem est de mettre en scène des cadets destinés à devenir de futurs membres de la Légion, et qui servent ici de candides par lesquels passe l’information. Les personnages sont bien expliqués, riches, sensibles. C’est plutôt bien joué. Certains segments de l’épisode sont confiés à d’autres dessinateurs, dont Dave Cockrum pour les pages consacrées à Mekt Ranzz, ou le trop rare Paul Rivoche, qui retrace le parcours d’Element Lad (ce qui m’a furieusement donné envie de compléter l’édition en recueil, tonnerre !). Pendant qu’une partie des héros fait la visite des lieux, une autre équipe enquête sur une perturbation spatio-temporelle, à l’issue de laquelle ils découvrent… Superboy. Plus précisément, le Superboy du moment, Kon-El, mais qu’importe, le clin d’œil fonctionne.
Ce n’est pas le seul coup de théâtre de l’épisode, qui est rempli de références, d’informations, de pistes pour la suite. L’épisode 26 ne tarde pas à exploiter tout cela : on revient sur le monde d’Apokolips et sur la figure de Darkseid, qui ressemble à une statue de pierre endormie que des adeptes, ou « Servants », s’apprêtent à ranimer. Deuxième référence, donc : Abnett et Lanning emploient les termes utilisés par Levitz et Giffen dans « Great Darkness Saga », démontrant que l’épopée en cours est construite en vue de faire références à l’histoire de la série.
De leur côté, Superboy et ses nouveaux amis affrontent les émissaires de Darkseid, tandis que Quantum Kid ressent d’étranges effets de déjà-vu (via des astuces visuelles que les deux scénaristes ont déjà exploitées dans Force Works). Bien vite, Brainiac 5 comprend ce que les adversaires projettent : utiliser la matière noire de l’univers afin de créer un Boom Tube géant.
À travers ce dispositif de téléportation, Darkseid parvient à convoquer un double de lui-même, plus jeune, dans lequel il envisage de se réincarner. Bien entendu, le jeune Darkseid n’est pas d’accord, la Légion intervient, les paradoxes temporels se multiplient (et les Superboy aussi), tout ça tout ça… C’est très sympa, rapide, enlevé, bien caractérisé. On sent aussi qu’Abnett et Lanning prennent plaisir à rendre hommage, mais se contentent de livrer une intrigue bien huilée pour faire plaisir aux exigences éditoriales du moment tout en faisant des clins d’œil aux lecteurs (il y a même une troisième énorme référence, que je vous laisse le soin de découvrir : les auteurs sont généreux). On sent bien que le gros morceau de leur prestation est passé. Ce qui n’enlève rien au plaisir de lecture.
L’autre mission des scénaristes consiste à présenter le monde de la Légion tel qu’il a été reconstruit (et peut-être à préparer le terrain pour les projets de Geoff Johns). L’épisode 27, qui utilise l’astuce classique du journaliste faisant son reportage dans les coulisses, est particulièrement agréable à ce niveau, parce qu’il permet une caractérisation plus poussée, notamment de Cosmic Boy.
Graphiquement, c’est plutôt chouette. Chris Batista assure les pages intérieures, dans son style propre et lisse, sans doute un peu trop sage, mais séduisant. Assez lumineux, ce qui fait un bien fou après les épreuves vécues par les héros. Il est aidé de Tony Harris, qui signe les couvertures ainsi que certaines séquences des épisodes 25 et 27. L’ensemble est agréable à l’œil, assez vivant, futuriste avec justesse.
Cette saga, qui constitue le dernier gros tour de piste du tandem, a été compilée dans un TPB intitulé The Legion: Foundations. Le gros point de ce recueil, c’est de m’avoir donné envie de lire le reste de leur prestation, que je connais fort mal.