1941-2021 : BON ANNIVERSAIRE WONDER WOMAN !

De nos jours, voir Superman et Wonder Woman s’embrasser, rêver l’un de l’autre, éventuellement même vivre en couple, au gré des réécritures de continuité, est chose plutôt commune. Mais l’univers DC a longtemps évolué sans que les personnages se rencontrent, à l’exception de missions officielles au sein de la Société ou de la Ligue, ou dans les pages de séries telles que World’s Finest, où Superman et Batman vivaient des aventures communes. Mais il faudra attendre, peu ou prou, les années 1960 pour que les rencontres se fassent de manière moins cérémonieuses, impliquant ainsi l’existence d’un univers partagé. Alors pensez-donc, les deux héros qui s’embrassent !

Pourtant, Superman’s Girl Friend Lois Lane #93, daté de juillet 1969, va amener une idée qui, à l’époque, est nouvelle : le baiser des deux vedettes. La couverture, qui représentent Diana et Lois en venant aux mains, dissimule le véritable changement.

Nous sommes en 1969, donc. À cette époque, dans la série de l’Amazone, celle-ci a perdu ses pouvoirs en renonçant à son statut de guerrière immortelle. Elle s’est installée dans le monde des hommes où elle vit des aventures que n’auraient sans doute pas renié Modesty Blaise ou Emma Peel, deux modèles évidents. C’est donc une Diana sans pouvoir qui apparaît dans cet épisode. Sans pouvoir ou presque, comme le laisse entendre la première page.

Dans ce récit, Lois Lane, journaliste intrépide mais toujours amoureuse transie du protecteur de Metropolis (la modernisation a été progressive, dans son cas : si elle a des fringues à la mode, elle se comporte toujours comme la midinette qu’elle était dans la décennie précédente…), rêvasse toujours d’un éventuel mariage avec son fringant héros, mais le rêve tourne au cauchemar quand elle songe à l’idée que ce dernier pourrait épouser Wonder Woman (qui apparaît en costume d’héroïne dans les songes de Lois. Il se trouve que, dans le même temps, Wonder Woman propose à Superman de participer à un spectacle de charité. Le grand cœur de ce dernier ne fait qu’un tour et il découvre bien vite que son équipière, si elle reste en costume civil, semble avoir récupéré quelques capacités surhumaines, et même gagné des aptitudes inédites.

Ces pouvoirs multipliés suscitent une proximité nouvelle entre les héros et nourrit les pires craintes de Lois. Mais à force de voir Wonder Woman virevolter dans les airs et faire preuve d’une super-force, la journaliste a quelques soupçons. Dans un premier temps, elle pense que l’amour donner littéralement des ailes à Diana, mais elle écarte bien vite cette idée, qu’elle-même juge fantaisiste.

Décidant de mener l’enquête et soupçonnant quelque escroquerie, Lois furète dans les environs du manoir poussiéreux où s’est installée Diana. Elle finit par découvrir que quelqu’un est enfermé dans les sous-sols : la véritable Diana. L’individu qu’elle a croisé est un imposteur !

En réalité, il s’agit d’une criminelle kryptonienne, Ar-Ual, destinée à la Zone Fantôme et qui est parvenue à échapper à la vigilance de ses gardiens. Une fois la mascarade éventée, Superman survient, privant momentanément sa congénère de ses pouvoirs, et laissant Lois et Diana se rabibocher.

Ce qui est intéressant dans cet épisode, outre l’excellence de la partie graphique, assurée par Irv Novick au dessin et Mike Esposito à l’encrage, c’est que le scénario est écrit par Robert Kanigher. Ce dernier a longtemps rédigé la série Wonder Woman, succédant à Moulton, travaillant sur de nombreux épisodes illustrés par Ross Andru, et ne cédant la place qu’à l’arrivée de Denny O’Neil, lui-même instigateur de la perte de pouvoirs de l’Amazone. Cette dernière péripétie étant encore assez récente, il n’est pas impossible que le scénario de Kanigher ait été écrit avant le changement, ce qui impliquerait que Kanigher ait dû aménager son script, qui visiblement nécessitait que Wonder Woman possédât ses pouvoirs. Cela étant dit, on peut aussi imaginer que l’écriture ait été faite avec la connaissance du travail d’O’Neil, auquel cas on pourrait lire cet épisode comme un commentaire de Kanigher : l’identité de Diana est usurpée alors qu’elle n’a pas ses pouvoirs (et ne peut pas s’évader de sa cellule), ce qui ne serait pas arrivée si elle les avait encore. Car au final, une histoire de fausse Wonder Woman à une période où celle-ci ne possède plus ses capacités surhumaines, voilà qui est lourd de sens.

Jim