Le voici.
Les TPB sont assez épais, et même si ça se lit vite, il faut quand même un peu de temps.
Donc, j’ai lu le premier tome de la compilation intitulée Wonder Woman and Justice League America, et pour faire court, c’est une bonne surprise. Déjà, signalons que les deux tomes arborent des illustrations inédites en guise de couverture, réalisées par un tandem que j’affectionne beaucoup, Tom Grummett et Karl Kesel. Dommage qu’ils ne se soient pas chargés de l’intérieur à l’époque. Mais justement, on y reviendra.
Donc, Dan Vado, qui a eu plusieurs vies professionnelles dans le milieu (outre scénariste, il a été libraire, éditeur, organisateur de festivals et conventions…), reprend à la suite de Dan Jurgens. D’emblée, il s’intéresse à une dimension de la mission des héros que son prédécesseur avait un peu écartée, à savoir les liens avec l’ONU et la fonction d’ingérence (ou pas) avec d’autres autorités. Ainsi, dès le premier diptyque, il envoie l’équipe protéger des convois humanitaires sur une petite île soumise à la révolution. Et les héros, aidés de Jay Garrick, tombe sur une nouvelle incarnation des Extremists, des super-vilains que je n’ai jamais vraiment bien apprécié, mais qui visiblement mobilise l’imagination des scénaristes des années 1980 et 1990.
L’écriture de Vado va vite, il envoie des informations sur un rythme soutenu, il recourt à des ellipses régulières et plutôt bien gérées, il passe des informations par les dialogues, ce qui permet d’éclaircir très vite le statu quo et d’animer les personnages en leur donnant de l’épaisseur. L’économie de moyens est plutôt réussie, les intrigues défilant et donnant l’impression (fondée) qu’il se passe plein de choses.
Les deux premiers épisodes sont dessinés par Michael Collins, dans une approche classique sans esbroufe. C’est plutôt réussi, et Vado donne de la consistance à Gardner (qui devient plus brutale), à Maxima et au tandem Beetle / Booster. Le premier, d’ailleurs, a renoncé à sa carrière héroïque et se terre dans son laboratoire sous prétexte de constituer une armure à son ami afin qu’il revienne sur le terrain. Vado donne à Ted Kord une existence palpable et relance les liens d’amitié entre les deux héros, même s’il s’éloigne, dans le même élan, de l’aspect comédie qui les avait caractérisés.
Racontant vite, Vado tisse aussi des subplots, notamment autour de Tora, alias Ice, qui a quitté le groupe dans l’espoir de retrouver son peuple. Au fil des séquences qui lui sont consacrées, on découvre qu’elle appartient à la famille royale d’un peuple contrôlant la glace, et la succession du roi défunt constituera l’épine dorsale d’une future intrigue.
La seconde intrigue implique deux extraterrestres poursuivis par de hideux homanoïdes reptiliens. Les deux rescapés trouvent refuge auprès de la Ligue alors que les États-Unis ont accepté de les extrader. Se campant sur ses principes, Wonder Woman se retrouve face à Captain Atom et ses « Peacekeepers », et là encore le scénariste exploite la fonction de la Ligue, qui ne correspond peut-être pas à ses choix moraux. C’est un peu cousu de fil blanc, le récit tourne autour de la notion de préjugés, et permet d’instiller le doute dans l’esprit de certains héros. Entre la morale de Wonder Woman et la real-politik, on trouve Max Lord, qui tente de calmer tout le monde et incarne les derniers restes de comédie dans la série.
Kevin West a remplacé Michael Collins, pas pour le mieux. Son dessin est mignon, avec une vague influence byrnienne qui pourrait le ranger à côté d’un Mike Parobeck, sans les qualités académiques, mais l’ensemble est assez pauvre. Ça ne pique pas les yeux, mais ça manque d’assaisonnement.
L’histoire des fugitifs extraterrestres se conclut par la mort de l’un d’eux, abattu par Guy Gardner. La scène surprend et amène à un cross-over, « The Trouble with Guys », avec la série Guy Gardner, à l’occasion de quoi on découvre que ce dernier a été remplacé par un double provenant d’une race de métamorphes. La série Guy Gardner est à l’époque rédigée par Chuck Dixon, mais l’épisode en question est atrocement dessiné, faisant regretter l’absence de Joe Staton, qui n’en signe que la couverture.
Dan Vado réintègre donc le rouquin râleur dans son équipe, à temps pour une nouvelle saga, intitulée « Cold War », dans laquelle le groupe vient soutenir Tora, en pleine lutte contre son frère qui vient de récupérer le trône. Autre variation sur le thème de l’ingérence, cette saga lorgne vers une tonalité plus heroic-fantasy, et permet quelques retrouvailles au sein de l’équipe. Kevin West continue à officier dans son style sans aspérité (notons tout de même que les responsables de l’édition du recueil ont trouvé le moyen de publier les pages du combat final dans le désordre, ce qui n’est pas très sérieux).
Le sommaire se conclut sur l’Annual du moment (1993), partie intégrante de la saga « Bloodlines », durant laquelle des extraterrestres partent à la conquête de la Terre : leurs rares victimes survivantes héritent alors de super-pouvoirs qui les destinaient à raviver les rangs de l’écurie DC. Aujourd’hui, le bilan est maigre et à l’exception notable de Hitman, les innombrables nouveaux venus n’ont pas fait d’étincelles.
William Messner-Loebs et Greg Larocques racontent l’histoire de Jack Mobley, un raté condamné par un cancer du pancréas, dont la morsure extraterrestre lui confère le pouvoir… de donner des super-pouvoirs aux autres. Le scénariste résout l’intrigue en mettant en avant le personnage de Wonder Woman qui préfère la parole au coup de poing. La présence de l’Annual se justifie non seulement pour sa caractérisation, mais aussi parce qu’il abrite une scène importante : Fire récupère ses pouvoirs, retrouvant de fait une place prépondérante dans l’équipe.
La lecture de ces premiers épisodes signés Dan Vado, compilés dans ce recueil, est plutôt intéressante. Le scénariste s’attache au rôle politique du groupe, et présente une Wonder Woman définie non pas par son sens de la diplomatie et de l’écoute (ainsi que l’animent Dan Jurgens ou Bill Messner-Loebs) mais par son attachement à des valeurs humanitaires de justice. Quitte à s’embourber dans des impasses. Capable de reconnaître ses erreurs, elle offre une figure intéressante de chef, et fournit aussi l’occasion à ses équipiers de se mettre en avant. J’ai commencé le recueil suivant, et le schéma se confirme, même si Vado en profite pour passer la vitesse supérieure.
Héhéhéhé.
La relance, la relance !!!
Jim