En reparcourant un billet que l’éminent Artie Dada a consacré à la série Authority de Brubaker et Nguyen, je retombe sur une information que j’avais un peu perdu de vue, et qui concerne un lointain numéro de Wonder Woman, le 59, daté de mai-juin 1953 :
Effectivement, les comic books de super-héros, et au premier chef ceux de l’éditeur DC, ont souvent lorgné vers le concept d’univers parallèle afin de peupler leurs récits de doubles énigmatiques, plus ou moins semblables à leurs héros. Mais ce Wonder Woman #59 semble être l’une des premières occurrences, sinon la première, d’une Terre alternative.
Sous une attrayante couverture dessinée par Irv Novick (et utilisant déjà la technique du dessin reproduit sur une seule des plaques d’impression afin de simuler un effet de transparence), le fascicule propose plusieurs histoires. La première d’entre elles, intitulée « Wonder Woman’s Invisible Twin! » (soit : « la jumelle invisible de Wonder Woman ») nous intéresse particulièrement.
L’histoire commence alors que Wonder Woman se sent poussée vers la fenêtre par des mains invisibles qui semblent vouloir la précipiter dans le vide.
L’effet disparaît très vite, mais alors qu’elle se regarde dans le miroir, elle sent à nouveau des mains invisibles qui tentent de l’étrangler. Quand le phénomène s’estompe, elle constate que son cou ne porte aucune marque.
La manifestation se reproduit alors qu’elle passe devant une vitrine ou qu’elle se promène en bordure d’un lac et contemple son reflet dans l’eau : c’est alors que les fameuses mains invisibles la pousse vers l’étendue liquide.
Le pire advient quand elle prend en chasse des voleurs poursuivis par la police, et qu’elle se retrouve bloquée par un obstacle invisible. Elle a beau être endurcie, la justicière nourrit de sérieux doutes et commence à craindre que ses pouvoirs ne la trahissent.
Seule par une nuit pluvieuse, elle est frappée par la foudre et tombe d’un pont. La chute la conduit, de manière inexplicable, au bord d’une falaise située sur une île, où elle rencontre… son double.
Celle-ci se fait appeler Tara Terruna, ce qui, dans sa langue, signifiant fort opportunément « Wonder Woman » (ou sans doute « Femme Fantastique »). La princesse d’un autre monde explique à Diana qu’elle repousse les assauts de conquérants à la solde du Duc Dazam, qui ont tenté de la tuer plusieurs fois.
À cette description, Diana comprend que ces agressions ont été ressenties bien au-delà de la barrière dimensionnelle qui sépare les deux Terres. Le scénariste, Robert Kanigher, et le dessinateur, Harry G. Peter (visiblement moins motivé que pour les histoires de Marston, car son trait semble moins exubérant), recourent à cette occasion à une représentation symbolique, celle de deux Terres voisines reliées par des éclairs et entourées de brumes, qui pose les bases de la matérialisation du Multivers tel qu’on le verra dans les années à venir, notamment dans Flash et Justice League of America.
Bien entendu, l’alliance de Diana et Tara, les deux Wonder Women, leur permettra de venir bien vite à bout du Duc Dazam et de ses hordes de mécréants.
Et c’est par le truchement d’un ciel orageux et d’un éclair bien placé que Diana peut retrouver le chemin de son véritable monde, bien rassurée de ne pas avoir perdu le contrôle de ses capacités. Des nuages menaçants, des éclairs aux vertus dimensionnelles, là encore on voit que Kanigher et Peter mettent en place tout un arsenal visuel qui perdurera pendant des décennies.
Le reste du sommaire propose « The College of Magical Knowledge! », Wonder Woman doit se soumettre aux épreuves que l’université des leprechauns concocte pour elle…
… puis, dans « The Million Dollar Penny! », la belle héroïne est confrontée à un riche capitaliste peu enclin à donner pour des œuvres de charité, et qui la met au défi de gagner un million de dollars avec un simple penny comme mise de départ.
Jim