1963-2023 : BON ANNIVERSAIRE LES AVENGERS !

Iron Man #44, daté de janvier 1972, constitue le dernier chapitre de la prestation de Gerry Conway, marquée par une succession de rebondissements et la présence de Mister Kline, un super-vilain mystérieux dont il semble me souvenir que le scénariste l’a également fait apparaître dans ses épisodes de Daredevil.

Sous une couverture de Gil Kane, avec son lot de pathos et sa représentation d’une action dramatique (idéale pour attirer le chaland), l’intrigue concoctée par Conway est en fait dialoguée par Robert Kanigher, transfuge de DC ici de passage. Quand un scénariste sur le départ ne signe pas les dialogues, c’est que son déménagement (soit vers la concurrence soit vers des missions plus urgentes) est un peu précipité. Autre signe de ce départ soudain, l’aventure d’Iron Man, dessinée par l’excellent George Tuska (qui n’est hélas guère aidé par Vince Colletta à l’encrage, et c’est dommage quand on sait comment Tuska dessine les jolies filles), ne fait que treize pages.

L’épisode trahit une certaine panique, qui sera réglée avec l’arrivée de Garry Friedrich pour deux épisodes, de Roy Thomas pour un chapitre récapitulant les origines, puis de Mike Friedrich, qui lancera bien vite la fameuse et foutraque saga du Black Lama, redonnant un peu de nerf au titre.

L’intrigue est dominée par plusieurs personnages, dont Kevin O’Brien alias le Guardsman et Marianne Rodgers, une télépathe mineure éprise de Tony Stark, et en qui il voit, après la mort de Janice Cord et l’échec de sa liaison avec Whitney Frost, une dernière chance de connaître l’amour. Ce qui n’empêchera pas la pauvre Marianne, instable, de finir à l’asile…

En attendant, Roy Thomas, bras droit de Stan Lee qui prend de plus en plus d’initiatives éditoriales et qui s’occupe de gérer les trous dans la raquette (intrigues irrésolues, récits manquants dans le planning…) doit se charger de trouver neuf pages afin de remplir le magazine.

Avec Ross Andru, connu pour avoir longuement animé la série Wonder Woman chez DC, ainsi que les Metal Men et d’autres héros, Thomas réalise une petite histoire bouche-trou avec Hank Pym en héros principal. Tout commence dans une petite boutique au bord de la faillite où Wilbur Grabowski, qui n’a jamais rien réussi dans sa vie, songe à brûler l’échoppe afin de récupérer la prime d’assurance.

Dans la même rue, Ant-Man, chevauchant sa nouvelle fourmi qu’il a baptisée Spa Fon (une vieille blague qui remonte aux EC Comics, puisque des extraterrestres utilisaient l’expression en guise de juron, qui est passée par es fanzines semi-professionnels, mais aussi par des personnages parodiques, dont deux extraterrestres dans la série NEXTWave), comprend que sa monture est attirée par un appel télépathique. C’est ainsi qu’il se rend, minuscule, dans le plancher de la boutique de Wilbur, où il rencontre le Scarlet Beetle, un ancien adversaire, scarabée mutant qu’il avait quitté alors que l’insecte semblait débarrassé de ses capacités.

D’ailleurs le premier chapitre de la carrière du Scarlet Beetle est intéressant à plus d’un titre. Réalisé par Stan Lee, Larry Lieber, Jack Kirby et Dick Ayers, l’aventure se caractérise par son appartenance au genre « monster comics », bien entendu, surfant sur la mode lancée par le film Them, mais il propose quelques variations notables, à commencer par les ambitions de conquêtes du scarabée qui cherche à unir les formes insectoïdes dans une perspective que l’on qualifierait aujourd’hui de communautarisme (dans un style grandiloquent qui confine au cocasse) et surtout par une fin altruiste, où Pym cherche un moyen de débarrasser son adversaire de ses capacités afin de le rendre à sa vie modeste de scarabée. Un geste d’humanité qui tranche avec les résolutions habituelles de ce genre de récits de monstres.

Mais visiblement, l’invention de Pym n’a eu que des effets temporaires et le Scarlet Beetle est bien décidé à reprendre sa campagne de conquête. Pendant que Pym affronte l’apprenti conquérant insectoïde, au-dessus du plancher, Wilbur entreprend de brûler son magasin, à la grande inquiétude, bien entendu, des habitants dans les étages au-dessus. Car ce bon-à-rien, une fois de plus, s’y prend de travers.

S’il ne parvient pas à allumer l’incendie, il émet suffisamment de fumée pour que les voisins du dessus appellent les secours. Le combat entre Ant-Man et le Scarlet Beetle se déplace au-dessus du plancher, et l’adversaire est vaincu quand le jerrycan d’essence lui tombe dessus. Aveuglé par la fumée et irrité par les insectes qui lui grimpent dans les chaussettes, Wilbur s’enfuit, très vite arrêté par la police tandis que les pompiers maîtrisent le sinistre.

Roy Thomas, sous les allures grandiloquentes et humoristiques de ce petit récit bouche-trou, parvient à retrouver une partie de l’essence des « monster comics », qui étaient souvent caractérisés par un retournement de valeur : la menace est arrêtée par l’être le plus moins susceptible de sauver le monde. Wilbur, sans le savoir, perpétue la tradition et sauve la race humaine de la menace du Scarlet Beetle.

Jim

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