En resurvolant quelques épisodes de la période Claremont, surtout avant le #200, je resonge à certaines critiques qui avaient été formulées à l’époque. Souvent par le biais d’une comparaison avec un autre scénariste.
Par exemple, je crois me souvenir d’un article dans Scarce consacré à Nexus, de Mike Baron et Steve Rude, où le signataire vantait les mérites du scénariste parce que ce dernier ne recourait pas tout le temps à la technique du sub-plot, cette intrigue secondaire qui est rappelée, toujours selon le signataire, une fois par épisode à grands renforts de séquences d’une page ou deux. En gros, selon lui, Claremont avait systématisé le procédé et remplissait ses épisodes de cette manière, permettant aux lecteurs de constamment savoir où en sont certains personnages. A contrario, il vantait les mérites de Baron qui savait laisser ses personnages évoluer dans les coulisses, sans qu’on les voie, et qui les ramenait quand l’évolution était suffisante, laissant bien comprendre ce qui s’était passé : genre, que deviennent Ursula XX Imada et les filles qu’elle a eues avec Horatio Hellpop, on ne le sait qu’à l’occasion de leur retour…
Personnellement, je ne crois pas à la vertu et la supériorité d’une technique sur l’autre. Le sub-plot récurrent a un avantage, maintenir l’intérêt, l’attention et la pression (annonçant des développements à venir). Mais laisser un personnage reposer un temps et évoluer dans son coin, en secret, a l’avantage de la surprise.
Au-delà de mon appréciation personnelle, je crois que la critique est exagérée. Claremont use du sub-plot, certes oui, mais il n’en abuse pas (et surtout pas dans la période où il est réduit à 17 pages, c’est-à-dire jusqu’au milieu de la période Byrne, voire vers la fin). Il montre ses intrigues secondaires, mais elles n’étouffent pas le récit. Donc je pense que le signataire de l’article (je soupçonne un nom connu, une légende, un kador, une épée…) réglait un peu ses comptes en faisant un comparatif à charge (ou alors il confondait Claremont et Levitz…).
L’arrivée de Madelyne Pryor dans la série est assez représentative de cette technique. Elle fait son apparition dans Uncanny X-Men#168 qui, pour la petite histoire, est un épisode presque entièrement constitué de subplots divers, à l’exception de la bagarre de Kitty dans les sous-sols du Manoir : Claremont semble faire un pied-de-nez à ses détracteurs, dans un des meilleurs épisodes de la période, car très humain (c’est le fameux « Le Professeur X est un chameau »). On laisse donc Scott sur ses doutes et ses craintes.
Le numéro 169 marque l’arrivée des Morlocks, le retour de Caliban, et l’annonce du duel contre Storm. Il ne contient qu’un sub-plot, consacré à Emma Frost, et rien sur Scott et Madelyne. Il faut donc attendre le numéro 170 pour que le scénariste donne une suite à son intrigue.
L’épisode s’ouvre et se ferme sur le jeune couple, qui n’a pas attendu de retrouver les lecteurs pour avancer dans sa relation amoureuse. Claremont place donc ce chapitre sous leur signe. Il déjoue les attentes et les met sur le devant de la scène. De même, il désamorce les critiques qui lui reprochent souvent de diluer et de faire durer, puisque Scott avoue sa nature de mutants à son aimée. Plutôt belle écriture, dans un épisode où il trouve la place de régler le duel Storm / Callisto et de glisser un autre sub-plot sur Mystique.
Mais derrière les critiques formulées dans l’article que j’évoque se trouvent deux choix d’écriture. Si l’on choisit, comme Baron, de ne faire évoluer les personnages secondaires qu’en coulisses, alors on centre le récit sur le héros, on articule le récit autour d’une seule voix.
Si l’on choisit, comme Claremont, de montrer ce que les autres font « pendant ce temps-là », on privilégie une certaine forme de polyphonie, et on signale que les héros ne sont pas plus importants que leurs alliés ou leurs ennemis. On fait vivre, au même rythme, tout un petit monde aux formes multiples.
De faire vivre tout un petit monde, c est aussi ce qui etait visé lorsqu on disait de claremont qu il faisait sa propre continuité.
L épée de damocles que representait days of future past etait aussi bien utile pour unifier ce petit monde réuni dans un futur commun.
Je viens de ressortir les lobdel, qui copie le maitre mais qui ne semble pas avoir saisi l importance de ce point de fuite du futur pour articuler la narration claremontienne.
Ironnie : lobdel en sera venu à remplacer claremont lorsque ce dernier s etait lasse de xavier et de l equipe classique. Repondant present pour mener à bien les souhaits de harras, lobdel fera ainsi agréablement patiner l univers x. Et puis c est au moment où lobdel se convaincra également de la necessite de faire evoluer l equipe et qu il se lassera de xavier à son tour apres l avoir beaucoup investi, que lobdel se verra proposer de suivre claremont vers la sortie.
Les scénaristes en ont pris de la graine et depuis savent bien la limite imposée du genre : l évolution ne doit pas modifier les persos majeurs du cast et doit permettre une répétition des scenes iconiques.
Ainsi hickman relance le titre non en faisant progresser les personnages mais en inventant de nouvelles situations dans lesquelles xavier soit xavier, magneto magnéto et wolvi wolvi.
Il ne s agit pas que les persos evoluent mais de trouver de nouvelles raisons pour qu ils soient eux mêmes.
Je ne sais pas trop pour Chaykin, mais il aime bien bombarder Miller (y compris dans le courriers des comics de ce dernier). Un grand fan de Doctor Strange, aussi. C’est lui que je citerais, parce que très souvent, c’étaient ses articles que je dévorais et que je gardais longtemps en mémoire. Mais je me trompe peut-être.
Ma foi, critique que l’on pourrait adresser à bien des scénaristes. Les grands runs (par la taille et / ou la qualité) se définissent souvent par ce trait (entre autres caractéristiques) : Miller sur Daredevil, David sur Hulk… Après, la différence, ici, c’est que les X-Men ont donné naissance à une franchise. Une franchise durable. Le seul autre exemple, c’est les Vengeurs, et on voit bien depuis le règne de Gruenwald, qui marque la naissance des séries dérivées et de l’extension de l’univers, que le règne d’un seul scénariste est évité au mieux, interdit au pire. Stern n’a pas eu le droit d’écrire West Coast Avengers, par exemple.
Les années 2000 marquent l’inversion de la tendance : on donne les Vengeurs à Bendis, et il devient le capitaine du navire. Puis Hickman (sur les franchises Fantastiques, Vengeurs puis Mutants).
Et je pense que le cas Claremont est devenu une sorte de jurisprudence, de point limite à n’atteindre que dans certaines conditions. Un mouvement de balancier avec le cas Claremont dans le souvenir de tous.
Mais c’est souvent au détriment des seconds couteaux. On n’a plus (là, je parle avant Hickman, hein : moi, j’ai arrêté de lire après Gillen, c’est dire), ou plus trop souvent, une nouvelle Kitty, par exemple, qui est à la fois le personnage candide et le signe d’une évolution palpable.
Donc les têtes d’affiche restent immobiles (ou bougent en trompe-l’œil) et les seconds couteaux s’agitent un temps, jusqu’au changement d’auteurs.
A voir si désormais avec le passage des générations d auteurs, certains seconds couteaux feront leur répartition dans 10/20 ans, ressortis par nostalgie et evoluant alors sur des durées bien plus longues.
J’aime beaucoup cet épisode, il a tout : la petite fable (le flash-back sur la fleur), l’amitié, l’humour, la présence de Sam considéré à l’époque comme un X-Man légitime et pas comme un Nouveau Mutant…