Si Milgrom (et Shooter) mettent en avant Spider-Man et les X-Men, vedettes du catalogue, afin d’attirer les lecteurs vers ce nouveau produit, le reste du sommaire n’est pas en reste. Par exemple, le premier numéro propose une histoire de Daredevil, écrite par Roger McKenzie, qui connaît bien le personnage pour l’avoir animé avec Gene Colan ou Frank Miller.
L’histoire est illustrée par Paul Smith, un dessinateur encore en début de carrière, mais avec qui McKenzie fera d’autres récits, dont Mike Mahogany, chez d’autres éditeurs.
Tout commence dans un New York enneigé, avec Lewis, un père Noël de rue qui se fait agresser par trois malfrats.
Lewis étant en retard, et pour cause, il est assommé au fond d’une allée, c’est Foggy qui se charge de jouer les Santa Claus de coin de rue. Ça éveille la curiosité de Matt Murdock, son associé, qui s’étonne de l’absence de Lewis et part enquêter.
Il finit par retrouver le vieillard, qui se remet doucement de son passage à tabac et déplore que la recette prévue pour les enfants ait été volée. Dans la conversation, un nom arrive, celui de Haskill, un trafiquant de drogue à la petite semaine. Daredevil part donc enquêter.
Paul Smith met en scène des cases de bastons assez convaincantes, avec un grand usage des aplats noirs, qui permettent sans doute de gagner du temps tout en rendant explicite certaines actions en ombres chinoises.
Autant de cases qui se déroulent dans un New York délabré, dont les immeubles arborent des vitres cassées et des trous dans le toit, autant de signes rappelant la métropole d’avant les grands travaux et la politique de tolérance zéro du début des années 1990.
Un lieu parfait pour la criminalité de bas étage, avec des décors enrichis par les effets de matière de Terry Austin. Il y a d’ailleurs un petit parfum de Marshall Rogers dans ces planches d’un Paul Smith encore vert.
Daredevil retrouver Haskill, commanditaire du détroussage auquel on a assisté au début, et une course poursuite s’engage, d’un genre qui n’est pas sans rappeler celle qui a présidé à la naissance du héros, dessinée par Bill Everett et surtout sublimée par Frank Miller.
Bien entendu, la poursuite sur les toits, avec ce bel effet de ciel bleu tramé, se conclut de manière dramatique, avec la chute du bandit, qui emporte dans son sillage l’argent salement gagné. Et il se trouve que le vieux Lewis passe par là au même moment, se retrouvant sous une pluie de billets verts. Un miracle de Noël pour les enfants, et une morale étrange pour cette petite fable rondement menée.