1974-2024 : BON ANNIVERSAIRE LE PUNISHER !

Max le punichien : quatrième partie.

Alors qu’il a fait deux tours de piste à l’occasion de récit marquant dans la carrière du Punisher, ayant même droit à figurer sur deux couvertures (pour cinq apparitions au total, joli score), Max, le chien de garde de Frank Castle ne fait plus guère de passage dans les pages des séries. Il faudra attendre Punisher War Zone #37, daté de mars 1995, pour qu’il fasse l’objet d’un nouveau récit.

Écrit par Chuck Dixon et dessiné par Mark Texeira, qui livre ici l’une de ses meilleures prestations sur le personnage (et sans doute de sa carrière), l’épisode se pose en récit des origines, comme l’indique une remarque de Don Daley, le responsable éditorial, dès la première page.

Cette « secret origin story » reprend divers éléments suggérés dans Punisher War Journal #59-60 : la manière dont Max a été traité, enchaîné dans une cave sombre, la manière dont il a été nourri, à base de viande crue, de poudre à canon et de caféine. Mais Dixon prend le temps de raconter cela en détail.

Tout commence alors que le Punisher remonte la piste d’un gang de jeunes trafiquants qui attaquent les petits commerces locaux. En parallèle, quelques scènes présentent le destin de Max, acheté tout chiot dans la rue puis élevé par un homme selon le strict régime décrit plus haut.

À l’apparition de Max correspond le surgissement d’une seconde voix off. Le lettreur Jim Novak traite ce second fil narratif de la même manière, en italique, mais prend le soin de changer la couleur. Les pensées de Castle sont sur fond jaune, tandis que la nouvelle voix est sur fond bleu. Un narrateur omniscient décrit le parcours et les sentiments du chien, à la troisième personne. Le va-et-vient entre les deux flux de texte composera un portrait en creux de l’animal et de la relation qu’il va nouer avec le héros. C’est également une manière de raconter la même histoire selon deux angles.

Car la narration nous apprend que le propriétaire de Max est un commerçant, qui élève son molosse afin d’en faire un chien d’attaque, destiné à défendre son échoppe. En tant que commerçant, l’homme, dont on ne verra jamais que les jambes ou la silhouette, est une cible de choix pour le gang de voyous à la poursuite duquel se trouve le Punisher.

Une double poursuite s’engage alors. D’un côté, le justicier a retrouvé la trace des voyous, dont sa voix off nous apprend qu’ils ont attaqué un vieux commerçant qu’il connaissait depuis l’enfance. De l’autre, Max, qui a perdu son maître et ne comprend pas bien la situation, a tout de même identifié ceux qui ont tué le seul humain qui se soit occupé de lui, et se lance à leurs trousses.

Débute alors une longue séquence de course-poursuite, Max poursuivants les jeunes délinquants et les entraînant en direction du Punisher. Ou bien est-ce l’inverse. Toujours est-il que les voyous sont pris entre deux feux et trouvent refuge dans un immeuble délabré où ils espèrent semer le molosse et le flingueur qui leurs courent après.

Texeira compose des planches où les cases horizontales prennent tout leur sens dans la représentation des fuyards et des poursuivants. Le découpage est efficace, alternant entre le chien, qui se repère à l’odeur, et le flingueur, qui se repère aux aboiements.

La voix off, quant à elle, sert aussi à construire un parallèle entre l’homme et l’animal. Castle estime que le chien est fou de bondir ainsi d’un immeuble à l’autre. Mais que fait-il, si ce n’est le suivre ? Qui est le plus fou, le fou ou celui qui le suit ?

Les voyous, le chien et le justicier sont désormais sur les toits, franchissant l’espace séparant les pâtés d’immeubles. Texeira passe alors à un registre de cases verticales afin de représenter la hauteur, le vide et les chutes mortelles promises aux différentes parties.

Une chute à laquelle échappe de peu le Punisher. Moment de ralenti qui amène le chien à venir renifler le justicier. L’animal comprend que cet homme-là est différent, et qu’en plus il poursuit ceux qui ont tué son maître.

Tous deux coincés, le chien dans les éboulis du toit fragile et le justicier suspendu à la corniche, ils sont sous la menace des voyous qui envisagent de profiter de cet avantage stratégique.

Là encore, Texeira alterne les enchaînements de cases horizontales puis verticales, afin de créer des comparaisons entre les deux actions. Au lettrage, Jim Novak utilise une astuce discrète, mettant en valeur un court récitatif encadrant le mot « pain » : douleur. Le bloc de texte est teinté à la fois de jaune et de bleu, afin de faire comprendre que les pensées de l’homme et les sentiments du choix convergent, se cristallisent autour de l’idée de douleur, point commun qui les définit. La douleur, assurément à prendre au sens physique, mais également au sens mental : hanté par des pertes et des deuils, par la nécessité d’accomplir une mission, l’homme et l’animal sont pareils.

Si l’on osait une comparaison, ou pourrait dire que ce Punisher War Zone #37 est au Punisher et à Chuck Dixon ce que Croc-Blanc est à Jack London. Dans le roman, un parallèle est construit entre le loup et Jim Hall, un repris de justice évadé. London y insiste sur le déterminisme du passé (une vie difficile, des choix contestables, la pression de la société, les mensonges…) qui frappe à la fois l’homme et l’animal. Cependant, il montre que si l’un et l’autre sont victimes des circonstances, le loup s’amende, en quelque sorte. Dixon, au contraire, s’il montre un chien poursuivant des criminels, rapproche l’animal du justicier, insistant sur le fait qu’une vie de malheurs a fait d’eux ce qu’ils sont : ils ne changeront pas, mais chacun trouve en l’autre un pair, un frère d’armes, en somme. Dans la bande dessinée, la vision est assurément plus conservatrice.

Le Punisher tire dans le genou du dernier voyou encore debout, qui s’écroule dans les ruines du toit effondré, permettant ainsi à Max d’assouvir sa soif de vengeance. La dernière page montre le Punisher revenir dans son QG, où il demande à Microchip de soigner le chien. C’est à cette occasion que l’animal gagne un prénom, Max, parce qu’il fait toujours le maximum.

Le justicier canin a donc droit, quatre ans après son apparition dans les comics, à son origine. Et aussi à un épisode qui lui est entièrement dédié et qui est réalisé de main de maître, avec un dessin spectaculaire, une narration au cordeau et un soin tout particulier accordé au lettrage. Un feu d’artifice pour son dernier tour de piste.

Jim

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