ALIM LE TANNEUR t.1-4 (Wilfrid Lupano / Virginie Augustin)

Discutez de Alim le tanneur

Jusqu’à aujourd’hui, je n’avais toujours pas lu Alim le Tanneur. Genre, quatorze ans après la sortie. Pourtant, les échos que j’en avais étaient très positifs, et j’aime bien, depuis un bout de temps, l’évolution du trait de Virginie Augustin. Sans compter que je suis devenu un client fidèle du travail de Wilfrid Lupano.

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Et puis, hier, j’ai trouvé le tome 1. Et j’ai décidé de tenter l’aventure, d’autant que la dernière page semblait ne pas présenter de cliffhanger violent. Typiquement ce que les Américains appelleraient un « jump on point », une bonne manière de découvrir la série, en commençant par le début sans souffrir d’un suspense trop intense.

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Ce qui me frappe, à me replonger dans cet univers (que j’avais vaguement survolé en feuilletant il y a des années), c’est le trait de Virginie Augustin. J’avais remarqué, dans ses travaux les plus récents, une capacité à absorber des influences qui me plaisent beaucoup, notamment Buscema. Il y a un naturel dans son trait, dans les attitudes de ses personnages, qui lui confèrent une identité propre associée à des inspirations bienvenues.

Mais là, sur ce premier tome, je trouve que son dessin m’évoque d’autres sources. Notamment Plessix, pour les bouilles rondes, les mimiques expressives, les yeux écarquillés. Et puis aussi un peu Thierry Robin, pour les visages anguleux, les drapés qui n’en finissent pas, certains compositions effilées. Et l’ensemble, là déjà, compose un tout d’une grande richesse. Et surtout très agréable à lire et à suivre.

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Le scénario de Lupano est fluide et sympathique, mettant en scène un univers de fantasy qui fait écho à mes goûts en la matière : je suis souvent rétif aux histoires de reliques enchantées, d’armes mystiques, de bêtes fabuleuses et autres clichés qui me fatiguent à leur seule évocation. Le petit monde à Alim le Tanneur tente d’élever seul sa fille contourne avec une rouerie consommée tous ces écueils : des bêtes fabuleuses, on en a, mais elles sont domestiquées ou échouées sur les plages. Des reliques au pouvoir fantasmé, on en trouve aussi, mais rouillées, visiblement inoffensives et uniquement habitées par la foi que les croyants placent en elles.
Et ainsi de suite. De sorte que l’ensemble forme un tout cohérent mais qui n’est pas directement expliqué. Tout ce qui concerne les cultes, les rites, la liturgie et les sacrifices fait sens dans le tableau général, mais sans précision supplémentaire. C’est donc très fluide, mais également très souple et pas didactique.

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En revanche, le script est drôle sans être hilarant. Laissant une grande place à l’émotion, il fait sourire, bien entendu, mais il est très touchant. Ce qui fait que, en matière de rythme, il ne correspond pas au canon de Lupano tel que je pensais l’avoir identifié : un tourbillon de péripéties où l’humour tient à la fois à la caractérisation et aux situations.
Mais on trouve tout de même les structures qu’il affectionne : des quiproquos, des destins croisés, des alliances surprenantes, des chemins à suivre à plusieurs… Ceux qui ont aimé Traquemage apprécieront également.

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L’album que j’ai est en fait la troisième édition, celle de 2006. La couverture est différente de la première édition, et sera par la suite utilisée pour l’intégrale.

Jim

Moi, c’est pareil, sauf que c’est genre « 5-7 ans après après avoir acheté les 4 albums ».

Ahahahahahaha

Ayant trouvé les deux tomes suivants, je me suis empressé de les lire hier soir. C’est très bien, mais il faut reconnaître que les caractéristiques du style de Lupano (beaucoup d’humour, des fils narratifs qui se croisent…) y sont moins présents. En particulier dans ce tome 2.

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Deux ans ont passé depuis le premier tome. Alim, Pépé et la petite Bul, ayant fui la ville et les autorités, se sont installés en montagne. Mais devant la menace d’un fauve des montagnes, ils sont obligés de reprendre leur chemin, recueillis par des villageois utilisant une sorte de dirigeable pour se déplacer entre les pics rocheux. Dans le même temps, les troupes du conquérant fanatique Torq Djihid, toujours à la recherche de ceux qu’ils appellent des hérétiques, répandent le chaos, et finissent par trouver les communautés qui les ont accueillis.

Fuite, bagarres, massacres, séparation, deuil, le tout dans un décor de fantasy très travaillé et cohérent. Cependant, l’album ne se détache guère de la production classique de la collection « Terres de légendes ». Le rythme est parfaitement équilibré, les dialogues sont bien sentis, les péripéties s’enchaînent sans forcer. Cependant pour qui, comme moi, connaît le travail de Lupano par le biais de séries plus récentes, Alim le Tanneur semble en mode mineur (d’autant que, sur cet album, les scènes avec l’âne dans la montagne annoncent déjà l’intrigue de Traquemage, nettement plus épicé). Cela étant dit, Lupano ne fait pas l’économie d’une charge contre les religions d’État et les théocraties, qui mobilisent sa méfiance à chaque page.

Le dessin de Virginie Augustin est toujours aussi brillant, rajoutant une nervosité bienvenue à un style qui, là encore, me fait penser à Plessix.

Jim

Le troisième tome établit un autre saut temporel dans le destin de nos héros. La séquence d’introduction les retrouve alors que le dirigeable sur lequel ils étaient, dont le gouvernail a été brisé à la fin du tome précédent. L’appareil s’est écrasé, Alim a été récupéré, et c’est tout ce que l’on sait.

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Saut temporel. Suivant un voyageur commerçant, nous retrouvons, dissimulé sous une couverture sous laquelle un sorcier prétend avoir enfermé un démon, Alim, avec une longue barbe. Les dialogues nous apprennent qu’il a passé dix ans dans cet état de captivité, mais le marchand reconnaît dans le tanneur un être appartenant à la race qui a libéré son peuple du tyran. Suite à une négociation musclée, il libère Alim qui peut enfin retrouver forme (approximativement) humaine. Les échanges nous apprennent qu’il n’a plus de nouvelles de Bul. Mais voilà, le marchand, lui, est en route vers une ville nouvelle, et décide d’emmener son nouveau compagnon avec lui.

Alors s’enclenche une mécanique de chassés-croisés propre aux récits de Lupano, et on retrouve, à mi-chemin de ce troisième album, la verve qu’on lui connaît ailleurs. En effet, entre-temps, Khélob le Victimaire, à force de complots et de trahisons, est devenu Empereur. Il cherche à écarter Torq Djihid des coulisses du pouvoir. Alim, lui, tente surtout d’éviter ces deux personnages qui, même dix ans après, sont susceptibles de le reconnaître. Rajoutons à cela le sorcier qui l’avait emprisonné, et qui se retrouve négociateur auprès de l’Empereur (bah ouais, il a passé dix ans avec Alim, finissant par apprendre des rudiments de sa langue).

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L’album se conclut sur la mise en route d’une expédition à la portée politique de premier importance, et à laquelle tout ce petit monde va devoir prendre part. Ce qui promet d’autres chassés-croisés dans le dernier tome… Qu’il va bien falloir que je trouve là.

Je ne reviendrai pas sur les qualités du dessin, vraiment très chouette, et j’insisterai sur le fait que ceux qui apprécient les enchaînements de coups de théâtre propres aux castings agités de Lupano vont sans doute davantage apprécier ce tome que le précédent, tant il renoue avec ce qu’on connaît de lui.

Jim