Discutez de Ari, la salvatrice de l’univers
La collection Zenda, fondée bien avant l’absorption au sein du groupe Glénat, affichait un ton irrévérencieux, rapide, insolent, bref un chouia rock n roll. On en a déjà parlé, par exemple, au sujet de Carnivores de Wacquet et Hérenguel, ou de Teddy Bear de Gess.
Mais le label a survécu après le rachat, accueillant entre autres Ari, un diptyque signé par deux auteurs espagnols. Ce qui n’a rien d’étonnant puisque Glénat a une antenne ibérique installée à Barcelone.
Ari propose un monde ultra-libéral où s’affrontent deux sociétés (identifiées à l’aide de leur produit phare, un soda dans lequel les lecteurs reconnaîtront aisément deux boissons fort prisées de nos jours. Dans ce monde où l’argent et la violence dictent la loi et le reste, Ariadna est à la fois la tueuse d’élite d’une des deux sociétés et la fille du patron d’icelle. Au début de l’histoire (après la séquence d’intro sur laquelle nous reviendrons), elle vient de coucher avec Attila, le tueur d’élite de la société concurrente, qui l’a débarrassée d’un lourd fardeau : sa virginité.
Rajoutons à cela que la scène d’intro mentionnée plus haut annonce une prophétie, d’ailleurs aussitôt désamorcée (dès la seconde bulle) et présentée fort rapidement comme un rêve étrange de la jeune héroïne. Autant dire que les auteurs lancent un fort signal à leurs lecteurs : ne prenez pas l’histoire trop au sérieux.
Car l’histoire est un ramassis foutraque d’idées farfelues, frisant le grand n’importe quoi. Le patron de la chaîne concurrente parvient à capturer les deux assassins, à les attacher à une fusée interplanétaire qu’il fait décoller en allumant la mèche de l’engin, comme s’il s’agissait d’un gros pétard. Une fois atterris sur la planète lointaine (ou presque) que les deux compagnies convoitent, les deux tueurs découvrent que la planète est entièrement constituée… de caca. Et c’est pour ce tas de merde sidéral que les deux armées à la solde des conglomérats vont s’affronter, dans une bataille où Attila, le premier et grand amour d’Ari, trouve la mort, de manière longue et douloureuse.
Et ceci n’est que le premier volume.
Dans ce déferlement d’inepties souriantes se dégage un discours léger mais précis : critique du capitalisme, de l’hypocrisie du pouvoir, de la guerre des sexes, de la permanence des structures d’oppression… D’une certaine manière, en évoquant les rapports entre l’argent, le politique et le religieux, la figure féminine et matriarcale, les jalousies familiales, les pulsions de sexe et de mort, les deux auteurs naviguent dans les eaux de Jodorowsky. Sauf que ce serait du Jodorowsky rigolard, rythmé, assumant sa dimension nawak. Bref, ce serait du bon Jodorowsky, si c’est possible.
Question dessin, Man assemble ses influences manga et cartoon, affichant un trait rond, dynamique, et une mise en page sans cesse inventive. Ça se lit en dix minutes (vingt pour le tout, c’est mon dernier prix), mais c’est réjouissant et marrant comme tout.
Une belle surprise venue d’outre-Pyrénées.
Jim