BAND OF BROTHERS - FRÈRES D'ARMES (mini-série)

« En repensant à l’époque de la compagnie E, je conserve précieusement le souvenir de la réponse que j’ai faite un jour à l’un de mes petits-fils qui me demandait : « Grand père, tu as été un héros pendant la guerre ? »

"Non, mais j’ai servi dans une compagnie de héros ».

Production prestige par excellence d’HBO, Band of Brothers reste encore aujourd’hui non seulement une grande histoire, mais également un témoignage fort d’une époque (pas si) lointaine.

1995 : un génie barbu décida de réaliser un grand film de guerre se passant le jour du débarquement en Normandie. Pour Il faut sauver le soldat Ryan (puissant film de guerre, tétanisant miroir tendu à l’Amérique le questionnant sur le respect de cet héritage), Steven Spielberg avait comme priorité de retranscrire toute l’horreur et toute la dureté de ce moment. Une approche réaliste était donc nécessaire et afin de mieux préparer son rôle, Tom Hanks étudia notamment les différents ouvrages de Stephen E. Ambrose (dont l’ouvrage, D-Day June 6, 1944: The Climactic Battle of World War II, servi de point de départ à l’écriture du premier jet du film), historien américain spécialisé dans la période de la Seconde guerre mondiale. Parmi tous ses ouvrages Band of Brothers paru en 1992 lui fit l’effet d’une bombe.

Alors qu’il recueillait des témoignages sur le débarquement en Normandie, Ambrose rencontra Richard Winters, officier, durant la Seconde Guerre Mondiale, au sein de la 2e compagnie du 2e bataillon du 506e Régiment d’infanterie parachutée de la 101e Division aéroportée américaine appelée la Easy Compagny. Au fur et à mesure qu’il recueillait son histoire ainsi que celle des autres officiers, sous-officiers et hommes de rangs de cette compagnie, l’historien fut frappé par le lien encore très fort et vivace qui les unissait plus de quarante ans après la fin de la guerre.

Ce fut l’acte déclencheur qui le conduisit à la rédaction de Band of brothers, l’histoire d’une compagnie aéroportée ayant participée au débarquement en Normandie, à l’opération Market Garden, à la bataille des Ardennes puis à l’occupation de l’Allemagne (au cours duquel ils libérèrent le camp de concentration nazi de Landsberg) et de l’Autriche allant jusqu’à atteindre le nid d’aigle d’Hitler. Ouvrage au service d’un devoir de mémoire auquel collaborèrent la quasi-totalité des anciens soldats, décrivant les actes extraordinaires d’hommes ordinaires dans des circonstances exceptionnelles.

Bien décidé à adapter l’ouvrage à la télévision, Tom Hanks se rendit à l’évidence qu’un travail de production sans commune mesure devait être nécessaire afin de ne pas amoindrir le caractère exceptionnel des événements. Par ailleurs si l’ouvrage d’Ambrose est exemplaire d’un point de vue historique, l’ambition de Hanks et de Steven Spielberg était de transcender l’ouvrage via l’émotion qu’une bonne adaptation pourrait apporter.

Il fut rapidement décidé que le tournage de la série allait se dérouler sur l’ancien site d’Il faut sauver le soldat Ryan. L’expérience acquise allait se révéler profitable sur tous les points, car si le film de Spielberg fut une production gigantesque, celle de Band of Brothers allait se révéler titanesque. Le projet de la série n’était ni plus ni moins que de se baser sur les écrits d’Ambrose et de raconter le parcours de la Easy Compagny sur plus de trois années en se focalisant sur la période allant du jour du débarquement jusqu’à la fin de la guerre. En terme de logistique il s’agissait de filmer plus d’une dizaine de personnages récurrents évoluant dans d’innombrables décors et cela sans compter les dizaines de scènes de batailles, toutes aussi spectaculaires les unes que les autres, qui parsèment la série. Le réalisme étant la clé de voûte de tout le récit, il était nécessaire d’apporter un soin tout particulier au décorum de la série. Ainsi les différents chars, avions, tanks et autres machines sont identiques à ceux utilisés pendants la guerre. Pour certains, les avions de transports du premier épisode notamment, il s’agit des véhicules authentiques utilisés pendant la Seconde guerre mondiale. Le souci du détail amena aussi les techniciens à reconstruire eux mêmes certaines machines afin que, par exemple, tel tank utilisé par les alliés comporte le bon nombre de roues. Le même soin fut bien entendu apporté aux différentes tenues, armes et décors, le tout sous l’œil vigilant de plusieurs experts et historiens.

Parallèlement à la construction des machines et décors, les acteurs subirent eux aussi un véritable voyage dans le passé. Toute la série reposant sur eux il était nécessaire qu’ils apprennent à vivre comme les soldats de l’époque. L’apport de Dale Dye fut déterminant. Cet ancien capitaine dans l’armée américaine et vétéran de la guerre du Vietnam se reconverti en tant que conseiller militaire pour Hollywood et pris en charge les acteurs avant le tournage. La vision du journal vidéo de Ron Livingstone (Lewis Nixon dans la série) est à ce titre intéressant pour se rendre compte de ce qu’une semaine de stage intensif dans un camp militaire peut apporter dans un groupe d’individus que rien ne lie. Tous étrangers les uns envers les autres à leur arrivée au camp d’entraînement, les acteurs développèrent très vite un lien fraternel très fort qui allait contribuer à l’empathie que le spectateur allait ressentir pour ces frères d’armes. Outre les exercices physiques habituels (course à pieds, tractions, etc etc) les acteurs devaient apprendre le maniement des armes, savoir comment effectuer un saut en parachute, pouvoir repérer, prendre et tenir une position le tout sous l’œil vigilant des hommes de Dye. Pour ce dernier, il était nécessaire que les acteurs souffrent et en passent par ces moments afin de véritablement savoir ce qu’était la fatigue dans des circonstances où la vigilance devait être constante. Sans cette connaissance leurs prestations auraient perdu en force. Enfin durant toute cette période les acteurs devaient s’appeler par le nom de leur personnage et assumer les fonctions de leur grade.

Au final cela permit à cette communauté d’acteurs de véritablement se souder telle une chaîne incassable, afin de donner une des plus belles prestations que la télévision nous a offerte jusqu’à présent. Il faut également saluer la grande implication des comédiens qui n’hésitèrent pas à prendre contact avec les survivants de la Easy Compagny ou bien avec la famille des disparus, afin de mieux apprendre qui ils étaient et comment ils réagirent lors des différents évènements de l’histoire. Les acteurs s’impliquèrent donc dans la production, car se sentant la responsabilité de transmettre l’histoire de ces soldats pour les générations futures comme le souligne Dale Dye lors de son discours de fin de l’entraînement. Ca ne sera d’ailleurs pas un adieu pour autant puisque le vaillant capitaine endossera l’uniforme du colonel Sink dans la série.


La plus grande difficulté de l’adaptation n’allait pourtant pas être d’ordre technique ou logistique mais tout simplement d’ordre narratif. En effet l’ouvrage d’Ambrose est un ouvrage historique et se concentre avant tout sur les faits de manière froide et précise. C’est donc tout un travail de synthèse qui eut lieu afin de créer dix épisodes sur les moments marquants de la compagnie tout en y apportant la chaleur et l’émotion nécessaires. A la vision de la série il semble évident que l’angle d’approche de l’adaptation tient en ces mots : émotion à l’échelle humaine. C’est l’aventure personnelle qui primera et guidera chaque épisode quitte à déformer la réalité. Ainsi les évènements de l’épisode 8, The Patrol dans lequel le soldat David Wester(Eion Bailey) retrouve la Easy compagnie à Hagueneau semble se dérouler sur quelques jours alors que le siège dura plus d’un mois en réalité. Cette entorse aux faits est justifiée par le désir de raconter avant tout le désarroi d’un soldat qui retrouve ses compagnons après qu’ils aient endurés une terrible épreuve (la bataille des Ardennes) que lui même n’a pas vécu (cet épisode se base également sur le journal intime de David Wester). Beaucoup d’épisodes de la série se focalisent ainsi sur un personnage afin de mettre en évidence un évènement ou des sentiments lié à la guerre. Ainsi l’épisode 6, Bastogne met en avant Eugene Roe(Shane Taylor) l’infirmier de la compagnie qui peine à trouver bandage, ciseaux et morphine afin de pouvoir soigner les soldats. De même l’épisode 3, Carentan traite de la peur chez les soldats via le parcours du soldat Albert Blithe(Marc Warren).


Personnage clé de la série, c’est bien entendu Richard Winters qui va avoir le droit au traitement le plus approfondi. Il est notre guide au sein de la Easy et sera le fil rouge de l’histoire pendant toute la série. Brillamment interprété par Damian Lewis, l’officier restera à jamais le seul et unique commandant de la Easy compagnie. Il gagnera le respect de ses hommes par son courage et son autorité là où le capitaine Herbert Sobel (David Schwimmer) et le lieutenant Norman Dike (Peter O’Meara) la perdront par leurs couardises et leurs incompétences.

Si on part du principe que Band of Brothers parle pour tous les soldats de la Seconde guerre mondiale via l’histoire d’une compagnie, alors Richard Winters est le soldat qui parle pour tous les hommes de la Easy. A ce titre le fabuleux épisode 5, Crossroad réalisé par Tom Hanks est un petit bijou. Episode central de la série, il réussit le tour de force de faire un point sur les hommes après les évènements du débarquement et de Market Garden pour les préparer à la terrible épreuve que sera la bataille des Ardennes. Le tout en se focalisant sur Winters qui grâce à son action contre une unité allemande située à un carrefour décisif, se voit promu mais doit abandonner à contrecœurs le commandement de la Easy compagny et doit composer avec le poids de ses actes lors des combats. A lui seul, Crossroad résume très bien l’approche de Band of Brothers : une approche humaine des événements de plus grande ampleur et des scènes intimistes doublées de batailles épiques.


La série se révèle peu avare en scènes choc, jugez plutôt : parachutage lors du débarquement en Normandie suivi directement du regroupement des troupes en territoires ennemies, prise de canons et enfin libération de la ville de Carentan. Plus tard les soldats vont se battre pour libérer les Pays-Bas puis vont devoir affronter un terrible hiver dans les Ardennes sous les bombardements de l’armée Allemande avant de pouvoir reprendre la ville de Foy. Enfin ils devront tenir le siège de la ville d’Haguenau pour finalement entrer en Allemagne. S’il y a bien un point sur lequel il nous faut insister c’est que jamais le format télévisé n’a limité la grandeur épique de la série (chose rare à l’époque) et que les épisodes de Band of Brothers tiennent largement la comparaison avec les plus grands films de guerre. Là encore, l’expérience d’Il faut sauver le soldat Ryan s’avéra bénéfique. En effet les scènes de bataille du film et de la série se ressemblent fortement dans leur réalisations basées sur la caméra à l’épaule, des couleurs saturées à la limite du noir et blanc et une violence très crue, ainsi qu’une approche proche du documentaire qui renforce le réalisme de la série. Ce point de vue est également appuyé par le témoignage des véritables membres de la Easy compagny qui ouvre chaque épisode.

L’idée brillante de la série fut de créditer les témoignages à la toute fin de la série. Outre que cette décision permet de conserver le suspense quand au devenir de chaque soldat, cela renforce l’impact émotionnel pour le spectateur qui pendant toute la série tentait de mettre un nom sur chaque visage par rapport au physique des acteurs. On ne saluera jamais assez ces derniers, des figurants jusqu’aux acteurs principaux pour leur performance. On ne félicitera jamais assez HBO d’avoir permis la diffusion de celle-ci. On ne remerciera jamais assez France 2 d’avoir diffusé la série de façon événementielle (bien qu’elle se basa sur une version internationale qui coupa quelques passages sanglants mais heureusement brefs), on ne se gaussera jamais assez des critiques de la presse de l’époque encore et toujours à coté de la plaque. Mais surtout on ne remerciera jamais assez Tom Hanks et Steven Spielberg d’avoir produit cette mini-série et de rappeler à notre mémoire le courage de ces hommes qui luttèrent un jour contre la tyrannie afin qu’aujourd’hui nous puissions parler de tout cela dans un cadre confortable.

« From this day to the ending of the world, we in it shall be remembered. We lucky few, we band of brothers. For he who today sheds his blood with me shall be my brother”

“ A partir d’aujourd’hui et jusqu’à la fin des temps, on se souviendra de vous. Nous les chanceux, nous les frères d’armes. Car celui qui verse son sang à mes cotés aujourd’hui sera mon frère. » - Henry V

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Ce message est une reprise d’un article que j’avais écrit en 2007 pour un site aujourd’hui disparu. Je lui ai fait subir un petit toilettage suite à mon dernier visionnage de la mini-série.

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Bel article pour une excellente série que j’ai du voir 3 ou 4 fois…et que je reverrai encore certainement un de ces jours. Même si elles ont leurs qualités, les deux autres séries produites par Spielberg et Hanks n’ont pas su atteindre le niveau de ce chef-d’oeuvre télévisuel…

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Le classique : « ils étaient pas connus alors »


(enfin bon Spaced étaient déjà diffusée)

Les mutants dans la place :


(tête de moule un jour, tête de moule toujours)


(bon il était déjà au SNL)


(merci papa)


(Dexter Fletcher, réalisateur de Bohemian Rapsody et Rocketman)

Attention, ne clignez pas des yeux, c’est rapide


(Dominic Cooper)


(Moriarty à coté d’un célère prisionnier d’Oz. D’ailleurs pour l’anecdote c’est pour qu’il puisse tourné dans Band of Brothers que Fontana a imaginé une intrigue dans laquelle Miguel Alvarez, le personnage interprêté par Kirk Acevedo, est constamment au mitard)

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C’était incroyable. Je te remercie pour ce bel article.

J’ai un souvenir très ému de l’épisode où sont découverts les camps de la mort.
Une magnifique série!

Tu m’as donné envie, je ne connaissais que de réputation. C’est visible facilement en plus donc sur le programme de l’été !