Et moi j’ai rattrapé mon retard. Dix-huit numéros en une fin d’après-midi / début de soirée, repas compris au milieu. Ça se lit vite. Probablement trop pour que ça ait pu soutenir mon attention si j’avais lu au rythme de parution, même en mode bimestriel. Ceci dit, je préfère encore les numéros qui passent vite que certains numéros beaucoup trop verbeux où King semble remplir les pages avec des récitations de poèmes ou de comptines ou de livres pour enfants en nous laissant le soin de deviner quel est le rapport avec la choucroute.
Zut, je commence sur un ton plus dur que ce je prévoyais. Je n’ai pas détesté, pourtant. La preuve, j’ai fini l’histoire. Dix-huit numéros, j’aurais lâché sinon s’il n’y avait pas des choses qui m’intéressaient dedans.
D’une manière ou d’une autre.
Je n’ai pas détesté mais je ne prétendrais pas non plus que je trouve ça pleinement réussi, pour autant. Dix-huit épisodes pour tuer le père. Littéralement. Deux fois. Quatre-vingt-cinq épisodes, deux ans et demi pour capitaliser enfin sur la promesse de dépassement du traumatisme. Plutôt — comme je le disais déjà il y a un an, et je vois (hélas) que je ne me suis pas trompé — que d’assumer de « guérir » le perso et de traiter les conséquences, comme Waid l’a fait sur Daredevil. Deux ans et demi pour ne délivrer la lumière qu’au bout du tunnel, en conclusion de run, c’est-à-dire d’une façon que les prochains scénaristes, comme de coutume, auront tout le loisir de balayer (une note au passage, j’espérais beaucoup du run à venir de Tynion vu son superbe boulot sur Detective Comics, mais le teaser final me refroidit grandement).
Et quel tunnel. Non, je parle pas que de la longueur, même si on va y revenir, je parle de l’obscurité. Pour un titre qui se veut positif, on aura quand même bouffé du grim and gritty au tractopelle. Et que je te lobotomise Robin au 22 long rifle, et que je te brise la nuque d’Alfred devant les yeux de Damian. 
Il y a eu de bons moments, pourtant, dans cette dernière ligne droite. Les deux épisodes sur la plage. J’aurais aimé voir plus de choses comme ça. Dommage qu’il ait fallu que ça arrive adossé à la fin de l’épisode 77. Le monologue enregistré d’Alfred (même si trop tiré en longueur, même si je n’aime pas la mort du perso). L’épisode final.
Mais tout le run est trop long. Trop ambitieux (et pourtant, en même temps, pas assez). Trop délayé. Trop étiré. Pourtant j’aime, normalement, quand les choses sont construites au fur et à mesure sans forcément que ce soit tout de suite évident. J’aime, aussi, quand ça tourne au duel stratégique sur qui a le plus de coups d’avance sur l’autre entre le héros et son opposant (je relisais tout récemment « Vampire State », le très bon dernier arc de Captain Britain and MI:13 de Cornell, et cet aspect marche terriblement bien, entre autres qualités). Seulement, King, si génial peut-il être dans un cadre de mini-série, perd ici le sens des proportions. Ce sentiment persistant s’est installé pour moi en cours de route et n’a, hélas, pas été démenti. Les épisodes où Bane et Batman (et Thomas, dans une moindre mesure) jouent à ce jeu-là ne fonctionnent tout simplement pas, le côté « tout était lié depuis le début » ne prend pas, la laisse est trop longue et ne repose que sur trop peu de chose. (Le fait que les deux grands ennemis du run, Bane et Flashpoint!Thomas, se réduisent finalement à des psychopathes tournant en boucle autour d’une seule et unique idée fixe n’aide pas.) De même les effets de bouclage du dernier numéro sont amoindris par le fait que le lecteur a eu tout le temps d’oublier sur quoi ils reposaient en premier lieu (j’ai rouvert par hasard mon tome 3 pour vérifier un truc et je me suis rendu compte que la discussion avec Claire sur la tour reprenait le décor et l’esthétique d’un épisode de ce moment-là, mais qui s’en souvient s’il n’a pas tout relu récemment ?).
Trop inégal, aussi. Avec d’indubitables sommets hein (l’Annual #2 bien sûr, mais pas que). Mais parfois paumées au milieu de passages autrement moins inspirés. La fine et émouvante reprise de Kite Man au milieu du long marasme de la Guerre des Rires et des Énigmes : un « rapport de forces » qui finalement annonçait bien tout la suite du run.
J’irai lire la prochaine mini Batman/Catwoman, néanmoins. « C’est l’histoire que j’ai toujours voulu raconter », qu’il dit le monsieur. Cool. C’est l’histoire qu’il m’avait donné envie de lire. Mais pourquoi avoir attendu si longtemps.