Blackhawk #1 à 3
Howard Chaykin (Prestige Format, 1988)
TPB reprenant les trois numéros en prestige format ainsi que les épisodes de Martin Pasko, Rick Burchett et Mike Grell :
TPB reprenant les trois numéros en prestige format ainsi que les épisodes de Martin Pasko, Rick Burchett et Mike Grell :
Faignasse !!!
Jim
Artiste !
Comme ce fut le cas avec le Shadow, j’ai découvert la réinvention des Blackhawk par Chaykin vierge de toute lecture préalable.
Difficile dans ces conditions de pouvoir situer doctement les apports de Chaykin sur le sujet si ce n’est que je crois me souvenir d’une altercation entre Eisner et Chaykin au sujet de la reprise par le second des personnages créés par le premier.
A la lecture de la mini-série, on peut aisément en imaginer la raison, du moins une raison possible tant la pâte de Chaykin est identifiable lui qui sait comme personne traiter des figures héroïques comme fort peu héroïques.
Si dans les séries de Chaykin peuvent s’opposer le héros et méchant sans que le moindre doute subsiste sur qui est l’un et qui est l’autre, pour autant difficile au terme de ses histoires de voir dans le héros un Héros.
Et c’est le cas ici à un point rarement atteint ce qui aura pu chagriner le créateurs des personnages.
Il faut s’imaginer une série d’aviateurs qui ne volent pas, de combattants qui ne combattent pas, d’ennemis qui ne cessent de se rater, de confrontations qui ne cessent d’être différées et dont la frustration occasionnée par ce ratage perpétuel devient la matière même non seulement du récit mais aussi d’un portrait d’une période historique très singulière qui est celle des atermoiements des USA à entrer dans la guerre.
Donc d’un coté, il y a ce qu’on pourrait facilement appeler aujourd’hui une déconstruction des personnages mais de l’autre il y a surtout ce propos sur l’époque et il est très costaud et très subversif.
Dans les séries, tous les personnages ne cessent de changer d’uniformes au rythme des infiltrations et missions secrètes qui se succèdent à la recherche d’une bombe nucléaire égarée. Uniforme des blackhawk, uniforme des ennemis des blackhawks copiés sur ces derniers, uniforme de l’armée communiste, uniforme nazis. Le héros et son ennemi le major death passant d’uniforme en uniforme et les portants bien à chaque fois, c’est comme une unité qui commence à apparaître, Mais ce ne sont pas que les uniformes qui valsent, ce sont également les idéologie, ici un acteur anglais et un sénateur américain tous les deux nazis, là les blackhawks et leurs alliances communistes, les avions volès aux nazis, reconstruits par une communistes pour devenir un symbole américain. C’est aussi cette femme qui prend pour amant chacun des protagonistes, c’est encore cette course poursuite autour d’une bombe qu’ aucun ne rattrape et qui dessine une ronde absurde où tous paraissent pouvoir prendre la place de chacun et inversement dans un immense bordel.
Est ce qu’Eisner y aura vu une dénonciation de l’esthétisme des blackhawk comme une esthétique nazi ? De quoi l’énerver, en effet. Ou pire est ce qu’il aura lu cette série comme une tentative de renvoyer tous les camps dos à dos : Allemagne nazie, démocratie américaine et anglaise et le totalitarisme soviétique ?
Je ne pense pas que ce soit là la conclusion à tirer de cette lecture. Chaykin visait, me semble-t-il, quelque chose de bien plus fin puisque, après tout, un parti nazi, il en exista bien un aux états-unis. Je pense que Chaykin en représentant cette ronde un peu folle de ratage, pointe surtout qu’il ne s’en est pas fallu de beaucoup pour que ce qui travaillait l’Allemagne avec le nazisme, n’emporte aussi les alliés de l’intérieur. Il ne s’agirait donc pas tant de renvoyer les camps dos à dos mais plutôt de montrer que l’idéologie nazi touchait aussi quelque chose de l’époque dans son ensemble et qu une alliance ici qui ne ce serait pas faite, là une réussite qui aurait eu lieu et c’est l’histoire entière qui aurait pu basculer bien différemment.
Au final, on sort de cette lecture avec le tournis et une vraie impression de tension, ce qui est cocasse tant la confrontation échappe durant la quasi totalité de l’histoire. Et ce n’est pas que l’on ne sache pas en reposant son comics qui étaient les gentils et qui étaient les méchants, c’est plutôt qu’on se dit qu’il s’en est vraiment fallu de peu pour les héros n’en soient finalement pas et à travers eux leurs pays parce que eux également étaient travaillés par une même pulsion aussi mortifère qu’absurde et stupide et que le jeu des alliances auraient pu déboucher sur tout autre chose à un cheveux près, ou plutôt ici une pipe, Chaykin étant Chaykin.
Fourmi ?
Fournil ?
Fourbi ?
Tourni.
Nemo a édité son message.
Tori.
C’est toi ou le doc qui a édité du coup ?
Ah bon ?
Et même tournis, après une nouvelle édition du message.
Tori.
Moi.
Merci beaucoup.
Notamment, mais ça tournait aussi autour des citations visuelles, de l’inscription du travail de Chaykin dans la lignée de courant artistiques précédents (notamment dans l’affichisme mondial). J’ai retrouvé une évocation :
Ah, merci.
J’ai aussi retrouvé l’évocation par Chaykin lui-même d’une conversation houleuse qu’il a eue avec Will Eisner. Et Chaykin cite un illustrateur et affichiste allemand, Ludwig Holhein, qui a été illustrateur de publicité dans les années 1920 avant de mettre son talent au service de la propagande nazie.
Chaykin est très marqué par les esthétiques fortes des années 1930 (et on a vu dans nos échanges que les choses se croisent). Moi, une influence qui m’a semblé évidente dès le survol, c’est celle de Joseph Christian Leyendecker.Mais bon, Chaykin qui convoque des courants artistiques, c’est pas nouveau :
Et dans Blackhawk, qui parle des tentations totalitaires hantant les démocraties, et donc des confusions (notamment esthétiques), c’est pas étonnant qu’il canalise différentes formes de propagande visuelle :
Est ce qu’Eisner y aura vu une dénonciation de l’esthétisme des blackhawk comme une esthétique nazi ? De quoi l’énerver, en effet. Ou pire est ce qu’il aura lu cette série comme une tentative de renvoyer tous les camps dos à dos : Allemagne nazie, démocratie américaine et anglaise et le totalitarisme soviétique ?
Je pense qu’Eisner se sera arrêté à l’aspect visuel et n’aura pas lu le contenu, mais je peux me tromper.
Jim
Et dans Blackhawk, qui parle des tentations totalitaires hantant les démocraties, et donc des confusions (notamment esthétiques),
C est tout à fait ça.
Certes. Mais en attendant, tes commentaires, plus frais que les miens puisque tu viens de découvrir la série, m’ont donné envie de la relire.
Jim
Une serie surprenante qui se montre à la hauteur de son aura.
J ai pensé à toi pour le lettrage qui est également tres inventif, tout etant de l anglais mais avec des calligraphies differentes pour signaler le russe ou l allemand.
J’aime aussi beaucoup la représentation des bruits de moteur d’avion, qui servent d’indice spatial et temporel et contribuent au suspense.
Il me semble aussi qu’il y a une scène de cauchemar avec des bulles vides : superbe idée.
Jim
Oui, une représentation de l impuissance.
D ailleurs question : est ce que vos reves sont sonores ?
D ailleurs question : est ce que vos reves sont sonores ?
Il est très rare que je me souvienne avoir rêvé.
Mais ceux dont je me souviens sont sonores, oui.
Ma question sur les rêves serait plutôt de savoir à quoi ressemblent les rêves des aveugles.
Tori.