CARNAGE PARK (Mickey Keating)

[quote]DATE DE SORTIE FRANCAISE

Indéterminée

REALISATEUR & SCENARISTE

Mickey Keating

DISTRIBUTION

Ashley Bell, Pat Healy, James Landry Hébert, Larry Fessenden, Alan Ruck…

INFOS

Long métrage américain
Genre : thriller/horreur
Année de production : 2016

SYNOPSIS

  1. Deux escrocs en herbe braquent une banque et s’enfuient dans le désert avec leur otage. Lors d’une halte dans le désert, ils pénètrent dans Carnage Park, un endroit isolé et sauvage…qui se trouve être le refuge d’un ancien militaire psychotique qui les prend en chasse…[/quote]

La bande-annonce :

youtube.com/watch?v=46g3cKB1-70

C’est amusant, en voyant l’affiche j’ai dû vérifier que je n’étais pas dans la section « ciné-club » du Doc. :slight_smile:

La bande-annonce, toutes proportions gardées, donne un peu la même impression, avec sa lumière qui louche un peu sur celle des années 70. On dirait une sorte de « Punishment Park » mâtiné de « Targets », le tout dans la filiation de « La Chasse du Comte Zaroff »…

J’évite autant que faire se peut de regarder les B-A ; si ce que tu en dis s’avère ça risque d’être pas mal ce Carnage Park (bien que Targets ne me dise rien). :slight_smile:

« Targets » (ou « La Cible » en VF), c’est ce film réalisé en 1968 par Peter Bogdanovich, qui est une évocation du massacre perpétré en 1966 par Charles Whitman, vétéran du Viêt-Nam qui a « craqué » de retour au pays et a utilisé ses talents de Sniper pour tuer des dizaines de personnes (dont sa famille) durant ce que l’on appelle le massacre de l’Université du Texas, à Austin.
Le « bad guy » a l’air d’avoir une personnalité très différente ici ceci dit.

On a l’impression que ce « Carnage Park » constitue une sorte de queue de comète de la vague « grindhouse » qui a connu un petit regain de popularité ces dernières années (sans jamais rien produire de bien notable, ceci dit, à part des zèderies à tire-larigot), dans la lignée du diptyque « Boulevard de la Mort/Planète Terreur » de Tarantino et Rodriguez.
Y’a un peu de ça ici, mais le film est quand même, s’il est loin d’être parfait, un peu moins putassier que ça. Mais le cinéaste commet l’erreur de ne pas aller au bout de sa démarche déférente envers ses modèles…

Le film lorgne en effet, et c’est visible dans le trailer ou même l’affiche du film, vers les années 70 bénies, quitte à en faire un poil trop dans le traitement « chimique » de la photo qui veut trop faire vintage. Bon, y’a quand même quelque chose dans le « look » du film qui reste cohérent avec le fait de placer l’action en 1978 quand même, surtout que le cinéaste refuse de recourir à de trop grosses ficelles comme les rayures artificielles sur les « photogrammes » (ce qu’on a pu voir par ailleurs : j’ai horreur de ce procédé…).

Mickey Keating a même par ailleurs un sens certain du plan qui en jette, notamment les plans larges, très importants dans le film, comme en atteste cette entame qui fait méchamment western-spaghetti. Il est simplement dommage que le réalisateur, de manière assez incompréhensible, se repose (pour dynamiser la narration ? j’en sais rien) sur des effets de montage « épileptique » pas forcément vilains sur le plan technique mais totalement hors de propos. Là pour le coup, c’est pas les années 70 mais les années 90 qui sont convoquées ; ça provoque une sorte de hiatus esthétique très désagréable en tout cas…

Même du côté du travail sur le son, malgré d’excellentes idées (comme ces voix ralentis assez anxiogènes, qui sortent d’un vinyle fondu au soleil : très bien vu, ça), on en fait trop, comme c’est malheureusement trop souvent le cas à l’heure actuelle (vu que les trucs les plus techniques au niveau sound-design sont pratiquement à la portée de tout le monde ou presque maintenant…).

C’est vraiment dommage, parce que par ailleurs, j’aime bien le ton très « teigneux » du film, dans le genre « rednecks en folie » cher à un Rob Zombie par exemple. Et il y a même quelques clins d’oeil cinéphiliques intéressants : la structure globale rappelle un peu les « Wolf Creek » de Greg McLean, qui empruntent eux-mêmes aux films de John Carpenter, avec ces huis-clos en plein air qui virent au huis-clos confiné au fur et à mesure de la progression du film. Plus surprenant, il semble que l’auteur tire son coup de chapeau à un… Jean-Luc Godard, à travers un plan qui évoque son « A bout de souffle » (quand Belmondo au volant s’adresse directement à la caméra).

C’est vraiment râlant que l’auteur cède à cette envie un peu vulgos d’en foutre plein la vue à travers des séquences « qui claquent ». Un exemple : pourquoi vouloir conférer au bad-guy un look un peu « boogeyman », avec son gros masque à gaz ? Le tueur n’est au contraire jamais aussi effrayant que lorsqu’il est invisible, et comme c’est un sniper, le moindre plan large serait devenu suspect de représenter son point de vue à chaque nouvelle position… Mais ça, le réalisateur le ruine en signalant la présence de son tueur à chaque fois avec sa lourde respiration à la Dark Vador. C’est emblématique de « l’échec » du film : en faire trop.

Même si le final est passablement raté dans son genre, je préfère encore l’approche choisie par le réalisateur sur cette dernière ligne droite : la narration semble se déliter complètement, dérivant vers une sorte d’abstraction qui rappelle justement beaucoup les films du genre des années 70. C’est malheureusement beaucoup trop illisible pour son propre bien sur le plan « topographique », mais c’est quand même intéressant, plutôt audacieux.
Les fans du genre ne bouderaient pas leur plaisir devant ce petit film largement oubliable, mais comportant quand même quelques idées intéressantes. On conseillera tout de même avec un tout autre enthousiasme, dans un registre similaire quoique nettement moins « folklorique » (et pas du tout « passéiste » non plus, même si je n’ai rien contre dans l’absolu), les films d’un Jérémy Saulnier, d’un tout autre calibre si j’ose dire.

N.B. : par rapport aux influences citées dans les posts plus haut, on ne peut pas dire que « Carnage Park » appuie tant que ça dessus. On pense forcément à « Punishment Park » du fait du contexte et du titre voisin, mais c’est très superficiel, les deux films différant totalement (le film de Peter Watkins est une sorte de faux documentaire).
Pour « La Chasse du Comte Zaroff », on y pense là aussi mais c’est le cas devant n’importe quel survival, puis le film suscité en est la source.
Quant à « Targets », c’est là encore un film très différent, qui insiste bien plus sur l’idée (passionnante) du vétéran qui revient traumatisé du front et qui pète un plomb en continuant simplement à faire la même chose mais sur ses compatriotes, quand ça reste un point de détail assez secondaire dans « Carnage Park », qui ne creuse vraiment la question.