CHITO GRANT t.1-3 (Jean-Blaise Djian / David Étien)

Le borgne Chito Grant est un jeune prospecteur d’or. Fraîchement arrivé à Gila Blend, il se frotte à l’hostilité railleuse des habitants et à la mainmise de Texas, ancienne chanteuse de boui-boui qui règne désormais sur les cow-boys et l’activité économique de la bourgade.

Gila Blend est peuplé d’un large échantillon de l’humanité, de Sam le vieux vacher à Calvin, le barman qui fait également office de shérif et qui laisse en général les empoignades se régler d’elles-mêmes, comptant le nombre d’étrangers et d’emmerdes potentielles. Chacun a son petit secret, son passé qui le hante, un passé qui dessine un univers commun et des enjeux partagés au fil des trois albums de la série.

Les albums paraissent chez Emmanuel Proust / EP entre 2004 et 2008. Jean-Blaise Djian signe à cette occasion un scénario qui permet à un jeune illustrateur, David Étien, de se faire la main. Lire aujourd’hui l’intégrale permet de voir les progrès accomplis par ce dernier, qui évolue de tome en tome, cherchant ses influences, explorant ses tics graphiques.

Le dessinateur cherche notamment des rendus couleur particuliers, travaillant les teintes, les ombres et les modelés en limitant l’encrage. On est encore loin de l’élégance qu’on connaît à l’illustrateur et du savant équilibre entre réalisme et gros nez dont il donne des exemples réguliers dans Les Quatre de Baker Street ou Champignac : ici au contraire, on a un dessinateur qui se cherche et tâtonne, tout n’est pas réussi mais l’enthousiasme est présent. On sent également qu’il cherche à reproduire certaines approches, et l’ombre d’Olivier Vatine plane notamment sur le tome 2.

Un tome 2 qui fait intervenir un gang extérieur à Gila Blend, ce qui multiplie les intervenants, énerve certains personnages déjà présent et conduit quelques protagonistes à réagir, à provoquer les événements.

Le scénario de la trilogie convoque certaines obsessions moliéresques sensibles dans divers travaux de Djian, notamment les révélations douloureuses de parentalité ou les découvertes tardives de fratries. Ici par exemple, des demi-frères, là où ce sont des demi-sœurs que le lecteur croise dans Nuit noire sur Caen. Le récit s’appuie sur les conséquences du passé, sur les rapports familiaux, sur les traumatismes. On pourra reprocher quelques péripéties un peu oubliées en route, ou minimisées (on pensera à la fiole de poison, par exemple).

Techniquement, si le dessin est encore un peu vert et en pleine découverte de soi, le placement des bulles est très hésitant. Le premier tome est à ce titre assez difficile à lire, les bulles étant parfois placées dans un sens qui ne facilite la lecture et conduit à lire la réponse avant la question. Ça s’améliore avec le temps, au fil des trois tomes, même si les bulles hors-champ, flottant sans appendice au milieu des cases, perdent un peu le lecteur rapide du fait qu’elles ne sont rattachées à rien.

Jim