CLÉOPÂTRE (Victor Battaggion, Aude Gros de Beler / Andrea Meloni)

Un album pour la reine des reines

Personnage iconique, presque légendaire, Cléopâtre est vue dans cet album à travers un point de vue inédit. Mal connue, cette reine, à l’intelligence hors du commun, érudite, charismatique, et d’origine grecque est l’un des pharaons les plus avisés de la fin de l’empire ptolémaïque. Son but avant tout est de restituer la gloire passée de l’empire égyptien, et pour cela elle doit impérativement composer avec Rome. Car la reine d’Egypte est également victime de la propagande romaine. Elle est haïe par les Romains – surtout les Romaines ! – pour deux principales raisons : tout d’abord, c’est une monarque riche et puissante, alors qu’à Rome, la république est chérie et les rois vus comme des tyrans. Puis, c’est une femme libre, autrement dit, une femme qui jouit de libertés interdites aux romaines : elle peut vivre seule, posséder des propriétés, hériter ou divorcer… tout ce qu’une romaine ne peut pas être.

Pour la première fois, cette BD tient compte des deux faisceaux historiques (romains et égyptiens) pour tenter de raconter le véritable personnage derrière l’icône. Une femme forte qui fut une actrice fondamentale de l’histoire de l’Égypte mais aussi, de manière indirecte, de la chute de la République romaine.

Victor Battaggion est rédacteur en chef adjoint du magazine Historia et membre de la Société des Explorateurs Français. Il est directeur d’ouvrages de référence comme L’Histoire mondiale des cours : de l’Antiquité à nos jours (Perrin, 2019) couronné du Prix Jules Michelet du livre d’Histoire 2019 ou Les Figures du Mal (Perrin/Sonatine, 2016).

Aude Gros de Beler est égyptologue, particulièrement spécialisée dans les problématiques tournant autour de la vie quotidienne des anciens égyptiens. Archéologue à la Mission française des fouilles de Tanis (delta du Nil), elle a aussi travaillé à Alexandrie et sur les tombes civiles de la nécropole thébaine. Elle est chargée de cours en égyptologie à l’université Nîme-Vauban.

Andrea Meloni est dessinateur, coloriste et artiste de couverture. Il est directeur artistique du studio Arancia. Il réside à Turin.

  • Album : 56 pages
  • Editeur : Glénat BD (20 novembre 2019)
  • Collection : Ils ont fait l’Histoire
  • Langue : Français
  • ISBN-10 : 2344032517
  • ISBN-13 : 978-2344032510

La vingtième livraison de la newsletter de Glénat « spécial confinement » donne cette fois-ci la parole à un studio de production (scénario, dessin, couleurs, lettrage, représentation d’auteurs) italien, à travers l’un de ses représentants, Davide Caci :

Davide Caci est un collaborateur précieux avec lequel plusieurs éditeurs Glénat travaillent depuis de nombreuses années maintenant. Il dirige le studio Arancia avec son compère Andrea Meloni. Un studio qui assure des prestations de mise en couleur ou de lettrage et représente un certain nombre de dessinateurs et scénaristes italiens dont Mirka Andolfo, Ennio Bufi, Roberto Meloni, Antonio Palma, Luca Blengino, Gabriele Bagnoli et bien d’autres qui travaillent avec les éditions Glénat. Il est également éditeur chez Star Comics, maison d’édition spécialisée en BD et notamment l’éditeur des versions italiennes des Conan ou d’ Il faut flinguer Ramirez . Nous lui avons demandé quelques nouvelles du pays le plus touché à ce jour par la crise du Coronavirus en Europe.

- Davide, quelle est la situation actuelle en Italie ?
C’est encore assez compliqué. Nous vivons dans un état d’urgence grave et de confinement total, sans pouvoir quitter la maison depuis… longtemps maintenant. Les experts prédisent que la situation pourrait s’améliorer lentement… mais les derniers chiffres sont horribles : 9134 morts dont 919 pour les dernières 24h (chiffres du 27/03, aujourd’hui l’Italie déplore 23 600 décès). Nous espérons et attendons les bonnes nouvelles, même si nous sommes maintenant habitués à une nouvelle routine.

- Peux-tu nous donner des nouvelles de tes auteurs ?
Heureusement, ils vont tous bien, et il en va de même pour leurs familles. Quelques-uns commencent à souffrir davantage que les autres de cette situation de confinement à la maison. Celui qui est généralement en retard (je ne donne pas le nom, mais nous savons de qui je parle !) continue de l’être, mais a, cette fois, l’excuse du stress de la situation… Blague à part, tout le monde fait de gros efforts et tient bon. Et puis Andrea Meloni qui va être papa en juin a une bonne raison pour rester à la maison. Nous sommes très fiers d’eux et faisons tout notre possible pour les soutenir !!

- Qu’en est-il du monde de la BD/livre en Italie ?
Tout est terriblement immobile. Tous les magasins sont fermés, et même par internet, il est impossible d’acheter un livre (et donc de le vendre). Les maisons d’édition essaient de continuer à travailler, même si, dans l’incertitude, il est difficile de planifier quoi que ce soit. L’AIE (l’association qui rassemble les éditeurs italiens) vient d’annoncer que, pour cause de CoVid19, il y aura 18.600 titres de moins publiés en 2020, représentant 39,3 millions d’exemplaires qui ne seront pas imprimés. Compte tenu de la surproduction que nous connaissons depuis des années, le chiffre final ne sera pas si négatif en termes de production. Mais ce résultat sera terrible pour des éditeurs et librairies de tailles moyennes et petites qui pourraient disparaître une fois le problème sanitaire résolu.

- Comment se passe le confinement pour le studio Arancia ?
Laborieusement bien. Bien que collaborant avec plus d’une centaine de personnes, il n’y en a qu’une dizaine qui viennent et travaillent physiquement au bureau à Turin (certains auteurs et les salariés). Donc, pour la plupart des auteurs, la situation n’est pas trop différente, même si cela reste difficile de rester enfermé à la maison, sans jamais sortir, voir les copains… C’est plus compliqué pour les salariés, mais nous ne nous plaignons pas : au moins notre travail continue - presque - normalement, malgré ce moment fou.

- Qu’est-ce que cela change dans votre travail au quotidien ?
D’un point de vue organisationnel, tout est plus compliqué, car une bonne partie du travail quotidien est faite par trois personnes (dont moi) qui travaillons côte à côte, échangeant continuellement sur chaque dossier. Et d’avoir à écrire un mail, un texto ou à appeler au moindre doute ou chaque question… fait perdre beaucoup de temps. Je joins un dessin de Roberto (Meli), qui, entre le travail sur ses planches et les cours à distance en ligne (il est prof à l’école de Trente), a trouvé le temps de représenter l’équipe du Studio en télétravail et notamment une conversation avec Olivier Jalabert qu’il rêvait de dessiner (" avec une gueule pareille !!! ")

La collection « Ils ont fait l’histoire » a les qualités et les défauts des productions à but pédagogique : c’est parfois une succession de cases représentant des moments importants, qui privilégient les faits (dates, événements, batailles) au détriment des enjeux et de la personnalité des protagonistes. Avec ce Cléopâtre, ce n’est pas le cas.

Le scénario de Victor Battaggion parvient à raconter une histoire en évitant la stérile objectivité de l’exercice pédagogique. Il recourt à des voix off, des récitatifs (en italique, bon point question lettrage), et quelques cases soit muettes soit pauvres en textes, afin de faire vivre les personnages et de leur laisser un peu d’air. Les événements choisis esquissent des sauts temporels et s’intéressent surtout aux relations entre l’Égypte et Rome (les affaires de famille passent au second plan, privilégiant ainsi ce qu’on connaît le plus afin de s’adresser au grand public. Bref, c’est plutôt bien construit, et les personnages ont des dialogues soignés, plus dans la caractérisation que dans l’exposition (même si le scénario cède parfois à cette tendance, forcément).

Je n’ai pas appris grand-chose (au mieux cela m’aura-t-il rappelé l’existence de la sœur Arsinoé, que j’aurais sans doute été bien incapable d’évoquer si on m’avait demandé), mais c’est plutôt bien raconté. Après, il y a là encore un manque de soin évident sur le lettrage (queue de bulles absentes ou mal dirigées, par exemple), mais les planches sont portées par un dessin assez joli.

Jim