- Scénario : Florent Silloray
- Dessin : Florent Silloray
Cooper, un guerrier à Hollywood
88 pages
18,00 €
- A PARAÎTRE le 03/10/2018
De Hollywood à la CIA, l’incroyable carrière du père de King Kong .
Fils du Sud profond (Alabama), raciste, anticommuniste forcené, pilote hors pair, réalisateur innovant, producteur à succès et espion de haut vol, Meriam C. Cooper a traversé les États-Unis du XXe siècle.
De sa fascination enfantine pour le cinéma à son engagement guerrier, de ses penchants esclavagistes à son Maccarthysme primaire, ce récit à tiroirs imbrique étroitement les différents thèmes d’une existence hors du commun, en évitant la classique approche chronologique.
De la Première Guerre mondiale au Viêt Nam, à travers les épisodes d’une vie follement aventureuse, se dessine toute une Amérique qui est rarement sous les projecteurs : celle des conservateurs, farouchement patriotes, pour qui la fin justifie toujours les moyens…
Sujet intéressant.
Jim
Un peu déçu par l’album.
Déçu par le principe éditorial, d’abord : sous le prétexte d’une entrevue initiée par une étudiante qui a retrouvé la trace d’un vétéran du cinéma, l’album est construit sous la forme d’un témoignage. On suit donc la vie de Meriam Cooper, militaire, aviateur, entrepreneur, documentariste, cinéaste, forte tête, etc… Mais l’album se contente d’énumérer les faits par la voix du protagoniste, ce qui conduit à une sorte de vision hagiographique, de mise en valeur sans contestation, sans contre-point.
La construction elle-même est bizarre : au-delà de quelques hésitations dans la composition et la distribution des récitatifs au début de l’album, maladresses rapidement corrigées par la suite, on a parfois le droit à des textes qui n’ont rien à voir avec ce qui est montré, ce qui pourrait constituer un indice quant à la méfiance qu’il faut accorder au témoignage d’un vieux grincheux sorti de sa retraite, mais en fait, l’album est exempt de toute forme d’ironie et il n’y a pas de remise en cause par l’auteur de son personnage, qu’il semble prendre pour argent comptant.
Déçu aussi par le fond : en effet, si la jeune intervieweuse pointe du doigt certaines choses qui semblent la déranger (le rapport aux indigènes sur les plateaux des documentaires, le rôle tenu lors du maccarthysme…), ça ne va guère plus loin que quelques répliques vaguement embarrassées du genre « c’était une autre époque ». Silloray semble passer à côté d’une belle occasion de muscler son récit et de donner plus d’épaisseur à son tandem de personnages. La jeune femme, visiblement pétrie des interrogations hantant le monde étudiant du début des années 1970, semble avide de questionner les choix de société, l’évolution du monde. Mais le récit botte en touche, ce qui est d’autant plus dommage que Silloray avait ouvert son récit en creusant un peu ce personnage… pour ne rien en faire, définitivement.
Et c’est sans doute Silloray lui-même qui choisit de ne pas transformer la rencontre en confrontation. Notamment par l’usage de tournures un peu anachroniques (le verbe « candidater » me semble un peu étonnant dans les seventies, surtout dans la bouche d’un homme vieillissant recourant sans doute davantage au vocabulaire de l’entre-deux-guerres), qui témoigne d’une volonté de ne pas caractériser le personnage de manière forcée : que Cooper dise « locaux » et non « indigènes » pour désigner les tribus qu’il filme avec Shoedsack me semble une concession fâcheuse à la bien-pensance d’aujourd’hui, et une occasion ratée de caractériser le vieux réalisateur, tenant d’un monde colonial révolu.
Rajoutons à cela une écriture qui sent bon le premier jet et l’absence de relecture et de corrections (les répétitions, les tournures bancales, le vocabulaire mal placé - « ténu », « précise », « sevré » - et plein d’autres indices laissent penser que les textes auraient pu être mieux travaillés), un usage de l’italique malvenu et plein d’autres petits détails confèrent à cet album une allure peu finie en plus d’une personnalité assez plate.
Jim