DAYAK t.1-3 (Philippe Adamov)

Discutez de Dayak

Je viens de lire le premier tome, et c’est plutôt sympa, ça.

On est dans une Afrique futuriste, tendance post-apo, semée de ruines et de débris de civilisation, où l’aide humanitaire est gérée par des gangs. Dayak est un jeune blanc, l’un des derniers Blancs du continent (et peut-être de la Terre). Il est pris en chasse par les autorités (corrompues) et le jeu de flash-backs laisse entendre que le commanditaire est son frère, en tout cas l’enfant-bulle, visiblement hémophile, avec lequel il a grandi.

La narration est plutôt limpide et l’esthétique est clairement influencée par Giraud (et un brin Caza). Le récit est facile à suivre, tout en mystère et en non-dit, mais le dernier tiers de l’album est précipité, Adamov semblant manquer de place pour raconter l’affrontement qu’il a pourtant préparé dans les séquences précédentes.

Thématiquement, c’est assez intéressant. Ce premier tome sort en 1993, et il y a quelques astuces qui sont à la pointe de la technologie de l’époque. On est dans une Afrique fantasmée, dominée par les mythologies (les Orishas) et le vaudou (les réseaux criminels sont influencés par les Loas vaudous), qui me semblent annoncer la science-fiction afro-futuriste, au moins dans sa volonté de situer l’action dans un décor que la bande dessinée franco-belge réserve d’ordinaire aux récits historiques. Et, chose ironique, la quasi-absence de Blancs dans le récit, fruit de manœuvres politiques au long cours, va sans doute effrayer les tenants du « grand remplacement » : et c’est tant mieux, qu’ils tremblent.

Jim

Après l’éruption surprise qui a emporté les plate-formes de forage à la fin du premier tome, Dayak a été capturé, avec Cori et P’tit Caille, par les troupes de son frère ennemi, Simon. On retrouve tout ce petit monde après un léger saut dans le temps, Dayak étant devenu l’allié, et quasiment le sosie, de Simon.

Au fil du récit, on découvre que Cori est toujours en contact avec les forces opposées, celles-ci se lamentant de l’absence de Dayak, vue parfois comme une trahison. On suit également Simon dans sa « chambre verte », qui n’est plus le dispositif médical qu’on a aperçu dans le premier tome, mais une sorte de monde souterrain semi-liquide aux formes molles et aux parois perméables. Esthétiquement, on est dans un univers pseudo-onirique, ou symbolique, empruntant beaucoup à L’Incal et aux autres délires jodorowskiens.

C’est nettement moins ma came, faut le dire : les luttes fratricides des deux camps rivaux auraient pu prendre les allures de guerres rangées conquérant rue par rue les quartiers de la ville, mais je ne peux m’empêcher de songer aux scènes de foules de L’Incal où s’agitent des figurants sacrifiables. Ça perd de son impact. Même le surgissement de la « mère », tapie dans les sous-sols de la ville, qui semble aussi reluquer du côté d’Akira pour son mélange techno-minéro-biologique, laisse un peu indifférent. C’est sans doute une affaire de goûts personnels.

Reste un récit assez rapide, qui laisse sur le carreau pas mal de personnages (dont certains importants) tout en ménageant quelques fausses pistes, entraîne sans problème le lecteur vers la fin du chapitre, qui voit Dayak et P’tit Caille sortir de l’enceinte urbaine pour aller à la rencontre de personnages déjà cités mais jamais réellement vus… de l’autre côté du désert.

Jim

Arrivé dans le désert, Dayak et P’tit Caille retrouvent les Zak. Le premier subit des épreuves afin d’être intégré à la tribu, tandis que Simon continue à forer les sous-sols afin de fournir de la matière première à la « Mère ». La confrontation se profile, bien entendu violente.

Le récit emprunte à Dune, un peu, et mélange des thèmes chers à Jodorowski : la gémellité, les fluides corporelles, l’initiation, le retour aux instincts primitifs, la découverte de soi, le double, l’hermaphrodite…

La couverture, un peu mensongère, détourne l’attention, promettant une confrontation des civilisations alors qu’en réalité tout est articulé afin de mener à un duel entre les deux « frères », dont les origines sont dévoilées à mi-mots. L’ensemble est sympathique, dynamique, mais s’inscrit dans cette science-fiction ésotérique dont la bande dessinée franco-belge, depuis L’Incal, a du mal à s’émanciper, assez loin de l’ambiance afro-futuriste que le premier tome a promis a instant.

Jim

C’est marrant parce qu’avec les premières pages que tu présentes et les couvertures, ça m’y a fait penser de suite.

Le premier album propose des décors désertiques et rocheux très giraldiens, et puis ça glisse lentement, à partir du deuxième tome, vers des choses nettement plus moebiusiennes.
Mais dans le premier, y a vraiment de chouettes décors.

Jim