DOLORES CLAIBORNE (Taylor Hackford)

Dolores_Claiborne

REALISATEUR

Taylor Hackford

SCENARISTE

Tony Gilroy, d’après le roman de Stephen King

DISTRIBUTION

Kathy Bates, Jennifer Jason Leigh, Christopher Plummer, David Strathairn, Judy Parfitt, John C. Reilly…

INFOS

Long métrage américain
Genre : drame
Année de production : 1995

Le roman Dolores Claiborne a été écrit par Stephen King sous la forme d’un long monologue, sans la présence de chapitres pour venir rompre le témoignage de Dolores Claiborne, accusée du meurtre de la riche Vera Donovan, auprès de laquelle elle fut femme de ménage puis dame de compagnie. Dolores nie avoir tué Vera, mais sur la petite île de Little Tall, tout le monde se doute qu’elle est pour quelque chose dans la disparition de son mari Joe Saint-George, alcoolique notoire décédé des années plus tôt.
Lorsque Dolores passe aux aveux, c’est toute une vie qui est racontée avec ce ton, cette franchise qui lui est propre. Une vie de douleurs (le choix du prénom Dolores n’est pas anodin) pendant laquelle elle a du faire face à la violence physique, à la torture mentale née d’un acte innommable, au combat difficile pour trouver son indépendance dans une société qui étouffe la place de la femme…

Pour transposer cette tranche de vie qui fait passer par toutes les émotions (c’est poignant, palpitant, l’horreur est véhiculée par la démonstration des plus bas instincts de l’être humain…et il y a aussi quelques touches plus légères bienvenues qui permettent de relâcher la tension), le scénariste Tony Gilroy a eu la bonne idée de donner un rôle plus important à Selena, la fille de Dolores, qui s’était éloignée de Little Tall et qui revient pour aider sa mère lorsqu’elle apprend la nouvelle. Mais depuis ce qui s’est passé il y a bien longtemps, les relations entre les deux femmes se sont détériorées…

Dolores Claiborne fait partie des romans de Stephen King qui ne contiennent quasiment aucun élément surnaturel. J’emploie le mot quasiment car il y a bien une scène (et seulement une) qui fait brièvement basculer le récit dans le fantastique (et c’est pour moi l’un des rares passages faibles de la lecture). Cet élément n’est pas évidemment pas repris dans la version filmée (car il relie Dolores Claiborne à un autre roman). Mais même si Dolores Claiborne n’est pas un film fantastique, le récit ne manque pas de fantômes.

Les fantômes qui hantent Dolores, ce sont ses souvenirs. Ses souvenirs sont là, tout autour d’elles. Ils hantent les maisons dans lesquelles elle a vécu et ce bout de terrain qui a vu la mort de son mari, le jour de la fameuse éclipse. Les flashbacks sont intégrés au déroulement du long métrage avec fluidité, grâce à des enchaînements très bien travaillés par le réalisateur Taylor Hackford (Officier et Gentleman, Ray…) et son monteur Mark Warner.

Ce qui fait aussi la force de ces instants, c’est la superbe photographie de Gabriel Beristain (qui fut notamment le chef opérateur du Caravaggio de Derek Jarman). Dans cette évocation, il arrive fréquemment que deux époques se chevauchent et celles-ci ont leur propre identité visuelle (parfois dans un même plan) grâce à l’impeccable travail sur l’image.

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La narration est solide : le fait que tous les flashbacks, sauf un, sont racontés du point de vue de Dolores, nourrit également le parcours émotionnel de sa fille Selena dont les souvenirs réprimés remontent doucement, douloureusement à la surface. Le dernier souvenir, le plus insupportable, est atrocement révélateur. Selina, Dolores, Vera Donovan…toutes ces femmes ont vécu des vies « éclipsées »…et quand les vérités réapparaissent, elles les affrontent chacune à leur manière…

Lorsque Stephen King a écrit Dolores Claiborne, il avait déjà en tête l’interprète idéal pour une adaptation cinématographique, lui qui avait été fortement impressionné par Kathy Bates dans Misery. Et il avait bien raison : Kathy Bates est époustouflante et magnétique dans ce rôle qui demeure, d’après ses dires, l’un de ses préférés. Elle domine une superbe distribution qui réunit notamment Jennifer Jason Leigh (Selena), David Strathairn (Joe), Judy Parfitt (Vera), Christopher Plummer et John C. Reilly (en duo de flics)…des acteurs excellents au service d’un intense drame psychologique mâtiné de thriller.