Vu hier soir en salles, et bof bof, au bas mot.
Je savais que les premières minutes du film faisaient peur (mais pas comme elles le devraient, entendons-nous bien…), et que ça s’améliorait par la suite. C’est vrai que ça part très mal (le prologue naze), mais je vois pas trop d’améliorations sur la suite pour ma part.
Au rayon des bons points, comme beaucoup de fans qui se sont extasiés dessus, c’est vrai que j’ai trouvé le final visuellement très impressionant (et plutôt old-school), avec un plan démentiel et une idée forte qui porte la scène, qui fera plaisir aux fans des métalleux de Slayer, dont je suis (« Raining Bloooooooooood !! »), et d’ailleurs Fede Alvarez cite nommément cette influence en interview (tu marques des points, mec).
Mais ça c’est les 5 dernières minutes du film.
Le reste, ça varie entre le sympa, le moyen et le raté.
Déjà, faut quand même reconnaître que le film est sacrément bien shooté, et à deux trois erreurs près (des faux raccords dans l’axe pour des prods de ce calibre, c’est pas terrible), le niveau global est techniquement impressionant (le film est superbement éclairé par exemple, et les mouvements d’appareil impressionnent, mais c’est bien le moins pour un « Evil Dead »).
La volonté de « rationnaliser » un peu le séjour de la proverbiale bande de jeunes dans la cabane au fond des bois, pourquoi pas ? c’est raccord avec l’esprit de sérieux total assumé par ce remake. Mais ça firte un peu avec le mauvais goût, cette idée de désintox (ils veulent quand même pas faire un parallèle entre toxicos et « possédés », quand même ??? parce que c’est un peu limite).
D’autre part, si le film est incroyablement généreux en gore (jusqu’à la lassitude, avouons-le, même si certains plans font leur petit effet), le film manque de peps et de tension, et on trouve le temps un peu long par endroits. Et puis les acteurs sont pas très bons : Jessica Lucas est toujours aussi jolie, mais toujours aussi nulle par contre…
Je me demande si le défaut fondamental du film n’est pas la décision (pas forcément rédhibitoire sur le papier) d’évacuer totalement l’humour, et même tout second degré du film. Même le très intense premier « Evil Dead » (que j’ai vu à 11 ans, c’est peut-être un peu jeune, mais croyez-moi que ça impacte !) fonctionnait à la revoyure sur un certain détachement, mais aussi une sorte de désir de transgression qui virait parfois au comique. Et puis le deuxième volet venait nous prouver qu’avec les mêmes ingrédients (tronçonneuse, voix caverneuses, déluges de sang…) on pouvait verser allègrement dans la gaudriole (et avec quelle réussite).
Ici, et c’est très éloigné des intentions d’Alvarez je crois, on est pas loin du comique involontaire parfois, de l’effet « sketch des Inconnus » (tiens, une tronçonneuse !). C’est dû à la volonté d’Alvarez de « remixer » les éléments clefs de la franchise (la tronçonneuse donc, la main possédée, les voix des Deadites…) sans aucune ironie ou recul. Ben on sourit parfois quand même.
Une franche déception en ce qui me concerne, mais Alvarez est certainement un réal à suivre de près quand même.
Totalement du même avis. Un réalisateur qui a du potentiel, des plans vraiment très marquants (le final est magnifique)…et pourtant le film ne fonctionne pas vraiment. La faute je pense à des personnages pas très intéressants servis par des acteurs assez fades et à une réutilisation pas toujours très heureuse des concepts originaux.
Dommage parce que visuellement parlant, le film a ce qu’il faut…
Ouais, je vais suivre de près cet Alvarez : je ne sais pas si son prochain projet sera finalement le film de SF pour lequel Raimi l’avait engagé en premier lieu (un remake en long-métrage de son court « Panic Attack ! » si j’ai bien tout compris), avant de lui proposer ce remake de « Evil Dead », mais j’adorerais le voir sur ce type de projet. Il a la maëstria visuelle pour ça…
Mais il est également possible qu’il s’attaque à un « Evil Dead 2 » (celui-ci ayant cartonné) tout simplement, et là je me demande si c’est une bonne idée, il a peut-être tout dit.
Plus excitant, Alvarez est persuadé (Cf. l’interview qu’il a donné à Mad Movies à l’occasion de la sortie de ce film) que « Evil Dead 4 » avec Raimi et Campbell c’est toujours possible, et il se verrait bien travailler sur un film ultérieur qui réunirait Ash et l’héroïne de son propre film…
Je suis en train de le regarder.
Bon, moi, j’ai des souvenirs un peu flous du premier Evil Dead, j’ai davantage les suivants en tête. Cela dit, je trouve ce remake (vaguement présenté comme une suite possible, au demeurant, me semble-t-il, à quelques indices comme la voiture ou les photos…) excessivement sérieux.
Et ce faisant, ça devient une sorte de slashers à connotation fantastique de plus, évitant le mauvais esprit dont je crois me souvenir. Ça redevient un film de genre banal. Bien fichu, avec quelques bonnes images (bon, le montage m’a semblé mou, quand même…), mais banal. Comme d’autres, quoi… C’est un peu comme la prequel de The Thing : ce n’est pas tant les moyens techniques ou le grain de l’image qui pèchent, que la tonalité. Dans The Thing de Carpenter, il y a comme une odeur de sueur, de linge sale et de fatigue qu’on ne retrouve pas dans sa prequel. Là, pour Evil Dead, c’est le mauvais esprit, l’ambiance garnement qui est absente. Tout cela est très compassé.
La fin commence à regagner du nerf. Elle dispose d’une illustration musicale assez ingénieuse, avec l’alternance de chœurs et de sirènes (d’ailleurs, le commentaire musical est pas mal, le son ayant au début des accents à la Bernard Hermann…). Mais bon, pour que ça s’énerve, faut attendre une heure et quart, et au final, c’est pas non plus scotchant.
Là où je suis très perplexe, c’est justement sur le jeu autour des codes du genre. Ça touche aux points qu’avait évoqués Photonik, notamment le rapport à la drogue. Tout le film jongle autour des habitudes. Par exemple la loi de la « dernière fille », presque en vigueur tout le temps depuis Halloween et Vendredi 13, semble être renversé pendant tout le métrage. Du coup, on se pose la question (dans les films d’horreur, c’est l’une des questions les plus importantes) de l’ordre des victimes. Que la première d’entre elles soit une junkie pose le film d’emblée dans la catégorie des films conservateurs.
Bon, si vous regardez ce remake / suite, vous verrez que c’est pas aussi simple. Et l’inversion des rôles sexuels dans la dramaturgie, pour intéressante qu’elle soit, que nous dit-elle ? Est-ce qu’elle nous parle du formatage du genre (faire un remake de l’un des films les plus emblématiques du sous-genre « cabane dans les bois », c’est pas anodin) ? Est-ce qu’elle nous parle de la catégorisation sociale ? Est-ce qu’elle établit un commentaire sur l’ancien film (et en inversant le sexe du survivant, n’impose-t-elle pas un prêt-à-penser bienséant, somme toute) ?
Bref, ça rajoute une couche de « mais pour quoi faire », dans la grosse question de la nécessité et de l’utilité des remakes / suites.
Jim
[quote=« Jim Lainé »]Tout le film jongle autour des habitudes. Par exemple la loi de la « dernière fille », presque en vigueur tout le temps depuis Halloween et Vendredi 13, semble être renversé pendant tout le métrage.
Jim[/quote]
C’est une tendance lourde ces derniers temps, il me semble. Un peu trop peut-être…
Depuis « Scream » et ses personnages conscients des codes du film d’horreur (ce qui leur conférait une certaine préscience), on s’amuse à déjouer les attentes du spectateur. Ces dernières années, les slashers (un genre en claire perte de vitesse, espérons que quelques projets alléchants comme « The Faces » s’il voit le jour ou « The Town That Dreaded Sundown » soient à la hauteur) ou les home-invasions ont retourné dans tous les sens le statut de la « final girl » : dans « No One Lives » de Kitamura, non seulement c’est un mec (le fameux renversement des genres sexuels) mais en plus un gros twist en fin de premier acte nous révèle une caractéristique étonnante du bonhomme. Dans « You’re next », la « final girl » est également d’un genre particulier du fait de ses caractéristiques biographiques (un peu « how convenient » sur les bords d’ailleurs) :
dans « No One Lives », le « final boy » est en fait un serial killer pire que ceux qui le traquent ; dans « You’re Next », la fille est en fait la fille d’un couple de survivalistes qui l’ont entraîné à la dure, elle se met en conséquence à retourner leurs pièges contre ses assaillants.
Pas inintéressant comme démarche, ces retournements, mais au fond on sent bien que l’exercice a ses limites ; c’est d’ailleurs un peu ébauché dans « Scream 4 », dont la tagline (« the unexpected is the new cliché ») résume bien le problème. L’issue pour le genre ? Créer de nouveaux codes, ce qui est évidemment plus facile à dire qu’à faire, et implique une réflexion poussée sur le genre et son (ses) sous-texte(s)…
Scream, je n’ai vu que le premier, et encore, une seule fois et y a longtemps. Je n’y pense en fait jamais, ce qui est très con.
Après, la théorie de la dernière fille, elle a déteint sur des tas de genres, notamment sur la SF, via deux films qui sont construits comme des films d’horreur (Alien et Terminator). Et depuis, c’est un peu partout, jusque dans les films de gros monstres (y a une belle variation sur la dernière fille dans The Cave… « belle » à tous les sens du terme sachant que c’est Lena Headey…). Même les films de requins ont des « dernières filles », c’est dire.
Jim
Oui, c’est vrai. « Alien », c’est un très bon exemple de l’appropriation d’un code appartenant à un genre (la final girl du slasher donc) par un autre genre (la SF), pour le bien du sous-texte, très sexué, du film. Quant à « Terminator », c’est en fait un slasher déguisé en film de SF, donc c’est encore plus cohérent…
Je suis perso un grand fan des « Scream », excepté le raté troisième volet, des films bien moins cons et mieux mis en scène qu’on ne peut le lire ici ou là (souvent dans le cadre d’avis à l’emporte-pièce qui ne « dissèquent » pas les films le moins du monde). Sans être un génie, Wes Craven est un réalisateur inspiré et très intelligent, et c’est déjà pas si mal.