Plus que mérité.
J’en suis à mi-chemin (un peu plus : j’ai vu les 5 premiers épisodes sur 9) et je suis soufflé. Particulièrement par le 5ème épisode, en fait.
Je m’étais dit à la vision des deux volets de « The Raid » que ce réalisateur incroyable qu’est Gareth Evans méritait un peu mieux que les scripts un brin limités, pour dire le moins, de ces péloches d’action. Si « Le Bon Apôtre » était une très intéressante tentative d’Evans de clairement sortir de sa zone de confort (et de flirter avec la folk-horror, étonnant), le film était finalement trop bancal pour emporter totalement l’adhésion (même si j’en garde un bon souvenir).
En fait, Gareth Evans rattrape le coup avec « Gangs Of London » de l’acte manqué qu’a représenté « The Raid 2 » : on sentait que le réalisateur souhaitait infuser de l’ampleur à son film d’action en greffant au scénario des éléments qui lui conférait un petit parfum de « grande saga criminelle », genre « Le Parrain » des films d’action indonésien. Raté, car si « The Raid 2 » est un sacré film d’action (qui tient à peu près de l’inouï, même), le pan « saga criminelle » de l’entreprise était quand même sacrément con con. Résultat, un film impressionnant mais déséquilibré, beaucoup trop long pour son propre bien, Evans perdant en quelque sorte sur les deux tableaux (efficacité et « profondeur » du script).
« Gangs Of London » vient gommer ces imperfections.
Déjà, le show ne cherche pas à être un « non stop action movie » de 10 heures ; c’est avant tout une saga criminelle assez ample, quoique peu originale au fond (on pense au « Parrain », encore, que Coppola résumait comme l’histoire d’un roi et de ses fils ; ce résumé restitue pas mal le feeling de la série, le romantisme en moins). Simplement, quand les scènes d’action déboulent, contrairement au film de maffieux lambda, elles sont tout simplement à se dévisser la tête.
Ainsi, chaque épisode réserve son moment de bravoure (au moins un gros), plus ou moins spectaculaire, mais toujours scotchant, des bastons du premier épisode aux gunfights qui surviennent après, voire aux scènes flirtant allègrement avec le film d’horreur le plus hardcore (comme « The Raid » par moments, d’ailleurs).
Impressionnant, et rarement vu à la télé.
Bien sûr, la série accuse quelques petits maladresses d’écriture, comme quelques clichés de caractérisation notamment, ainsi que le fait de privilégier une certaine efficacité / lisibilité narrative à un enchevêtrement plus subtil des sub-plots (sans parler de quelques ruses « how convenient », mais rien de vraiment gênant), mais Gareth Evans et ses acolytes (ne les oublions pas) ont enfin un script digne d’intérêt à illustrer, et ça fait du bien de voir tant de maëstria visuelle enfin mêlée à une histoire qui a de la substance, et tient sacrément en haleine pour tout dire (en gros, le fil rouge est une sorte de whodunit, un dispositif narratif qui n’a plus à faire ses preuves quand les enjeux sont là).
Et puis vient l’épisode 5.
Mis en boîte par Evans lui-même (et ça se sent), il s’agit d’une sorte de flash-back (un choix intéressant, conférant une aura de tragique supplémentaire aux événements dépeints, puisqu’on sait comme ça se termine à l’avance), qui rompt avec l’ambiance urbaine du show et s’attache à des personnages secondaires uniquement. Divisé en deux parties, il plante tranquillement un climat de tension dans sa première moitié avec quelques séquences au suspense savamment usiné, et se termine par un gunfight de pratiquement une demi-heure, qui tient tout simplement du jamais-vu dans ce contexte. Evans tient la dragée haute aux grands maîtres de Hong-Kong en la matière (avec une certaine « élégance » en moins, peut-être, mais l’intensité emporte le morceau). Proprement ahurissant, et même poignant au possible dans ses dernières minutes, petit exploit supplémentaire.
Hâte de voir comment ils emballent la dernière ligne droite du show, mais à ce stade la performance est tout bonnement stupéfiante.