[quote=« Photonik »]Je ne connais ni le roman de Fitzgerald, ni les adaptations antérieures, mais Baz Luhrmann, beurk !! Dans le genre poseur, clinquant et bourratif au possible, il se pose là, comme metteur en scène… Et vu le trailer, ça n’a pas l’air d’aller en s’arrangeant.
Bon casting par contre, mais c’est vrai que c’est plutôt une habitude (aussi) chez ce réal’…[/quote]
[quote=« Rael »]C’est marrant parce que j’aime Luhrmann pour les mêmes raisons qui font que vous ne l’aimez pas: c’est clinquant, hurlant et bordelique. Je ne me taperais pas des films comme ça tous les jours, mais de temps en temps, j’aime bien.
Du coup, je n’ai pas apprécié Australia qui ne portait pas la griffe Luhrmann.[/quote]
Je suis assez d’accord, j’adore Luhrmann, je suis complètement fan de Moulin Rouge, j’aime son Roméo + Juliette, et j’aime bien même Australia (en gros, j’y ai l’impression de voir un Out Of Africa qui m’intéresserait…). J’aime les couleurs clinquantes, les décors artificielles, la musique d’aujourd’hui plaquée sur des images d’hier…
Et j’aime vraiment bien ce film. C’est ambitieux, maniéré, excessif, artificiel, et ça colle tellement bien avec l’histoire de ce Citizen Kane de fiction obsédé par un amour perdu. Les fêtes vides de sens, la fuite en avant des personnages brisés de l’intérieur qui essaie de s’inventer des mondes…
C’est bien plus « lurhmannien » qu’Australia, par exemple (mais moins que Moulin Rouge).
La mise en scène, par exemple, de la lumière du phare vert est assez ingénieuse, très jolie, et bien plus prégnante que dans l’autre version : une couleur, une lumière, bref le domaine de Luhrmann, mais là, c’est complètement porteur de sens.
Moi, je ne connais que la version avec Redford et Farrow, celle de 1974 (j’ai entendu parler d’une version avec Mira Sorvino : j’aime beaucoup Mira Sorvino et son gros nez rond à la Ingrid Bergman). Avec deux acteurs que j’aime beaucoup dans des rôles secondaires, Sam Waterston et Karen Black (le plus beau strabisme des années 1970).
Ce qui me surprend en y repensant, dans la version Luhrmann, c’est comment le scénario colle à celui que Coppola a écrit pour la version de 1974. Ça commence pareil, par une citation off de Carraway qui parle de son père, et les premières séquences sont quasiment enchaînées de la même manière. Les grosses différences, c’est le rapport temporel que Carraway entretient à l’histoire (le côté « récit a posteriori »), le fait que c’est Jordan et pas Carraway qui est convoqué en premier, la représentation de l’accident qui n’est que suggéré dans la version de 1974, et quelques trucs du genre. Mais autrement, c’est tout de même très proche, ce qui est déconcertant : on s’attend parfois à ce qu’une nouvelle adaptation propose des pistes différentes, mais là, ça donne vraiment l’impression que le film de Luhrmann se pose autant, sinon plus, en adaptation du roman de Fitzgerald qu’en remake hommage du film de 1974. Jusqu’à la volonté de choisir des acteurs avec des physiques voisins (l’acteur qui fait George, c’est impressionnant). Surprenant.
Le truc assez fort du film, qui m’a emporté, personnellement, c’est le rapport à la ville. Luhrmann trouve le moyen d’évoquer New York en pleine métamorphose, avec son cauchemar industrielle qui entoure la ville du plaisir comme une menace étouffante. Les décors, les vues aériennes du tissu industriel qui gangrène la campagne, bref, le portrait d’une Amérique en pleine mutation (la dialectique « vieille famille / nouveaux riches » en est une autre illustration, également) fait que le film retrouve la dimension « grand roman américain » de Fitzgerald.
La version de 1974 y parvenait en développant le personnage du pompiste, qui catalyse différents éléments de l’Amérique (la route, la religion, la publicité).
Bref, deux choix différents, mais moi, personnellement, le balancement entre le drame humain et amoureux (la micro-histoire) et le portrait de la ville (la macro-histoire) me semble vraiment bien fonctionner, en mettant en valeur les mythes américains modernes (la voiture au premier chef) et en renforçant le système d’écho de l’un à l’autre.
Jim