HANA-BI (Takeshi Kitano)

[quote]DATE DE SORTIE FRANCAISE

9 août 2017 - version restaurée

REALISATEUR

Takeshi Kitano

SCENARISTE

Takeshi Kitano

DISTRIBUTION

Takeshi Kitano, Tetsu Watanabe, Kayoko Kishimoto…

INFOS

Long métrage japonais
Genre : Drame
Durée: 1h43
Année de production : 1997

SYNOPSIS

Nishi est policier. Son épouse est atteinte d’un cancer en phase terminale. Suite à une fusillade son partenaire Horibe devient paraplégique et un autre de ses collègues est tué. Nishi démissionne alors afin de commettre un casse pour rembourser d’importantes dettes contractées auprès des yakuzas et, finalement, chercher un sens à sa vie. [/quote]

La bande-annonce:

Au petit jeu du « quel est le plus grand film de Kitano », entre celui-ci et le sublime « Sonatine », mon cœur balance. « Sonatine » est plus original et surprenant, peut-être ; celui-ci plus touchant, voire carrément bouleversant…
Dans les deux cas, il y a cette façon « anti-cinéphilique » d’aborder le cinéma (Takeshi Kitano admet n’avoir aucune culture en la matière ; quand on compare ses films à ceux de Bunuel, il confesse ne pas avoir vu les films du maître aragonais) : d’instinct, Kitano touche à quelque chose de très pur et beau, quoique « primitif » sur le plan de la mise en scène (malgré quelques idées bien senties, comme cette façon à la Kiyoshi Kurosawa, de jouer avec la notion de surcadrage).
Je crois que c’est le premier film de Kitano après le grave accident de la route qui a failli l’emporter (et qui a laissé des traces sur son visage) ; peut-être cette proximité avec la mort explique-t-elle la « morbidité poétique » qui imprègne le film…

Le seul que j’ai vu de lui(pour l’instant).

Excellent.

[quote=« Michel Temman »]*Remis en selle par le tournage et le succès de Kids Return, Kitano s’attaque rapidement à Hana-bi. Un film qui lui permet cette fois-ci de chasser les démons qui l’avaient empoisonné jusqu’à son accident.

« Hana-bi est un condensé de crises antérieures et de problèmes personnels ».
« Avant mon accident, j’étais un homme piégé, tant dans ma vie privée que dans le travail. Ce film m’a permis de faire face et trouver les moyens d’apprivoiser mes angoisses. Jusque- là, je me battais contre tout ce que j’avais fait. Je savais bien qu’au fond de moi, quelque chose était cassé. J’ai essayé de ne pas m’en rendre compte jusqu’à mon accident, deux mois après la fin de la réalisation et du montage de Getting Any ?, qui aurait été mon dernier film si j’avais rendu l’âme. »

Après Kids Return, film d’amour et de vie comme l’évoque Kitano lui-même, le cinéaste va replonger dans un polar violent où la mort est omniprésente.
Le titre du film, qui signifie « feu d’artifice », peut aussi être décomposé en deux : « hana » signifiant « fleur » et représentant la vie / « bi » signifiant « feu » et représentant la mort.

« Dans Hana-bi, la violence est le symbole de la mort. D’une mort d’autant plus surprenante qu’on ne l’attend pas. D’ordinaire, dans les histoires où le héros est un yakuza, on sait, ou on imagine à peu près, ce qui va se passer. La mort semble presque rationnelle. Dans Hana-bi, je crois au contraire que la mort survient sans prévenir. »

Les morts violentes ne sont pas une nouveauté dans le cinéma de Takeshi Kitano (voir en particulier ses précédents Violent Cop et Sonatine). Mais l’approche du réalisateur vis-à-vis de la mort a radicalement changé depuis ses premiers films, vraisemblablement « aidé » par son accident de scooter.

« Dans mes films précédents, comme Sonatine, le thème de la mort était obsessionnel. Et pourtant, je fuyais tout face-à-face avec l’idée de la mort. Dans Hana-bi, au contraire, je tente d’accepter cette fatalité. »

Derrière le parcours d’un policier déchu, il y a en effet une histoire d’amour entre un homme et une femme atteinte d’un cancer en phase terminale. Une femme dont les jours sont comptés et pour laquelle la mort est inéluctable. Miyuki le sait, Nishi le sait, et le spectateur le sait.
La fin du film est donc déjà programmée et annoncée dès les dix premières minutes du film.
Cette peinture – et, plus que jamais, le terme est approprié dans le cadre de Hana-bi – d’un couple abîmé par la mort, est accentuée par le décès de leur fille survenue quelques années plus tôt.
Dans son portrait de couple, Kitano fait preuve d’une sensibilité tout en retenue tel qu’il n’en avait encore jamais fait usage dans ses films. Le caractère quasi-autiste du personnage qu’il interprète, qui n’aligne qu’une poignée de mots tout au long du film, n’est pas un signe d’un caractère rustre ou brut. Bien au contraire.
C’est un personnage dont la sensibilité à fleur de peau empêche toute expression orale.
« Les personnages se refusent à certains mots. L’émotion y naît presque du vide. »

Comme sur Kids Return, Kitano retranscrit, au travers de différents personnages, certains traits et expériences personnelles. Le personnage de Nishi, embourbé dans des problèmes personnels et au travail, est une extension de Kitano lui-même qui a du mal à se dépêtrer des soucis qui affectent profondément sa vie privée et professionnelle.
Horibe, le policier paraplégique qui réapprend à vivre à travers la peinture, est une représentation de Kitano lorsqu’il était en convalescence, période durant laquelle il se mit alors à peindre.
La « révélation » que Horibe expérimente en regardant des fleurs est similaire à ce que Kitano a ressenti quelques temps après son accident, en tombant sur un fleuriste alors qu’il marchait dans la rue.
Enfin, il y a l’image récurrente de la famille perdue, au travers des peintures de Horibe et du passé du couple, qui renvoie à celle de Kitano.
Les nombreuses liaisons extra-conjugales que le cinéaste a accumulé au fil des années
ont parfois eu raison de son couple et de sa vie de famille. C’est d’ailleurs sa propre fille, Shoko Kitano, qui joue la jeune fille au cerf-volant à la fin du film.

Kitano profite de Hana-bi pour dévoiler un aspect de son travail méconnu, ses peintures, qui reviennent tout au long du film, parfois comme simple détail d’arrière-plan, parfois en plein écran. Toutes les peintures que l’on voit dans Hana-bi ont été créées spécialement par le cinéaste pour le film. Ces créations – notamment celles que l’on voie dans le film - seront ultérieurement le sujet de plusieurs expositions internationales.

Pour le tournage, Kitano ne peut engager son chef opérateur habituel, Katsumi Yanagijima et fait appel à l’assistant de celui-ci, Hideo Yamamoto.
Afin de ne pas le brider et lui laisser plus d’amplitude d’expression, Kitano décide de ne pas lui demander de travailler comme Yanagijima. D’où des prises de vue plus mobiles.
Le reste de l’équipe reste sensiblement identique à celle qu’il a utilisé sur Kids Return : son assistant Hiroshi Shimizu, le décorateur Tatsuo Ozeki, le directeur artistique Norihiro Isoda, le preneur de son Hitoshi Takaya… Pour le montage, il revient aussi à un travail à deux, faisant de nouveau appel à Yoshinori Ohta, avec qui il avait monté Getting Any ? et avec qui il refera de nouveau équipe pour plusieurs de ses films suivants (L’Eté de Kikujiro, Zatoichi…). Hana-bi est l’un des films sur lesquels Kitano passe le plus de temps à travailler en post-production, remontant, selon ses dires, au moins 14 fois le film. C’est probablement dans Hana-bi que Kitano utilise le plus brillamment le montage elliptique qui a si largement contribué à son style.
Devant la caméra, il endosse naturellement le rôle principal, après avoir été absent de Kids Return. Il fait appel à plusieurs de ses acteurs réguliers : Susumu Terajima, Ren Ohsugi, Tetsu Watanabe ou encore Yuko Daike qu’il avait découverte et utilisé pour la première fois dans Kids Return. Pour le rôle de Miyuki, la femme de Nishi, il fait appel pour la première fois à une actrice bien connue du public japonais, Kayoko Kishimoto. Cette collaboration se passe tellement bien que le cinéaste fera, là aussi, appel à elle sur plusieurs de ses films suivants.

A la plus grande surprise de Kitano et de son équipe, Hana-bi est récompensé du Lion d’Or lors du Festival de Venise. Cette reconnaissance officielle marque un changement de statut immédiat pour le cinéaste dans son pays natal.
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