T’as commencé par le moins intéressant, c’est clair. Son retour après la télé n’a pas toujours été très heureux.
Bon, c’est un gars qui pense ses planches en termes de narration finie, avec le lettrage et tout. Et là, il retrouve son complice Ken Bruzenak, qui le lettrait sur American Flagg!, Time2 (purée, Time2, comment c’est bon !), et sans doute aussi ses trucs chez DC (je pense qu’il a lettré Blackhawk et Shadow, faudrait que je vérifie…). Et vraiment, quand il est lettré par quelqu’un d’autre, c’est comme Simonson sans Workman, y a un truc qui manque.
Ensuite, il a un coloriste plus modeste, là où Jesus Arbutov noyait son dessin sous pas mal d’effets, trop je pense. Aujourd’hui, Chaykin bosse en informatique, mais il n’a pas oublié les années passées à dessiner sur du papier, et j’ai vu des originaux, c’est un carnage : collages, trames, découpages, coups de cutter, gouache, typex… Tu pourrais presque les vendre au poids tellement y a de couches. Je pense qu’il continue à bosser comme ça, en bataillant avec l’outil, en « barbouillant », si tu veux. Il faut donc une colorisation qui laisse les effets de matière respirer, pas qui se substituent à eux au risque de parasiter.
De plus, c’est un mec qui est meilleur pour dessiner des civils que des super-héros. Il est plutôt pas mal pour les évocations historiques, avec les fringues et les bagnoles d’époque, tout ça. Donc là, sur un sujet comme celui de la série, il est plus à l’aise.
Rajoutons un dernier point, qui a l’air anodin mais quand même : Chaykin a longtemps eu pour habitude de donner à son héros toujours la même gueule (une version fantasmée et héroïsée de lui-même, il l’avoue). Tous ses personnages ont la tronche de Reuben Flagg. Or, là, sur cette série, il ne peut pas, car il gère une douzaine de personnages qu’il doit caractériser. Un seul a un vague air de ressemblance avec Chaykin / Flagg, les autres sont des personnages dont il a dressé un portrait précis (sur plusieurs décennies, en plus, donc ils vieillissent). Ça n’a l’air de rien, mais ça contribue à faire diminuer l’effet Chaykin, à rendre moins envahissant l’un de ses tics principaux. Et du coup, on s’intéresse un peu à ses personnages et à son récit en tant que tel, pas en tant que nouvelle œuvre de Chaykin.
Cela dit, toi qui as beaucoup de BD y compris des trucs pas jeunes, je suis assez étonné que tu n’aies pas ses Shadow, au moins, puisqu’ils ont été publiés chez Glénat il y a trente ans.
Mais c’est vrai qu’après, il n’est pas facile à trouver en France. The Swords from Heaven, the Flowers from Hell a été publié dans les cinq premiers Fantastik, son Cody Starbuck (en peinture aussi) dans les six premiers numéros de Spécial USA, un récit en peinture est trouvable dans un Epic en VF… Et après, faut remonter à des trucs plus vieux. Et fouiner. Son Black Kiss a été (enfin !!!) édité chez Delcourt, mais c’est parce que l’éditeur chercher à remplir sa collection « cul » à peu de frais. Les éditeurs ne semblent pas nourrir un grand appétit pour son boulot, et c’est dommage, parce que, sur presque cinquante ans de carrière, il a laissé des choses très bien.
Comme je disais, dans Un album de l’Araignée. En l’occurrence, La Reine des sorciers.
Le Shadow a été traduit en trois tomes chez Glénat / Comics USA.
L’Ironwolf qu’il a écrit pour Mignola est sorti aussi. (Glénat ? Sais plus…) Le Cycle des épées, de la même équipe, est sorti d’abord chez… euh… Zenda ? Et récemment réédité chez Delcourt.
Après, il a produit plein de choses, et en suivant quelques liens, tu devrais trouver des trucs traduits :
Et les Blade de Guggenheim, ça a été traduit ?
C’était pas trop mal, dans mon souvenir…
Après, pour revenir à ce que disait Soyouz, c’est vrai que c’est pas facile à trouver, du Chaykin en VF. Par exemple, il a dessiné le Detective Comics#441, sur scénario d’Archie Goodwin, qui est également la première apparition de… Harvey Bullock. Hé bien ce numéro n’a pas été traduit par Sagédition, allez comprendre.
En revanche, dans Eclipso#62, tu trouves son Monark Starstalker, publié en VO dans Marvel Premiere#32.
Et dans Eclipso#77, tu déniches ses deux Mark of Kane, sur scénario de Roy Thomas, en provenance de Marvel Premiere#33 et #34.
Enfin, dans Eclipso#83, tu trouves son Dominic Fortune encré par Terry Austin (super chouette) et venu de Marvel Premiere#56.
Sagédition avait édité une revue intitulée Scorpion, et reprenant les personnages et séries de l’éditeur Atlas Seaboard (fondé par Martin Goodman et son fils Chip). Et Chaykin avait créé, donc, un héros inspiré par les pulps et appelé Scorpion. Il a fait les deux premiers épisodes, donc si tu trouves les deux premiers numéros de la revue française, tu as son boulot dedans.
Autrement, il a travaillé peu ou prou sur la première dizaine d’épisodes de la série Marvel, et on peut les trouver dans les premiers numéros de la collection Atlas ou dans le premier tome de Star Wars Classics chez Delcourt. Dans cette même période, y a un magnifique Simonson aussi, qui était resté inédit du temps de Lug (Simonson a été moins malmené que Chaykin dans les VF, mais plein de trucs sont passés à l’as, quand même…)
Oui, mais je ne l’ai pas !
Des adaptations de film en BD (les suites m’intéressent plus), ça ne m’a jamais attiré (et les minables Marvel parus chez Panini me donnent raison). Cela dit, le Dracula de Mignola est excellent et me fait dire le contraire !
Tiens, une curiosité pour ceux qui aiment Chaykin (et pour ceux qu’il reste à convaincre) :
Reuben Youngblood - Private Eye, encré par Berni Wrightson.
C’est issu de Eerie#72, et l’intégrale de l’histoire est lisible sur l’excellent scanblog Diversions of the Groovy Kind :
Je sais que ça a été traduit, sans doute dans un Eerie ou un Vampirella, mais je n’ai pas la référence. Faudrait que je cherche chez moi (et ComicsVF ne connaît pas).
Par contre tu montres des choses intéressantes, la couv de Monarch est super classe et la planche de Eerie je connais cet épisode et il est superbe, mais il semble que le style de Chaykin soit bien atténué par l’encrage de Wrightson.
La structure, c’est du Chaykin pur jus (ici, des personnages aux longues jambes, et une case en gros plan). Mais les hachures, c’est clair que c’est du Wrightson qui envahit.
Tiens, puisque décidément Diversions of the Groovy Kind est sans doute l’un des endroits les plus cools du monde pour ceux qui aiment les comics, voici une première adresse où savourer l’épisode de lancement de Scorpion (et pour le même prix, on a droit à un Ditko et un Starlin, que demande le peuple) :
où découvrir le deuxième épisode de Scorpion, chez Atlas Seaboard. On y apprend que la couverture de Chaykin a été refusée et remplacée par une autre, et la présence de plusieurs copains du dessinateur (Wrightson, Kaluta, Simonson…) au générique est peut-être le témoignage d’une précipitation confinant à la panique.
Diversions of the Groovy Kind pensant décidément à tout, vous avez une occasion de découvrir la première apparition (fugace, il est vrai) de l’inspecteur Bullock dans Detective Comics#441, ici :