Au hasard de mes navigations, je suis tombé sur ce document d’archive, témoignage assez édifiant de comment pouvait être perçu le sens de lecture japonais des mangas édités en France…il y a 13 ans quasiment jour pour jour.
[size=150]témoignage du passé[/size]
La période était d’ailleurs probablement charnière sur le sujet, et si le mythe du lecteur français « grand public », qui ne pouvait pas s’adapter à d’autres habitudes de lecture, était tenace, beaucoup de voix commençaient à se faire entendre (pour finalement largement s’imposer) afin de démonter ce qui finalement apparaît (d’autant mieux aux yeux des lecteurs mangaphiles actuels) comme un facteur de résistance réactionnaire injustifié (un de plus dans l’histoire des évolutions sociologiques) comprenant ainsi des arguments pour le moins fallacieux pour justifier cette démarche (comme le lien ci-dessus le démontre justement). Ces arguments, par ailleurs, je ne les avais jamais vraiment rencontrés de front (étant personnellement à l’époque dans la démarche inverse de lecture, et de désirs de lecture, « mangaesques »), et la surprise de les lire ici m’a donné l’envie de vous les faire partager
Quand on y pense, hors d’arguments purement techniques (pas d’inversion réduisait de fait les nombreuses erreurs d’adaptation ou de négligence) ou marketing (plus simple pour l’éditeur, argument de vente pour le fan puriste (et bêtement intégriste) du japon, argument d’« originalité » pour l’adolescent en pleine crise de singularité), lancer sur le marché des livres qui ne répondaient pas aux habitudes de lecture occidentales fut également une démarche pour le moins révolutionnaire, en cela qu’elle acceptait de considérer l’intelligence du lecteur potentiel, et de parier sur sa capacité d’adaptation ! (même si une demande de plus en plus forte de fans avertis et des essais progressifs - qui se sont révélés sans douleur notable - a finalement fini d’emporter l’adhésion à moindre risque).
Pour revenir à l’article cité plus haut, le sens de lecture français (le sens « inversé ») est tout de même resté majoritaire encore trois ou quatre ans ensuite, pour finalement s’effondrer au profit du sens original. Seules sont restées quelques reliques : une série ayant débuté sa publication dans un sens le maintenant sur plusieurs années, question d’homogénéité, (exemple d’Eden ou d’Hana yori dango qui se sont terminés récemment ou bien encore de Gunnm Last order) ou bien des titres ayant transformé un sens français pour tenter d’élargir un public plus académique de la BD (Casterman Sakka—>Ecritures ; des oeuvres de Tezuka…). Bien que dans un certain nombre de cas, l’éditeur ait pu faire marche arrière en cours de route pour des raisons d’attractivité évidente sur un public demandeur (et jeune, impliquant aussi le concept de « branché » ) comme One piece pour ne citer qu’un titre représentatif.
Pour finir, il n’empêche pas, bien sûr, de se rendre compte que cette singularité de l’édition de droite à gauche interpelle encore facilement les non-initiés (parents, médias…), mais tout de moins pourra t’on apprécier que le mépris qui prévalait jadis se soit simplement mué en de l’amusement poli. Pour celui qui se risquerait encore à de l’ironie déplacée, la crainte d’une punition d’être tourné immédiatement en dérision par une grande majorité (ou pire, de ne pas « être dans le coup ») semble alors suffisamment dissuasive.