Gros gros fan du « Incredible Hulk » de Peter David, je n’avais pourtant jamais fait l’effort de traquer les épisodes inédits en VF. Je ne connaissais que les épisodes (absolument terribles) parus dans la Version Intégrale « Hulk » ; d’ailleurs, à mon humble avis, avec les « Daredevil » de Nocenti et Romita Jr, c’étaient les joyaux de la collection.
Quel plaisir de découvrir ces épisodes, avant de me refaire tout la partie du run (passionnante à mon sens, mais je crois que les avis divergent) consacrée au Panthéon, qui fait une discrète apparition sub-plotesque ici. J’avais hurlé à la Lune de désespoir à l’annonce de la suspension (pour méventes, je crois) de cette « Intégrale », voilà une sacrée bonne initiative de la part de Panini…
Le volume s’ouvre sur l’excellente saga « Countdown », pourtant méconnue il me semble dans le canon hulkien, travaux de David inclus. C’est pourtant une formidable histoire, ramassée mais d’une densité incroyable sur le plan narratif et thématique. Sous couvert d’un suspens haletant autour de la survie de Banner / Hulk (empoisonné), David fait le tour des « archétypes » de la galerie de méchants de Hulk, sous une forme très ludique : le premier épisode le met en face d’un ennemi miroir inversé, l’Abomination, un peu son Bizarro, ou son Venom. Un classique chez les vilains. Le second le confronte à un héros, ou plutôt une héroïne, Miss Chose, là aussi un classique pour Hulk (que l’on songe à la Chose ou Wolverine, voire Spidey). Le troisième le met en face de son archi-ennemi (façon Joker ou Fatalis), le Leader (qui reviendra prendre plus de place dans la suite du run). Et le dernier le met face à un nouvel ennemi, Madman, une création avec laquelle David ira assez loin dans le sous-texte homoérotique. Une saga vraiment astucieuse et prenante.
C’est le décrié Jeff Purves qui s’y colle, comme sur le volume précédent (j’apprends d’ailleurs que « Incredible Hulk » fut son seul travail dans le champ des comics, il est plutôt story-boarder…étonnant). Je confesse pour ma part ne pas détester le rendu très « late-eighties » de son travail, une dimension un peu indé qui est renforcée par l’encrage de Marie Séverin, si particulier.
Il est remplacé sur le dernier épisode de « Countdown » par Dale Keown, débutant (et au dessin altéré par l’encrage de Séverin). Un premier épisode où l’équipe David / Keown se fait la main en soumettant Hulk à une première (et pas la dernière) altération corporelle ; il est ici rachitique, pour un rendu étrange, proche du monstre de Frankenstein… Une chouette curiosité que cet arc, vraiment.
Peter David y fait astucieusement référence (à sa manière très « méta ») au mécontentement d’une partie des lecteurs, qui n’aiment pas le Hulk gris et préfère le Hulk " canonique (l’Abomination le dit à mots à peine couverts). David l’adore, lui, se rappelant qu’il s’agit là du Hulk originel (et donc parfaitement « légitime ») et peut-être aussi parce que ce Hulk bavard peut se défendre en débattant et se justifier, ce que le scénariste lui fait faire admirablement bien (notamment face à Ben Grimm…).
Sam Kieth joue les bouche-trous pour l’épisode suivant, où de façon très cohérente, David oppose Hulk à un des archétypes fictionnels qui a présidé à sa naissance : Hyde, ou en tout cas sa contrepartie Marvel : logique. Le dessin de Kieth (contemporain de son boulot sur « Sandman », je crois ?) a le même feeling indé que celui de Purves, je trouve.
Puis Keown vient s’installer sur la durée, en mode pur-Byrne, plus que par la suite où il trouve une voix plus personnelle (même si toujours influencée, mais c’est normal). Je suis très très fan, sans compter que David, très généreux dans les péripéties (dont un retour des Défenseurs originaux assez jouissif), bâtit un impeccable crescendo autour des problèmes d’identité du héros, avec la géniale bagarre des trois aspects de la personnalité de Banner. Il expérimente d’ailleurs avec un nouveau type de métamorphose (la mue), typique de l’approche presque cronenbergienne du scénariste (l’esprit influe sur le corps, car en définitive l’un et l’autre ne font qu’un ; l’évolution forcée ou non du psychisme entraîne donc des bouleversements corporels). La biologie, c’est le destin, dirait le réalisateur canadien. Un aphorisme qui se prêt bien au sous-texte du titre…
Dans le prochain volume, on aborde l’ère « Panthéon » où David, après avoir flirté avec le polar (Joe Fixit) et l’horreur (dans ce volume-ci), revient pour le meilleur à une veine plus éminemment super-héroïque. La suuuuiiiiiite !!!