C’est plus qu’un plaisir renouvelé que de se replonger dans ces épisodes, qui constituent probablement le pic de ce que Peter David a pu proposer durant son long run sur le perso : c’est une joie authentique, doublée d’une belle madeleine de Proust il est vrai…
Le sommaire ne ménage d’ailleurs pas que des retrouvailles, mais aussi de véritables découvertes, comme le premier chapitre qui fait partie d’un crossover trans-« annuals » (la méthode était encore en vogue à l’époque, mais plus pour très longtemps…). Un peu déconnecté du reste (et même complètement déconnecté), l’épisode n’en est pas moins très accessible. Mettant en scène des vilains très peu adaptés en apparence à l’ère moderne des comics, en l’occurrence l’Homme-Taupe et Tyrannus, mais sans les mettre en boîte à la mode Bendis, l’épisode est très fun et rythmé, bien bonnard en bref.
Le triptyque qui suit, réussite majeure, laissera des traces sur les personnages de la série, mais aussi de l’autre titre écrit par Peter David à l’époque, « X-Factor ». Cet exercice de politique-fiction, qui met en scène une crise dans l’état fictif du Trans-Sabal, a des furieux airs d’actualité, à l’aune des développements récents de l’histoire du Moyen-Orient.
Mine de rien, et de façon assez visionnaire, Peter David reprend le flambeau des grands titres politico-éthiques des années 80 (genre « Squadron Supreme ») et précède tous les titres « interventionnistes » apparus dans le sillage de « The Authority » de Warren Ellis. Une vaine qui supporte très bien les débordements graphiques de Dale Keown, très en forme, qui s’amuse à transformer Hulk en « héros à flingues » typique de son temps.
Très fort, riche en rebondissements, poignant par moments et très drôle à d’autres, voilà une triplette d’épisodes de haut-vol, probablement un des moments forts de toute la bibliographie de David.
Bonus de choix : un épisode de « X-Factor », sorte de tie-in à cette saga, et inédit en VF à ma connaissance, est présent aussi ; pas inoubliable, l’épisode en question (pas très bien dessiné) n’en est pas moins un complément intéressant, et présente quelques données essentielles au développement d’un perso comme Rahne Sinclair.
L’épisode suivant, « The Closing Circle », marque l’anniversaire du perso : voilà trente ans que Hulk sévit. Pour la peine, le scénariste organise un retour aux sources, avec l’évocation du premier épisode de Hulk ; le focus est cependant déplacé ici sur Igor, l’espion soviétique qui est « responsable » de la création du géant de jade. Le bougre est d’ailleurs rongé par la culpabilité.
Le « nouveau » Hulk concocte un stratagème un brin cruel et capillo-tracté pour se « venger » du perso, pendant que David, qui ne crache jamais sur une bataille rangée bien super-héroïque, met en scène des Super-Soldats Soviétiques hauts en couleurs. La chute assez glaçante et abrupte porte le susnommé Igor aux portes du cassage de quatrième mur pour interroger la vision que le lecteur a du personnage/concept Hulk : troublant.
Anecdotique en apparences quoique fort bien usiné (dommage néanmoins que ce ne soit Dale Keown aux crayons…), l’épisode 394 est en fait une sorte de prélude à une des sagas les plus fortes à venir du run de David sur le perso (durant le passage de Gary Frank, une période qui a aussi mes faveurs), la relecture SF de la Guerre de Troie. Le personnage de Trauma, amoureux d’Atalante (membre du Panthéon auquel Hulk s’est rallié dans le volume précédent), y fait sa première apparition.
Plus badin et fun est le diptyque qui suit, qui est pour le perso une sorte de retour dans le temps à plutôt brève échéance, au sein-même du run de Peter David : Hulk revisite, apparemment avec gourmandise, l’héritage de son propre avatar Joe Fixit, gros bras à Vegas. Très drôles et survoltés, les deux épisodes voient le retour de Keown aux crayons : si l’adjonction du Punisher à l’intrigue, quoique plaisante, a un goût de superficialité, l’apparition de ce bon vieux Docteur Octopus est bien plus significative et croustillante. Les fans bien informés le savent bien : Peter David et Erik Larsen ne peuvent pas se sacquer. Parmi les griefs sous-tendant cette brouille, il y a l’utilisation du géant vert par Larsen (dans le dos de David visiblement) dans une saga de Spider-Man qui voit Hulk prendre une raclée mémorable aux mains et tentacules de Doc Ock.
Vexé, comme son perso d’ailleurs, David règle ses comptes à l’occasion de ce diptyque plutôt léger mais roboratif.
Tout ça nous mène finalement à la tétralogie qui clôt l’album, et se conclut sur le 400ième épisode de la série, à l’occasion de la mémorable saga « Ghost of the Past », qui marque le retour de la nemesis de Hulk, le Leader.
La saga marque aussi le départ de Dale Keown pour Image Comics (il y signera « The Pitt », clone nineties de Hulk), au grand désarroi de Peter David ; la série marquera d’ailleurs très temporairement le pas, avant l’arrivée de Gary Frank. Le canadien signe quand même les deux premiers chapitres de la saga, incroyablement spectaculaires. La bataille qui oppose le Panthéon aux troupes du Leader (qui joint les forces des U-Foes au Riot Squad) est une de mes scènes de bataille préférées tous comics confondus. Peter David, qui décrit paraît-il à ses dessinateurs les moindres détails des scènes d’action, excelle dans ce type d’épisodes. Un putain de grand panard de lecteur, croyez-moi.
Le reste de la saga prend un tournant beaucoup plus intime et dramatique, le tout baignant dans une sorte d’ambiguïté généralisée qui m’avait beaucoup marqué gamin (et qui résiste bon an mal an à l’usure du temps). David fait des choses très intéressantes avec Rick Jones, mais aussi avec le Leader, pas spécialement le vilain Marvel le plus fascinant qui soit…
Une réussite éclatante, qui amène le nouveau Hulk (la version « Professeur ») sur une pente savonneuse, que David explorera et dévoilera au compte-gouttes ; malgré le happy-end de la réconciliation avec Betty, les nuages noirs s’amoncellent au loin.
Hâte de relire les chapitres suivants de ce run mémorable qui reste une réussite majeure à la fois dans la carrière de Peter David et carrément dans l’univers Marvel des trente dernières années.