Tiens, pour une fois je n’ai pas détesté un épisode d’Iron Man écrit par Bendis… Faut dire que le bougre s’est rabattu sur un exercice qu’il maîtrise plutôt bien : l’épisode très peu chargé dramatiquement et reposant essentiellement sur les dialogues (le dialogue restant un des rares points forts de Bendis, difficile de le nier).
Ici, le scénariste chauve rebondit assez intelligemment sur un des points communs, relativement sous-exploité ces dernières années je crois, entre les deux antagonistes de ce magnifique chef-d’oeuvre qu’est « Civil War II » (humour) : Tony Stark et Carol Danvers, qui se tapent dessus depuis le début de l’event, sont deux ex-alcooliques, et Stark fut le parrain de Danvers aux réunions des A.A. ; pour quoi pas rebondir là-dessus ? Bendis le fait pas si mal, dans un épisode certes assez anodin au final, mais dont la dimension intimiste lui réussit plutôt… même si l’épisode est presque contradictoire avec ce qui se passe dans le « Civil War II » susnommé.
Pas fan du tout par contre des débuts du « Infamous Iron-Man », alias Victor Von Fatalis en personne. Déjà, comme quelqu’un (Soy, je crois) le soulignait par ailleurs, j’ai horreur de cette tête de con, calquée sur celle de Vincent Cassel, que les dessinateurs lui font depuis « Secret Wars ». Fatalis faisait partie de ces persos aux traits assez immédiatement identifiables, les rares fois où l’on pouvait voir son visage, et ce depuis Jack Kirby dans le fameux récit des origines de « Fantastic Four Annual 2 ». Ses successeurs lui avaient emboîté le pas… jusqu’à aujourd’hui. Résultat : beurk.
Ce choix contribue à amoindrir l’aura du personnage, je trouve ; il n’avait pas besoin de ça, le pauvre : le nouveau statu quo ne l’avantage pas. Le changement de braquet psychologique, pourquoi pas : « Secret Wars » a vu sa défaite totale aux mains de Red Richards, et Fatalis a pour une fois lui-même admis cette défaite. Le faire « bouger » derrière n’est pas forcément incohérent. Je ne le vois par contre pas du tout se mettre dans les pompes de Tony Stark… sans compter que c’est pour affronter des persos présumés ringards au possible comme Diablo (la manie de Bendis, ça : rire à peu de frais sur le dos de persos qu’il juge dépassés).
Franchement pas impressionné, sans compter que les dessins de Maleev ne me semblent pas forcément adapté à la « couleur » du titre.
Je suis de plus en plus impressionné par le travail de Nick Spencer, que j’avais décidément bien mal jugé à ses débuts chez Marvel (période « Fear itself »).
Très astucieusement, le scénariste a mis en place deux types d’approche/ambiance très différents pour les deux titres « Captain America » qu’il écrit. Pour Sam Wilson, Spencer adopte une tonalité et un sous-texte très « franc » et direct, rendant son protagoniste principal immensément sympathique, courageux et désintéressé, alors qu’il en prend plein la gueule ; en bref, une sorte de parangon d’héroïsme sur le modèle de Peter Parker période « tout le monde déteste Spidey ». Le tout est comme d’habitude très dense et rythmé, fun et profond dans son sous-texte. Bref, une petite pépite.
Je suis peut-être plus séduit encore par son approche sur le titre dédié à Steve Rogers ; là, à l’inverse, Spencer se fait retors au possible, développant un discours subtilement très tordu. Se permettant quelques références à l’actualité géopolitique la plus brûlante (il faudrait être aveugle pour ne pas reconnaître dans l’épisode du mois les échos à la situation en Syrie, par exemple…), comme à son habitude (Hydra est une sorte de Daesh depuis le début de son run), le scénariste se permet aussi de manière plus sournoise de détourner très subtilement le sous-texte propre à l’idéologie de Cap’. Il faut bien mesurer que ce que fait Spencer ici, ce n’est pas simplement transformer Cap’ en vilain pour quelques mois : il interroge en fait de fond en comble les présupposés éthiques qui fondent son action. On savait déjà que Cap’, très ironiquement, était une sorte de parangon absolu de rêve moite de savant nazi (en caricaturant, hein) sur le plan « physique », voilà que son idéologie est elle aussi questionnée, assez radicalement.
Tordu mais savoureux. J’adore ce titre, vraiment.
N.B. : j’ai pu avoir l’impression jusqu’à maintenant, comme d’autres lecteurs, que les flashes-back sur l’enfance de Steve Rogers, très réussis en eux-mêmes, ne servaient pas forcément à grand chose dans la tapisserie globale. Spencer prouve le contraire, avec le chouette montage parallèle qui conclue l’épisode du mois. Bien vu !