JO (Derib)

Connu pour ses westerns, à l’exemple de Buddy Longway et de Yakari (pour les plus jeunes), Derib se lance dans l’illustration d’un récit consacré au SIDA en 1991. C’est une surprise pour les lecteurs, habitués à ses albums consacrés à l’aventure et aux grands espaces.

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L’intrigue suit la jeune Jocelyne, qui vient de rompre avec son petit ami et qui s’éprend de Laurent, un musicien. Ce dernier de son côté vient d’abandonner ses études pour se consacrer à la musique. La mort de son frère, dont on devine assez vite les raisons (avant l’explication qu’il fournit lui-même) fait de lui un adolescent sensible. Tous deux se rencontrent, et Jo comprend que son nouveau compagnon refuse de coucher avec elle non pas par manque de désir mais parce que le spectre de son frère mort du SIDA le hante. Et à l’occasion d’un dépistage, ils apprennent que c’est elle qui est atteinte. Le reste de l’album décrit le parcours d’un jeune couple qui tente de construire sa vie malgré la maladie. Nous sommes en 1991 (les pages ont été dessinées l’année précédente) et les thérapies ne sont pas encore assez efficaces pour assurer une vie « normale » aux malades, et le récit se conclut sur le décès de la jeune femme.

L’album ne fait hélas pas l’économie de ce qui, déjà à l’époque, apparaissait comme des clichés. Cela étant dit, ces clichés permettent de faire le portrait d’une variété de personnages réagissant chacun à sa façon au drame (il y a une très jolie scène avec la belle-mère), mais on pourra reprocher d’avoir centré l’intrigue sur les voix de contamination les plus socialement spectaculaires (sexualité, drogue) et ne consacrant que quelques bulles aux autres drames plus invisibles mais sans doute plus douloureux encore (la transmission in utero, les transfusions). Mais dans la portée didactique du projet, visant à édifier les foules et soutenu par la Fondation pour la vie, organisation suisse, on comprend qu’il fallait y aller en tambourinant.

Derib s’en sort pas mal dans la représentation d’une vie urbaine normale, avec le lycée, les pavillons de banlieue, les rues bétonnées, le bitume. Ça change de l’Ouest sauvage. Après, ses grandes cases et ses superpositions de vignettes fonctionnent moins bien ici que dans les planches où son navigue à l’air libre dans une atmosphère contemplative. Il lui faut placer plus de bulles, et parfois l’enchaînement n’est pas fluide.

L’album sera réédité, sous une nouvelle couverture, dans la collection « Signé » du Lombard, écrin de prestige. L’une des éditions contiendra quelques planches supplémentaires, mais je ne l’ai pas et ne saurai dire ce qu’elles contiennent.

Jim