Quel étrange album, quand même.
Donc, on suit la Bête, un être représenté avec un visage en aplat noir, dont on apprend dans le premier chapitre qu’il a vécu une existence riche et complexe, qu’il a été sauveur du monde et pop-star. On ne sait pas grand-chose de lui, à part qu’il semble appartenir à une caste d’être différents dont l’existence est liée à celle de l’univers. Sans d’ailleurs qu’il soit sollicité dans une action effrénée.
La particularité de l’album, sous-titré « 5inq âges de la vie », c’est de proposer cinq grands chapitres disposés à rebours de la chronologie : le premier est le plus récent, c’est la « fin », et le dernier est situé dans la jeunesse du héros, donc le « début ». On retrouve donc des personnages récurrents, mais qui bien entendu rajeunissent à mesure qu’on tourne les pages. Macan aligne les idées saugrenues, imaginatives, poétiques, quasiment morrisoniennes, comme s’il s’était fait un bon mijoté de Doom Patrol avant d’écrire. Il crée un monde surréaliste, peuplé de personnages relativement positifs, souriants et désinvoltes, parmi lesquels on croise des sortes d’archétypes, de concepts incarnés. Au-delà de la Patrouille du Destin de Morrison, c’est un peu aux Endless de Gaiman que la Bête et son cercle renvoient, au final : Macan se refait Rêve et sa fratrie, à sa sauce, un peu.
L’autre particularité, c’est l’insertion de textes (extraits de romans ou d’essais, tous faux mais connotés) qui permettent de compléter la biographie à rebours du personnage. Le dernier texte se présente sous la forme d’un article (faux, bien entendu) de critique de bande dessinée, commentant l’album mais aussi les apparitions précédentes du personnages sous forme d’art séquentiel. Assez drôle.
Graphiquement, c’est top. Je connais mal Jovanovic, je l’associe à des séries franco-belges jolies mais plates (la francobelgerie a un vrai talent pour rendre insipides les dessinateurs vigoureux), alors qu’ici, il livre des ombres formidables, des drapés évocateurs, des corps expressifs. Il me fait penser au regretté Edvin Biukovic, par son élégance épurée, ou encore à Eric Shanower. C’est très très chouette.
La production est pas mal : quelque coquilles, quelques tournures qui me laissent penser que le français n’est pas la langue maternelle du traducteur, et surtout une police avec des « I » à empattements du plus mauvais effet. Mais la reliure et l’impression sont très belles.
jim