LA COMPAGNIE DES LOUPS (Neil Jordan)

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REALISATEUR

Neil Jordan

SCENARISTES

Angela Carter et Neil Jordan

DISTRIBUTION

Sarah Patterson, Angela Lansbury, Micha Bergese, David Warner…

INFOS

Long métrage britannique
Titre original : The Company of Wolves
Genre : horreur
Année de production : 1984

Deuxième long métrage signé par l’irlandais Neil Jordan (qui était écrivain avant de se lancer dans la mise en scène), futur réalisateur de The Crying Game et Entretien avec un vampire, La Compagnie des Loups est, selon son auteur, comparable à une « boîte chinoise ». Structurellement, des histoires imbriquées dans des histoires. Ou plus précisément ici, des cauchemars enchâssés dans des cauchemars, au cours d’une nuit qui semble ne plus finir (la nature des rêves étant telle que la notion de temps elle-même est redéfinie). On pourrait donc comparer La Compagnie des Loups à un film à sketches…mais c’est un peu plus complexe que cela…

Lorsque le spectateur voit pour la première fois la jeune Rosaleen, l’héroïne de La Compagnie des Loups (incarnée par la débutante Sarah Patterson, très convaincante), celle-ci est déjà profondément endormie. Un coup d’oeil à sa chambre nous dit tout ce qu’il faut savoir sur elle et sur son imaginaire, ce qui est déjà un premier signe de la réussite de la direction artistique de Anton Furst (qui a notamment travaillé par la suite sur le Batman de Tim Burton).
La grande soeur un peu peste de Rosaleen tente de la réveiller en tambourinant à sa porte et en l’insultant, mais rien n’y fait. Au plus profond de son inconscient, Rosaleen fait de sa soeur la protagoniste de son univers onirique où elle meurt après sa rencontre avec un loup. Cruel…mais dans son sommeil, ce passage pourtant cauchemardesque laisse un sourire sur le visage de la fille perdue dans le Royaume des Songes…

Cette entrée en matière pose bien le ton de ce conte de fées cauchemardesque, version sombre et pleine de sous-entendus du Petit Chaperon Rouge (inspirée par les écrits de Angela Carter, qui co-signe également le scénario…mais à son propos, je n’en ajouterai pas plus car je ne connais pas son oeuvre). Visuellement, les premières minutes proposent déjà de très belles idées : le « premier niveau » du paysage onirique de Rosaleen ressemble à une version pervertie de sa chambre avant de se transformer en un village typique de conte, en bordure d’une forêt de studio disproportionnée qui ajoute au surréalisme de l’ensemble. Là encore, un superbe travail de Anton Furst et de ses équipes, pour une suite de tableaux à l’exquise étrangeté…

Suite au décès imaginé de sa soeur, Rosaleen va habiter chez sa Mère-Grand le temps que ses parents fassent leur deuil. Mais ici, cette figure bien connue des contes de fée n’est pas aussi sympathique. Angela Lansbury (qui commença à tourner dans la série télévisée Arabesque la même année) campe une vieille femme qui cultive un côté inquiétant et qui cherche à tout prix à inculquer « la peur du loup » (tiens, donc…) à sa petite fille. Les histoires qu’elle raconte sont autant de paraboles au symbolisme appuyé et dont le point commun est la vengeance.

L’un des aspects intéressants du scénario est la façon dont il retourne certains éléments des contes de fée. Rosaleen résiste au caractère inhibiteur de sa Mère-Grand par ses propres histoires à la morale différente (la dernière est particulièrement bouleversante) et par le déroulement de sa propre rencontre avec un Chasseur qui va lui révéler sa double nature. Un dernier acte troublant et sensuel, empreint de tristesse et qui débouche sur un final intrigant, qui brouille définitivement les pistes entre rêve et réalité.

Porté par une excellente distribution (on retrouve aussi le prolifique David Warner et Terence Stamp qui fait un petit caméo non-crédité dans le rôle du Diable), La Compagnie des Loups a, par la manière dont elle est construite, une narration fragmentée qui peut se révéler parfois un brin inégale, mais l’univers imaginé par Neil Jordan et Angela Carter est fascinant, beau et grotesque à la fois (les effets spéciaux de maquillage sont très réussis, avec des transformations variées et bien adaptées à l’atmosphère de chaque récit) !

J’ai vu ça en bossant cette semaine … j’étais pas très attentif, mais y avait des scènes assez frappantes !

Je n’avais jamais vu ce film qui traînait dans ma DVDthèque depuis des années, et alors q’un ami fétichiste des films de loup-garous m’en vantait les mérites régulièrement. Bizarrement, je n’ai sauté le pas que ces jours-ci : je pense que c’est en partie parce que je tenais Neil Jordan (même si ado j’adorais « Entretien avec un Vampire ») pour un cinéaste un peu mineur.
Après visionnage de « La Compagnie des Loups », que j’ai adoré, il va me falloir réévaluer le travail du bonhomme, je pense.

Il n’est évidemment pas le seul responsable de la réussite du film. Feu Christopher Tucker réalise un boulot épatant (quoi qu’un brin daté, mais leur impact demeure assez frappant) sur les transformations. Et surtout, Anton Furst subjugue littéralement le spectateur avec ses décors proprement incroyables. Ce n’est pas nécessairement l’aspect de la confection d’un film qui retient en priorité mon attention, mais là c’est un travail tellement abouti qu’il est impossible de passer à côté de cette dimension.

Ajoutons par là-dessus un casting intéressant (Angela Lansbury en mère grand, quelle idée de génie par exemple) et un bagage thématique ultra-fouillé et gentiment subversif pour l’époque, et on obtient une petite bombe, trouée par des séquences de meutes de loup absolument terrassantes de beauté (ces loups devant une lumière bleutée en contre avec leurs yeux rougeoyants, waouh !!!), la dernière du film n’étant pas la moins puissante, et très ambiguë en prime, effectivement, voire trouble, sur le plan thématique.
Un joyau de la lycanthropie cinématographiée, comme on me l’avait à juste titre vendu, en effet.

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Ah oui, il est aussi à relever que Kubrick adorait le film, notamment à cause de ses fameux décors si marquants ; du coup, il a embauché Furst sur « Full Metal Jacket »…