REALISATEUR
Adrian Weiss
SCENARISTE
Edward D. Wood Jr, d’après une histoire de Adrian Weiss
DISTRIBUTION
Charlotte Austin, Lance Fuller, Johnny Roth, William Justine, Steve Calvert…
INFOS
Long métrage américain
Genre : horreur (oh, si peu)/aventures (enfin, si on veut)/romance (à poils)
Titre original : The Bride and the Beast
Année de production : 1958
Si l’inconnu qui a réalisé et produit La Fiancée de la Jungle n’a laissé aucune trace dans l’histoire du cinéma, ce n’est pas le cas de son scénariste, un certain Edward D. Wood Jr, ou Ed Wood, nom sous lequel il est majoritairement reconnu . Passionné de cinéma depuis sa plus tendre enfance, Ed Wood (Plan 9 from outer space) est devenu un cinéaste médiocre, mort dans l’oubli le plus total (après avoir passé les dernières années de sa carrière à écrire une flopée de romans de gares et à mettre en boîte des pornos en sombrant dans l’alcool et la dépression) avant d’être redécouvert dans les années 80 par des critiques qui l’ont labellisé « le plus mauvais réalisateur du monde » (même si on peut franchement toujours trouver pire que lui). Des intrigues incohérentes, des effets spéciaux bricolés à la va-vite et un emploi abusif d’images d’archives sont les marques de fabrique de pelloches devenues (le plus souvent abusivement) cultes avec le temps (même ses longs métrages coquins ont été redécouverts alors qu’ils n’en demandaient pas temps).
Sur The Bride and the Beast, Ed Wood n’occupe que la fonction de scénariste, ce qui n’a pas empêché les distributeurs de cette oeuvrette obscure de capitaliser par la suite sur son nom. Il faut dire qu’Adrian Weiss a bien appris ses leçons : presque la moitié du métrage est composé d’images d’archives, de stock-shots provenant de documentaires, de serials et de films d’aventures des années 30.
Le pitch annonce une zèderie croquignolette : le grand chasseur blanc Dan Fuller vient de se marier avec la jolie Laura, et avant de partir pour un voyage de noces en Afrique, le couple passe sa nuit de noces dans la kitschissime demeure du macho au grand fusil. Là, Laura découvre que le chasseur garde enfermée dans sa cave un gorille qu’il a affecteusement surnommé Spanky. En un regard, c’est le coup de foudre : Laura se laisse submerger par un désir qu’elle ne comprend pas et ce bon vieux Spanky ne se montre d’ailleurs pas insensible à ses charmes.
Tu sais que je t’aime, mais ça ne peut pas marcher entre nous…et que va dire mon mari ?
Cette même nuit, Laura ne parvient pas à trouver le sommeil, hanté par d’étranges visions qui sont peut-être le reflet d’une vie antérieure. Au sous-sol, Spanky s’excite et arrive à sortir de sa cage. Il rejoint sa belle, qui le regarde de façon langoureuse. Emporté par son désir, Spanky empoigne Laura et lui déchire ses vêtements. On échappe alors aux ébats zoophiles, puisque c’est à cet instant que Dan se réveille et abat Spanky avec son revolver.
Le lendemain, Dan fait appel à un de ses amis docteur qui décide d’hypnotiser Laura pour découvrir une fois pour toute les raisons de son comportement : si la jolie épouse a une telle fascination pour les fourrures, les pulls angora (bon, là c’est clairement Ed Wood qui parle) et les grosses bébêtes poilues, c’est parce qu’elle fut un gorille dans une vie antérieure !
Gare au gorille !
Ce saugrenu premier quart d’heure a un aspect savoureusement métaphorique qui n’a pas manqué d’être relevé par les amateurs de l’oeuvre de Ed Wood (qui n’a donc pas pu s’empêcher de glisser une référence à la douceur des pulls angoras, lui qui adorait se travestir). Toutes les critiques du film ont-elles sombré (avec plus ou moins d’humour) dans la surinterprétation ? Pas si sûr puisque le sujet du questionnement sexuel est souvent revenu dans les films de Wood et que le nom du gorille Spanky est carrément le moins subtil des sous-entendus : en effet, « spank the monkey » est un terme d’argot qui désigne…la masturbation ! De là à se dire que le grand chasseur blanc garde ses pulsions sexuelles enfermées à la cave, il n’y a qu’un pas.
Passé ce premier acte jubilatoire, La Fiancée de la Jungle sombre alors dans l’ennui le plus total : après cette nuit de noces agitée, le couple part en voyage de noces et la soi-disant grande aventure se transforme alors en un long et fastidieux safari quasiment entièrement composé de stock-shots (avec une astuce scénaristique bancale qui permettra d’expliquer la présence de tigres du Bengale venant d’un autre film en Afrique). Comme de coutume, la continuité des plans est anarchique et les erreurs techniques abondent dans un foutoir caractérisé.
Les promesses délirantes des premières minutes sont presque oubliées après ce soporifique passage à vide lorsque ressurgit à cinq minutes du mot fin un autre gorille (en fait, le même acteur, Steve Calvert, dans le même costume) qui emporte une Laura toujours aussi troublée par la vue de tous ces poils (et il faut saluer l’actrice Charlotte Austin qui joue ces scènes de drague simiesque avec une conviction confondante) dans son repaire. Dan essaiera bien de la récupérer mais sans succès : Laura disparaît dans la jungle avec le grand singe de ses rêves pour devenir sa reine…
…enfin, ce n’est qu’une supposition de ma part. Après tout, ce qui se passe dans la jungle…reste dans la jungle !
Bon d’accord, grand fou…mais j’espère que tu ne laisses pas tes poils partout…