LA JETÉE (Chris Marker)

Science-fiction
Court-métrage français
Ecrit et réalisé par Chris Marker
Avec Davos Hanich, Hélène Châtelain, Jacques Ledoux, Jean Negroni, William Klein…
Année de production : 1962

Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance.

Les images. Le français Chris Marker les faisait défiler dans un Pathéorama, un jouet commercialisé dans les années 20. Il s’agissait d’une visionneuse qui permettait de projeter des vues photographiques de films et d’actualités tirées du catalogue Pathé. Marker s’est tout de suite amusé à tester les possibilités de cette petite lanterne magique en y insérant ses propres dessins et photos. Une trentaine d’années plus tard, Chris Marker s’est souvenu de cette expérience de jeunesse pour raconter une histoire en photos, La Jetée étant même présenté comme un photo-roman dans le générique début…

Au début des années 60, un enfant venu avec sa famille regarder le mouvement des avions sur la jetée de l’aéroport d’Orly est marqué par une vision dramatique, celle de la mort d’un homme qui tentait de rejoindre une femme dont les traits vont se graver dans la mémoire du jeune garçon. Puis le monde explose, la Troisième Guerre Mondiale détruit tout et les survivants se terrent dans les souterrains de Paris. Le travail sur les photographies, leur rythme dicté par la musique et la narration de Jean Négroni participent pleinement à l’élaboration de l’atmosphère pesante de la description de la fin d’un monde…

Pour les survivants, la seule solution pour sauver l’humanité passe par l’exploration du temps, en faisant appel au passé et au futur pour venir au secours du présent. Mais le dispositif temporel n’est pas totalement fiable, les cobayes ressortant fous de l’expérience. Seul un prisonnier va pouvoir réussir l’ancrage à travers le corridor temporel, grâce à sa mémoire visuelle et le souvenir encore très fort du drame dont il a été témoin sur la jetée d’Orly. Au cours de ses voyages dans le passé, il va revoir la femme et en tomber amoureux…

Réflexion sur la mémoire et le pouvoir des images doublée d’une histoire d’amour tragique, La Jetée arrive à faire oublier que ses vingt-huit minutes sont presque exclusivement immobiles (à l’exception d’un plan filmé de quelques secondes d’une beauté troublante) tant l’immersion est complète grâce à la maîtrise de la vitesse de défilement des photographies (le réalisateur s’attarde plus ou moins longuement sur chacune d’entre elles) et à un travail sur le son qui leur donne une dimension supplémentaire. Tout en souffrant dans le présent, l’homme connaît le bonheur dans le passé, attiré par ce beau visage qu’il connaît par coeur, avant que le piège se referme sur lui, à travers une suite d’instantanés étranges et inquiétants qui bouclent impitoyablement la boucle…

Notamment inspirée à Chris Marker par le Sueurs Froides d’Alfred Hitchcock, cette histoire d’un homme marqué par une image d’enfance a elle-même servi de base à Terry Gilliam pour sa brillante réinvention sortie en 1995, L’Armée des Douze Singes.

2 « J'aime »