Le cas très spécial de Renée Dunan contre les mutants par George Spad
Bonjour à toutes et tous,
Parlons de Renée Dunan, énigmatique héroïne de Renée Dunan contre les mutants ! Femme de lettres française entourée de mystères, écrivaine anticonformiste dans tous les mauvais genres qui offraient à sa riche imagination la possibilité de les écrire au féminin : aventures, fantastique, merveilleux scientifique, romans criminels ou érotiques. Née à Avignon sans que l’on sache rien de l’année de sa naissance ni de sa famille, de riches industriels d’après les bruits qui courent, elle a vécu indépendante et par ses propres moyens dès sa sortie d’un pensionnat religieux, un peu avant la Première Guerre mondiale. Plus tard, parfois décrite comme une pétroleuse, une femme sulfureuse, une féministe, en somme, elle a envers et contre tous ses détracteurs acquis le respect de sa plume particulière aussi bien en fiction romanesque que dans ses essais et articles. Impertinente et cependant érudite, elle mit au service de sa passion littéraires d’innombrables pseudonymes, peut-être plus attachée au rayonnement de ses textes qu’à la pérennité de son nom courant. Elle mourut en conservant jalousement ses énigmes et s’arrangea même pour que plane le doute sur sa disparition.
Quand Madame Leprince de Beaumont lui suggéra de confier enfin l’épisode extraordinaire qui la marqua à tout jamais pendant la Grande Guerre, Renée Dunan hocha la tête avec un sourire malicieux, car personne à la Ligue ne s’était jamais douté de son indiscrétion bien avant leur décision d’ouvrir leurs archives. Elle déclara qu’elle ne soufflerait pas un mot de plus, elle l’avait déjà raconté à son amie, George Spad. L’émoi fut grand au conseil des Anciennes, George Spad ne figurait nulle part dans les rangs de la Ligue : aux yeux du monde des vivantes comme de l’au-delà, elle n’existait pas !
La grande machinerie solidaire de la Ligue fut mise en branle afin de dénicher George Spad où qu’elle se dissimule. En vain. Cependant, elle n’avait pas effacé toutes ses traces : apparue dans l’histoire de la Brigade chimérique, les dignes universitaires en parlaient à mots couverts déjà, personne ne s’accordait sur la réalité de George. On ne peut pourtant pas douter des informations transmises par Serge Lehman à propos de l’organisation des super-héros en France d’après-guerre ; sa piste vers les éditions Louis Querelle menait aux grands collectionneurs J. A., G. C., P. E. (dont nous tairons le nom pour respecter leur anonymat). L’un d’eux possédait un exemplaire défraîchi mais entier du roman de George Spad. Avec contrition, il faut ici dénoncer notre larcin : l’exemplaire fut subtilisé et lu. Renée ne nous avait pas menti, tout est dit dans l’ Homme chimérique , rebaptisé dans notre collection.
Je vous propose de découvrir la couverture originale et l’effrayante aventure de notre écrivaine extraordinaire alors que sur les champs de bataille naissaient les premiers mutants, grâce à l’extrait du roman de George Spad, Renée Dunan contre les mutants .
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Christine Luce
P.S. Pour découvrir Renée Dunan, je ne saurais trop vous conseiller le blog de son admirateur et fervent soutien de la Ligue des écrivaines extraordinaires : http://reneedunan.over-blog.com/

Renée Dunan contre les mutants , un extrait :
Le brouillard épais bavait sur la plaine , son matelas avait crevé sous le plafond du ciel et vidait lentement sa bourre sur l’herbe maigre et le bosquet. Ankylosée au fond du véhicule, Renée détendit les jambes. Les échardes du plancher lui griffèrent les mollets au travers de ses bas, elle jura à mi-voix en imaginant les échelles qui massacraient sa dernière paire en soie. Son chuchotement résonna dans l’habitacle noyé par le silence cotonneux au-dehors qui étouffait les hennissements à moins de cent mètres. Inquiète, elle se redressa à genoux et risqua un coup d’œil par la vitre. La petite escouade à cheval ne prêtait toujours aucune attention à la voiture immobilisée. Hommes et bêtes se mouvaient, alourdis, au pied de l’unique butte du sol plat à perte de vue.
« Quand on y voyait », maugréa-t-elle.
Son corps entier protestait contre la pose recroquevillée qu’elle lui imposait depuis le départ du chauffeur en quête d’une roue chez un improbable maréchal-ferrant dans ce coin perdu, la troisième éclatée sur les nids de poule pendant leur course insensée. L’automobile était garée dans l’ombre protectrice des quelques arbres derrière lesquels ils l’avaient poussée. Ses talons n’avaient pas résisté à l’effort dans la boue solidifiée, ses chaussures étaient fichues. Comme il faisait trop froid pour marcher pieds nus, elle s’était résignée à regarder s’éloigner dans la brume son compagnon de route, la roue serrée contre sa poitrine. Les soldats ne les avaient pas remarqués, ou ils feignirent l’indifférence pour le taxi décati qui ne présentait à leurs yeux aucun danger.
Derechef, elle pesta contre son inconfort, contre l’humidité glaciale qui s’insinuait sous son col trop usé, et même contre les troufions indifférents à son sort.
« Ah mes cocos, après tout, j’ai bien tort de me plier en quatre pour échapper à votre vigilance ! »
Malgré sa rodomontade, Renée escalada la banquette avec précaution afin d’éviter de bousculer l’auto. Le grincement des essieux provoqua une grimace, mais elle s’installa avec un soupir de soulagement sur le cuir usé de la Renault. Aussitôt, l’impression désagréable d’être prisonnière d’un aquarium la submergea, un poisson-chat englué dans un pot au milieu d’une mer d’écume grisâtre, muette et aussi visqueuse qu’une flaque d’huile. Elle chercha des yeux le campement et ses activités humaines, les hommes étaient bien là, mais ils paraissaient figés, leurs regards tendus vers un point invisible dans le brouillard. Ils écoutaient et elle entendit à ce moment le sifflement qui s’approchait en vibrant de plus en plus fort. Le grondement aigu déchira le voile pâteux et les uniformes s’agitèrent brutalement, virevoltèrent en tous sens, un cheval s’enfuit en hurlant un cri étranglé.
Les mains plaquées sur la vitre, les yeux exorbités, Renée entrevit la forme oblongue, noire, luisante de pluie, énorme, puis la butte disparut, éventrée. Les petites silhouettes s’éparpillèrent comme des soldats de plomb sous le coup de pied rageur d’un gamin, propulsés par le souffle, ensevelis par des mottes de terre gigantesques, mais l’explosion n’eut pas lieu. Le sol finissait à peine de trembler sous le choc qu’une partie de l’obus coulissa sur le côté, quatre colosses vêtus d’une combinaison vaguement scintillante en sortirent.
