REALISATEUR
Charles Laughton
SCENARISTE
James Agee, d’après le roman de Davis Grubb
DISTRIBUTION
Robert Mitchum, Shelley Winters, Lillian Gish, Billy Chapin, Sally Jane Bruce, Peter Graves…
INFOS
Long métrage américain
Genre : drame/thriller
Titre original : The Night of the Hunter
Année de production : 1955
La Nuit du Chasseur figure en bonne place dans tous les classements des plus grands films de l’Histoire du Cinéma…et dans leur liste des 100 plus beaux films, Les Cahiers du Cinéma lui ont réservé la deuxième place. Mais lorsque le long métrage qui fut finalement jugé « culturellement, historiquement et esthétiquement important » par la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis est sorti en 1955, son exploitation se solda par un échec autant public que critique. Déçu par cet accueil, l’immense comédien Charles Laughton (L’Île du Docteur Moreau, Les Révoltés du Bounty, La Taverne de la Jamaïque…), qui était déjà un metteur en scène de théâtre expérimenté et qui se retrouvait pour la première fois derrière une caméra, ne réalisa plus d’autres films, faisant entrer cette superbe curiosité expressionniste dans la Légende.
Pour être honnête, j’avoue avoir été un peu décontenancé par La Nuit du Chasseur lors de ma première vision il y a bien longtemps…déstabilisé par son étrangeté, ses constants changements de ton et d’atmosphère, son rythme particulier, sa narration parfois maladroite…mais c’est le genre de film qui vous reste en mémoire, par la grâce de nombreux plans à la beauté fulgurante, par sa nature de conte cruel à la croisée de plusieurs genres et par la présence inoubliable de Robert Mitchum, en serial-killer aux mains tatouées…Love & Hate…Amour et Haine…
C’est ce côté inclassable qui fait tout l’attrait de l’unique réalisation de Charles Laughton. Grossièrement résumé, le synopsis (un prêcheur psychotique approche la famille de son compagnon de cellule récemment exécuté pour mettre la main sur le magot qu’il a caché chez lui) fait rentrer le récit dans le cadre du film noir. Mais peu à peu, Laughton et son scénariste opèrent un glissement vers l’horreur (accentué par l’influence de l’expressionnisme allemand sur les décors, dont l’artificialité renforce l’impression de cauchemar stylisé, et la composition des plans) puis vers le conte de fées pastoral, lorsque les jeunes enfants fuient tel des petits Hansel et Gretel devant le monstre qui les poursuit inlassablement.
Charles Laughton a opté dans ces passages pour un style un peu plus contemplatif, presque onirique…avant un dernier acte étonnant et un final d’une grande tendresse…d’ailleurs, on dirait presque du Frank Capra.
L’esthète qu’était Charles Laughton avait choisi comme chef opérateur Stanley Cortez, qui avait collaboré avec Orson Welles sur La Splendeur des Amberson et avec Fritz Lang sur Le Secret derrière la Porte. Stanley Cortez a par la suite souligné que de tous les metteurs en scène avec lesquels il a travaillé, seuls Orson Welles et Charles Laughton comprenaient vraiment la lumière, « cette chose incroyable qui ne peut être décrite ». Et de cette compréhension sont nées des oeuvres d’une grande richesse visuelle.
Totalement investi dans son personnage, cette « merde diabolique » décrite par Charles Laughton lors de l’audition de l’acteur, Robert Mitchum livrait là l’une des compositions les plus mémorables de sa carrière : dès ses premières scènes, sa folie ne fait aucun doute, tout en la cachant derrière une apparence charmante. Mais dès que le masque est levé, il peut se révéler aussi effrayant que totalement grotesque dans l’expression de sa démence.
Cela peut être risqué de combiner terreur et humour, et avec son interprétation de Harry Powell, Robert Mitchum a su parfaitement réunir ces deux éléments.
La distribution est excellente : on retrouve notamment Shelley Winters (Winchester 73, La Brigade Héroïque…), dont le personnage tragique est au centre de scènes magistrales, et Lilian Gish, grande actrice du muet qui fut dirigée par D.W. Griffith dans Naissance d’une Nation et Intolérance.
Et les petits Billy Chapin et Sally Jane Bruce, qui n’auront pas fait une grande carrière (Sally Jane Bruce n’a jamais retourné et Billy Chapin a interprété quelques rôles au cinéma et à la télévision jusqu’en 1959), et qui resteront à jamais associés à ces gamins aux regards fatigués et hantés…