Western
Long métrage américain
Réalisé par John Ford
Scénarisé par Frank S. Nugent et Patrick Ford, d’après une histoire de John Ford
Avec Ben Johnson, Harry Carey Jr, Ward Bond, Joanne Dru…
Titre original : Wagon Master
Année de production : 1950
Le Convoi des Braves (Wagon Master en V.O.) n’est pas un titre qui vient tout de suite à l’esprit lorsque l’on évoque les westerns les plus connus de John Ford. Le film fut d’ailleurs un échec à sa sortie et les spectateurs français ont même attendu 14 ans pour pouvoir le découvrir dans les salles obscures et là encore sans que le succès soit au rendez-vous. Et pourtant le réalisateur l’a toujours classé parmi ses travaux préférés, affirmant qu’il était arrivé au plus proche du résultat qu’il avait en tête. L’acteur Harry Carrey Jr aurait même déclarant que c’était le seul tournage de Ford qu’il a terminé sans s’être fait « botter le cul » au moins une fois.
L’idée du Convoi des Braves est venue alors que John Ford tournait La Charge Héroïque dans l’Utah. Son fils Patrick lui a parlé de l’expédition menée par un groupe de mormons désireux de fonder une colonie dans la région en 1879, le genre de sujet qui tenait à coeur à Ford, la naissance d’une communauté faisant partie des thèmes de son exploration de l’histoire de l’Ouest. Ford a donc écrit l’histoire (ce qu’il n’avait pas fait depuis les années 30), laissant ensuite le soin à son fils et à Frank S. Nugent, un de ses collaborateurs réguliers, d’écrire le script qu’il retravaillait ensuite régulièrement selon les conditions de la production en plein air.
J’ai découvert Le Convoi des Braves sur le tard et j’ai tout de suite été séduit par les qualités de ce western atypique. Comme il s’agissait d’un petit budget développé sous la bannière Argosy Pictures, la société de production fondée par John Ford et son ami Merian C. Cooper (King Kong), la distribution ne s’est pas tournée vers les stars de l’époque, les John Wayne et Henry Fonda. Ford en a alors profité pour mettre en avant sa famille d’excellents acteurs secondaires, figures régulières réunies sous l’appellation « Ford Stock Company ».
Plus habitués aux seconds rôles, Ben Johnson et Harry Carey Jr (fils de Harry Carey, star des westerns du muet) sont ici les deux têtes d’affiche. Ils jouent Travis et Sandy, deux vendeurs de chevaux qui acceptent de prendre la tête d’un convoi de mormons vers la vallée de San Juan dans l’Utah. Leurs discussions et leur sens de l’humour les rendent rapidement attachants, avec la force tranquille du premier et le grand sourire et la décontraction du second. Dans le rôle du leader de la communauté mormon, Ward Bond livre une savoureuse composition en patriarche bougon, à la foi inébranlable ce qui ne l’empêche pas d’avoir toujours envie de jurer comme un charretier, ce qui lui vaut quelques remontrances amusantes.
Le Convoi des Braves se distingue notamment par son épure, un récit qui échappe à la structure classique. Il n’y a pas vraiment de progression dramatique, la caméra de Ford suit l’avancée du convoi de manière presque nonchalante, en s’attardant sur les relations qui se nouent, les épreuves traversées, les rencontres de passage. La caractérisation est soignée dans cette ode à la solidarité qui alterne légèreté (les scènes de danse sont souriantes et portées par un entrain communicatif) et intensité car le ton général n’empêche pas un suspense maîtrisé et des éclairs de violence sèche sur le parcours de cette petite communauté.
Le Convoi des Braves rappelle, si besoin est, à quel point John Ford était un maître du cadre. La photographie est magnifique et les plans sont superbement composés, avec puissance et aussi avec une certaine poésie, dans cette épopée à hauteur d’homme. Un très beau western, l’une des entrées importantes de l’oeuvre fordienne !
