REALISATEUR
Sidney Lumet
SCENARISTE
Paul Dehn, d’après le roman de Agatha Christie
DISTRIBUTION
Albert Finney, Lauren Bacall, Jean-Pierre Cassel, Anthony Perkins, Martin Balsam, Sean Connery, Ingrid Bergman, Jacqueline Bisset, John Gielguld, Vanessa Redgrave, Michael York, Richard Widmark…
INFOS
Long métrage britannique
Genre : policier
Titre original : Murder on the Orient-Express
Année de production : 1974
Le cinéma s’est très vite intéressé aux oeuvres de Dame Agatha Christie. Le premier roman publié de la « Reine du Crime » fut La Mystérieuse Affaire de Styles (qui marqua les débuts de Hercule Poirot) en 1920 et le premier long métrage adaptant un de ses écrits a été produit huit ans plus tard, The Passing of Mr Quinn (d’après la nouvelle L’arrivée de Mr Quinn). En 1931, l’irlandais Austin Trevor fut le premier acteur à incarner Hercule Poirot dans Alibi, une libre adaptation du Meurtre de Roger Ackroyd. Austin Trevor a repris le rôle de Poirot à deux autres reprises…et à chaque fois sans porter la moustache emblématique du détective belge.
Agatha Christie n’a jamais été vraiment satisfaite des adaptations cinématographiques de ses romans et nouvelles. Après une série de déceptions supplémentaires dans les années 60, elle ne voulait même plus qu’on lui parle de cinéma. Le producteur John Brabourne a du alors faire appel à ses relations, dans ce cas-là son illustre beau-père Lord Mountbatten, pour convaincre Agatha Christie de lui accorder les droits du Crime de l’Orient-Express, qui n’avait pas encore été transposé sur grand écran.
Le long métrage de Sidney Lumet (Douze hommes en colère, Serpico…), au casting quatre étoiles, fut le seul qui reçut une appréciation positive de la part d’Agatha Christie…à une exception près : elle a en effet été déçue par la moustache de Albert Finney, qui ne ressemblait pas à « la plus belle moustache d’Angleterre » telle qu’elle l’avait imaginée (je me demande ce qu’elle aurait pensé des impressionnantes bacchantes de Kenneth Branagh dans la nouvelle version du Crime de l’Orient-Express sortie cette année).
J’ajoute que je ne connais pas du tout la bibliographie de Agatha Christie. Je me souviens avoir lu Le Meurtre de Roger Ackroyd au collège…et c’est à peu près tout. Le policier/thriller n’est pas un genre qui m’a souvent intéressé en roman et je connais donc plus l’univers de la romancière par ses déclinaisons cinématographiques. J’apprécie la mécanique du « whodunit » lorsqu’elle est servie par un réalisateur qui sait gérer une distribution pléthorique, ce qui est le cas ici. Agatha Christie s’est inspirée de l’affaire du kidnapping du bébé Lindbergh pour élaborer son récit, qui voit Hercule Poirot enquêter sur le meurtre d’un homme d’affaires américain dans le train express Istanbul - Calais. L’Orient-Express s’est retrouvé bloqué par les neiges et en attendant les secours (une toile de fond qui vient aussi d’un incident réel), ce qui laisse plusieurs heures à Poirot pour tenter de résoudre cette énigme…
Dans les années 70, entre deux films urbains et plus personnels, Sidney Lumet passait d’un genre à l’autre, du thriller horrifique (Les Yeux de Satan) à la comédie musicale à gros budget (The Wiz) en passant par la romance (Lovin’ Molly). En pleine période du Nouvel Hollywood, Le Crime de l’Orient-Express pouvait être vu comme une production un peu désuète, mais Lumet y a déployé ses qualités de directeur d’acteurs et de très intéressantes idées de mise en scène (comme l’interrogatoire du personnage joué par Ingrid Bergman tourné en une seule longue prise) tout en soignant une reconstitution élégante et en tirant très bien parti des possibilités qu’offre son décor quasi-unique.
Certains protagonistes de l’histoire manquent d’épaisseur (et d’autres se contentent de jouer sur un registre connu, comme Anthony « Norman Bates » Perkins) , mais cela ne réduit pas l’efficacité de cette mécanique dont les rouages exploitent assez joliment les faux-semblants. Et dans le rôle de Hercule Poirot, Albert Finney livre une savoureuse interprétation.
Le Crime de l’Orient-Express fut l’un des succès de l’année 1974, ce qui a permis à John Brabourne de produire trois autres adaptations des romans de Agatha Christie (qui décéda en 1976) : deux Hercule Poirot avec Peter Ustinov (Mort sur le Nil en 1978 et Meurtre au soleil en 1982) et un Miss Marple avec Angela Lansbury (Le Miroir se brisa en 1980).