REALISATEUR
Gordon Douglas
SCENARISTE
Abby Mann, d’après le roman de Roderick Thorp
DISTRIBUTION
Frank Sinatra, Lee Remick, Jacqueline Bisset, Lloyd Bochner, Tony Musante, Robert Duvall…
INFOS
Long métrage américain
Genre : drame/thriller
Titre original : The Detective
Année de production : 1968
Le Détective est l’adaptation du roman The Detective signé par Roderick Thorp et publié aux Etats-Unis en 1966. La traduction française du titre est en fait inexacte car Joe Leland, le personnage principal, est inspecteur (detective en anglais) dans le film. La confusion vient peut-être du fait que Leland est détective privé (private detective) lorsque débute le roman et que l’on apprend qu’il fut inspecteur dans le passé. J’ajoute que je n’ai pas lu le livre mais d’après le résumé disponible sur le net, la version cinéma me semble respecter l’intrigue assez fidèlement, avec tout de même les changements de rigueur pour le passage à l’écran.
Frank Sinatra est Joe Leland, un policier intègre dans un monde de plus en plus corrompu. Il assure ses affaires avec flegme et il a le meilleur taux de réussite de son commissariat, grimpant rapidement les échelons (ce qui ne lui assure pas vraiment la sympathie de certains autres flics). Par contre du côté de sa vie privée, ça ne va pas fort. Quand le film commence, son couple bat déjà de l’aile et on assiste à cette lente érosion par des flashbacks qui déroulent la relation compliquée entre Leland et sa femme incarnée par Lee Remick (La Malédiction). Le détective parle de sujets tabous et donc relativement peu évoqués à l’époque, comme la nymphomanie de l’épouse de Leland, un personnage subtilement interprété qui cache ses tourments pour renvoyer une autre image dans sa vie sociale.
Le Détective aborde aussi frontalement le thème de l’homosexualité, préfigurant d’autres oeuvres à venir dans les années 70/80. Leland enquête sur le meurtre particulièrement horrible d’un jeune homosexuel et se heurte notamment aux préjugés des hommes de sa brigade, dont un flic violent et homophobe joué par Robert Duvall (qui joua la même année dans Bullitt). L’ensemble est bien caractérisé et offre une plongée très intéressante dans le quotidien d’une équipe de flics soumis aux dissensions et aux pressions de toutes parts, ce qui va pousser Leland à commettre une énorme erreur malgré ses doutes.
Cette première affaire semble résolue au bout d’une heure, mais une autre enquête, initiée par l’apparent suicide d’un homme d’affaires marié à une jeune femme jouée par la belle Jacqueline Bisset, va la faire rebondir d’une manière inattendue, entre politiciens corrompus et exploration des milieux de la nuit homosexuels. Le Détective n’est pas un film d’action (il y a juste deux poursuites), le rythme est parfois un peu trop pépère, l’approche est plus psychologique ce qui n’empêche pas une certaine intensité dans la progression des révélations jusqu’au final amer qui va bouleverser les certitudes de Leland.
Le Détective est un film noir crépusculaire, qui porte un regard désenchanté sur ses personnages marginalisés et la société dans laquelle ils évoluent. À la réalisation, on retrouve le vieux routier Gordon Douglas (Des Monstres attaquent la ville), qui signait là sa cinquième collaboration avec Sinatra. Si certains choix ne sont pas toujours inspirés (comme la façon d’amener les flashbacks), sa mise en scène restitue efficacement l’atmosphère sombre et trouble de la vie d’un flic qui tente de rester fidèle à ses convictions dans un environnement de plus en plus pourri.
Treize ans après Le Détective, Roderick Thorp a écrit une suite intitulée Nothing lasts forever, dans laquelle Joe Leland se retrouve piégé dans un immeuble attaqué par des terroristes allemands et doit sauver sa fille et sa petite-fille. Lorsque les droits du roman ont été achetés pour une adaptation cinématographique, le rôle de Joe Leland a contractuellement été proposé à Frank Sinatra, alors âgé de 73 ans. Se trouvant trop vieux pour le rôle, The Voice a passé son tour. L’histoire a en grande partie été réécrite et Joe Leland est ainsi devenu…John McClane !