(réservé aux abonnés, mais le chapo montre qu’ils ont tout compris.)
Jim
(réservé aux abonnés, mais le chapo montre qu’ils ont tout compris.)
Jim
Quel album !
Il y a des bouquins qui donnent envie de mettre des majuscules partout, de ponctuer avec des points d’exclamation. Ce Dieu-fauve en fait partie.
Évacuons les évidences : c’est très beau, les pages ci-dessus le démontrent. C’est souple, énergique, très stylé sans perdre en réalisme, vigoureux, avec un encrage pur et limpide qui véhicule pourtant le mouvement et la vitesse, une précision qui ne sacrifie l’énergie en rien. Nous sommes dans une Afrique de fantasy, synthétisant plein de choses, d’esthétiques (et lorgnant aussi, je trouve, vers une Asie de fantasy…), et visiblement frappée de plaies climatiques qui tuent les arbres et assèchent les sols. Ça semble anodin dans le premier chapitre, et pourtant, c’est quelque part essentiel pour la suite.
De chapitres, l’album en est constitué, permettant d’avoir le prisme de plusieurs protagonistes, qui sont autant de narrateurs qu’il y a de grandes parties au récit (quatre, en fait). C’est là que la communication de Dargaud s’avère audacieuse : tout est centré sur le singe en cage de la couverture, héros du premier chapitre et donc des pages de preview. Mais ce primate, appelé « Sans-Voix » (ça aussi, ça semble anodin au départ…), finit par connaître un certain sort à la fin du chapitre au centre duquel il évolue, et par s’éloigner dans l’arrière-plan, laissant sa place au poète, à la guerrière et à l’esclave. Tous donneront leur vision du monde, un univers impérial où un pouvoir centralisé règne sur les tribus et sur les pays, avec ses codes, ses règles, sa littérature, sa langue et ses hypocrisies. Oui mais voilà, dans le deuxième chapitre survient une catastrophe naturelle, en écho au premier récitatif de l’album, qui vient fragiliser tous les subtils équilibres sociaux de l’empire, menacé soudain de déchéance.
Les équilibres sont rompus, les querelles de pouvoir renaissent, les anciennes alliances et les allégeances pérennes n’ont plus cours. Le monde s’effrite, ceux qui attendaient une occasion pour agir… agissent. Désespoir, violence, avidité, ambition. Le cocktail classique. Là où réside le tour de force de Vehlmann, c’est en donnant une voix particulière à chacun des narrateurs des différents chapitres. Sans jamais perdre son lecteur, les différentes voix prenant rapidement leur identité à chaque début de chapitre. Celui sur le poète tourne autour de l’impossible tâche visant à dire l’indicible. Celui sur la guerrière, avec ses phrases non verbales, ses récitatifs courts, son langage sec, a des accents milleriens (un exploit rare…). La qualité littéraire de l’approche est notable (euphémisme). On pourra reprocher, s’il fallait chipoter un brin, l’utilisation d’une même police pour à peu près tout, là où des italiques pour les voix off auraient été de bon aloi pour les identifier parmi les dialogues. Mais le résultat est à la hauteur de l’ambition : magistral.
Et le dieu-fauve, dans tout ça ? Singe capturé par la Grande Veneuse et dressé afin de devenir une attraction dans l’arène, il s’est libéré de la cage à la faveur de la catastrophe naturelle racontée au deuxième chapitre. Ivre de vengeance et ne connaissant que la violence comme relation sociale, il traque les survivants, eux-mêmes bien décidés à ne pas laisser un coup du sort anéantir leur civilisation. Dans cette course-poursuite où les humains traquent les signes de la puissance en essayant d’échapper à une vengeance meurtrière, Vehlmann est servi par un dessin incroyable. De nombreuses scènes se situent de nuit, ou dans des contrées ravagées que nappent mille nuances de boue. Avec un tel décor, le dessinateur se laisse aller aux encres épaisses, aux aplats noirs. Il s’éloigne du style cartoony de Jazz Maynard et braconne sur les terres d’un Labiano, mais en plus énergique, en plus sensuel. Magnifique.
Avec son conte de fantasy désabusée, Vehlmann accomplit l’exploit de nous livrer une fable tout à la fois écologique, politique et, dans une certaine mesure, féministe. Une réussite qui ne se départit jamais d’une évidente noirceur, celle des paraboles politiques impitoyables.
Jim
je suis pas rentré dedans quand j’ai commencé à le lire, il faudrait que je recommence histoire de voir si c’est pas un mauvais jour.
Qui ?
Toi ?
Jim
Ben là ça s’accumule un peu, je suis pas du genre à me plaindre, mais entre le décès de ma grand-mère, celui de mon neveu handicapé de 9 ans, le soutien à ses parents, ma tante qui souffre démence depuis le début de l’année, mon permis raté, la boutique qui se fait cambrioler, un salon pour les 30 ans raté et des 30 ans raté (en général), ça commence à faire un peu beaucoup de mauvais jour pour les 6 derniers mois sans compté que j’aimerais bien partir en vacances (les dernières date d’aout).
Ah, tu sais ce que disait ce grand penseur contemporain, Jacques Chirac ?
Les emmerdes, ça vole en escadrille.
Bon courage
Jim
Et Neil Gaiman précise que les ennuis sont des pleutres : ils attaquent en nombre, et par surprise.
Sincèrement navré pour tes proches et toi, Kab. Mes meilleures pensées pour vous dans ces moments sombres.
Ah ouais, quand même…
Ce ne sont plus des mauvais jour, mais plutôt, pour citer Elizabeth II, une annus horribilis.
Tori.
Ah punaise. Ouais. Rude.