LE JOUR D'APRÈS (Nicholas Meyer)

Julie Peters : People are gonna help each other, aren’t they? Rebuilding things?
Harry Washello : I think it’s the insects’ turn.

Cette réplique tirée du fantastique et terrifiant film Miracle Mile (Appel d’Urgence) de Steve De Jarnatt sorti en 1988 semble faire écho à une œuvre plus ancienne de cinq ans : The Day After, Le Jour d’après chez nous. Moins connue en France, elle fut un immense succès d’audience aux USA et provoqua moult débat et prise de conscience quand à la question de l’arme nucléaire.

Téléfilm de deux heures, il fut diffusée le 20 novembre 1983 sur la chaîne ABC soit quasiment 20 ans après la mort du président en place lors de la crise des missiles de Cuba. Événement qui est rappelé au début de l’histoire par plusieurs protagonistes face à l’escalade qui est décrit tout du long de la première partie du récit.

En pleine période de Guerre Froide, The Day After nous montre comment des mouvements militaires Russes au bord de la frontières Est-Allemande entraine une réponse agressive et une montée en puissance rapide conduisant à des attaques de plus en plus fortes puis à des bombardements nucléaires massifs. Toute cette partie nous est décrit à travers les journaux et radios que consultent les différents protagonistes ayant pour point commun de tous vivre dans le Kansas et qui vont eux-même se retrouver bombardés. Car l’enjeu de The Day After est de montrer les conséquences d’une telle attaque sur les humains « lambda » et décide pour cela de prendre un événement de portée mondiale pour se focaliser sur une poignée d’individu afin d’en renforcer l’impact dramatique et l’implication émotionnelle. Procédé courant des films catastrophe dont The Day After semble être la version naturaliste et totalement dénué de glamour.

Le téléfilm de Nicholas Meyer (qui venait de sortir du tournage de Star Trek II : La vengeance de Khan) se divise en trois partie : le déclenchement des hostilités (prenant bien soin de ne jamais désigner un coupable), l’attaque sur le Kansas (lieu non choisi au hasard car abritant une multitude de silo de missile) et le(s) jour(s) d’après.

Jouant sur une imagerie forte prompte à résonner dans le cœur de n’importe quel américain ou américaine (le générique d’ouverture se compose d’un vol en hélicoptère permettant d’apprécier les immenses champs de céréales puis une grand ville le tout sur une musique vibrante), la première partie peut faire très peur tant elle joue les codes du film catastrophe avec son lot de personnage varié avec des problèmes. Lui est un grand médecin mais voit sa fille quitter le foyer, lui est un fermier bourru qui voit son enfant se marier, lui est un jeune étudiant de médecin, elle va avoir un bébé, lui est militaire posté sur une base de lancement de missile etc. Ça peu faire peur et le récit prend le temps de développer tous leurs petit tracas du quotidien (mention à la jeune fiancée courant après sa petite sœur pour récupérer son diaphragme afin d’aller pouvoir baiser avec son copain). Mais plusieurs choses évitent de faire tomber le récit dans les heures les plus sombres du film catastrophe : d’une part on évite le casting de star, le plus connu étant Jason Robards (le Cheyenne dans Il était une fois dans l’Ouest, Sept secondes en enfer, Les Hommes du président, Magnolia, Julia, La Classe Américaine etc.). On est plutôt sur des acteurs connus, des second rôles fort ou des jeunes têtes. En vrac : Bibi Besch (Star Trek II), Steve Guttenberg (Police Academy), JoBeth Williams (Poltergeist, The Big Chill alias l’un de mes films préférés de tous les temps), John Lithgow (Blow Out, Footlose, 3ème Planète à partir du soleil), John Cullum (acteur que j’adore, connu surtout chez nous pour voir incarner le père de Mark Greene dans Urgences mais qu’on peut aussi voir dans la série trop peu connue Bienvenue en Alaska), Amy Madigan (Streets of Fire, Carnival) et j’en oublie encore plein (ha si tiens dans le jeu « ho un acteur de Babylon 5 », on peut voir Stephen Furst alias Vir Cotto et William Allen Young qui incarna le personnage très important de Jason Ironheart)

Un ensemble d’acteur solide donc qui nous évite la pléiade de star dans le danger. Autre écueil évité : faire passer au second plan la catastrophe celle-ci agissant comme un révélateur et un catalyseur des problèmes des individus. Ici la menace nous ai montré comme réel et tangible dès ses début (toujours présente via les flash d’infos) et ne prendra pas le pas sur les problématiques individuelles. Au contraire, elle les balaient comme un fétu de paille rendant totalement anecdotique ce qui se passait avant.

Ne reste qu’un rythme un peu lent et des effets assez lourds dans la manière de bien accrocher le spectateur. Lui montrer que cela peut lui arriver chez lui !

Arrive alors le bombardement et la production fait preuve à la fois d’ingéniosité par rapport à son budget (utilisation de stock-shot à bon escient, SFX pour l’explosion et effet sur les individus etc) mais surtout d’une audace incroyable. Les gens meurent sous nos yeux, qu’ils soient homme, femme, enfants ou animaux et le tout avec une diversité glaçante mais très réaliste. Car The Day After s’enorgueillit à juste raison d’être une description réaliste d’une attaque nucléaire et de ses retombés et c’est quand arrive la troisième partie du film (après les bombardements) qu’on se rend compte du travail effectué en la matière.

Le téléfilm décrit alors des lendemains qui déchantent. Les survivants sont montrés telles des zombies errants dans les ruines, l’hôpital et ses rares infirmiers et médecins peinent à mettre en place un système permettant de soigner les gens et de gérer le flux de plus en plus important de gens. Les radiations affectent tous le monde et plusieurs personnages que nous suivons se transforme peu à peu en cadavre ambulant. La désaffections totale des autorités amenuisant l’ampleur du drame et les décisions prises font prévoir une fin de civilisation et la mise en place d’un système autoritaire et de loi du plus fort. Jamais le téléfilm laisse entrevoir un brin d’espoir et garde un recul cynique et tragique sur les événements (la naissance d’un enfant symbole lumineux par essence est ici décrit avec froideur et horreur) et se conclu tristement avec un message destiné à réveiller les consciences. Le procédé est un peu lourd mais n’en reste pas moins nécessaire face à ce qui vient de se passer.

On estime que 100 millions de personnes ont vu le téléfilm le jour de sa diffusion c’est dire l’ampleur de la chose et on comprend pourquoi celui-ci joua un rôle dans la prise de conscience collectif. Plus de trente ans après, le téléfilm est encore redoutablement efficace. Le jusqu’au boutisme du projet palliant rapidement les problèmes de narration. Probablement une des plus fortes et importantes créations télévisuelles américaine du siècle dernier.

Je me souviens néanmoins qu’un journal télévisé français s’était fait l’écho du film (peut-être à l’occasion d’une exploitation en salles chez nous, ou d’un autre événement, peut-être la médiatisation de la diffusion américaine) et que ça impressionnait tout le monde.

Ce film cumule des images chocs et des symboles forts. Le décollage des fusées dont le sillage de fumée donne l’impression qu’elles sortent des champs (c’est d’ailleurs assez ça, l’idée sous-entendue étant que la guerre a contaminé la campagne, la nature et la paysannerie) , reprise ici et là, dans des Terminator et consorts, reste gravée dans l’esprit de toute une génération. Il y a une sorte de synthèse des angoisses du moment, qui s’appuie sur la déconstruction des films de propagandes qui ont bourré le mou de plusieurs générations américaines depuis les années cinquante, cette synthèse arrive à créer un pont entre la paranoïa de la Guerre froide et la projection dans un futur qui déchante, comme tu dis. Assez magistral.

C’est peut-être ce parti pris radical qui fait la pérennité du truc. Je crois que pire, il n’y a que Threads pour y prétendre, le docu-fiction anglais de 1984 qui se projette treize ans après la guerre nucléaire, dans un monde où les sols sont incultivables et les humains stériles.

Jim

Ca devait être à l’occasion de la sortie en salle du téléfilm chez nous. En janvier 1984.

Alors pour ma part j’ai repensé aussi à Iron Man #277 (Strange n° 281) dont les premières pages utilisent exactement cette imagerie

(c’était le deuxième épisode d’Iron Man que je lisais)

Ça plus le fait que cela soit passer sur le média populaire par excellence et un contexte encore très tendue à l’époque là où Miracle Mile (qui raconte l’errance d’un homme pour retrouver la femme qu’il aime alors qu’il sait que les bombes vont tomber sur L.A d’ici une heure) avait été un échec à sa sortie (il n’y a que depuis quelques années que le film est redécouvert). Nous étions alors dans une période de détente plus prononcée.

C’est donc ça !
Et ça m’avait marqué : je me souviens qu’ils avaient illustré le truc avec l’image de l’autoroute bloquée, créant une perspective vers l’horizon où s’élèvent les missiles. Image que j’ai gardée dans un coin de la tête des années avant de voir le film.

Je pensais à ça aussi.
Et cette image des fusées qui montent comme des torpilles verticales, je trouve qu’elle revient en force dans l’imaginaire culture pop. Ça, et l’image du mur.

Purée, je suis entouré de gamins !
:wink:

Que je n’ai toujours pas vu, malgré sa petite réputation.

Jim

Je l’ai découvert en fin d’année dernière (super film de noël ^^) c’est un petit bijou qui m’a beaucoup fait penser à After Hours mais avec une imagerie et un sens du mélange des genres assez fort marié à une ambiance tragique incroyable. Je comprend que le film fut un échec et fasse aussi l’objet d’une telle fascination.

Ça fait du bien de l’entendre après quelques jours d’hôpital avec ce qu’on considère comme un truc « de vieux » (calcul rénal yeahh, quand il me l’enlève je le peins en vert et je dis que c’est ma kryptonite)

Sinon dans la famille : « rapprochement tordue donc totalement intéressant »

Une des affiches du téléfilm

Écran d’ouverture de The Last of Us, gros succès vidéoludique racontant l’errance d’un homme et d’une jeune fille 25 ans après une pandémie ayant transformé la majorité de la population en zombie infecté

Sachant que Joshua Brand (Bienvenue en Alaska) a ensuite participé à The Americans (chez FX), dont un épisode (« The Day After ») s’attarde justement sur la réaction du public américain à ce téléfilm.