REALISATEUR & SCENARISTE
Ranald MacDougall, d’après des histoires de M.P. Shiel et Ferdinand Reyher
DISTRIBUTION
Harry Belafonte, Inger Stevens, Mel Ferrer.
INFOS
Long métrage américain
Genre : drame/science-fiction
Titre original : The World, the Flesh and the Devil
Année de production : 1959
Le Monde, la Chair et le Diable, le troisième long métrage (sur six) réalisé par le scénariste Randall MacDougall (Le Roman de Mildred Pierce, Cléopâtre…), débute un peu comme un épisode de La Quatrième Dimension. Le mineur Ralph Benson (l’acteur et chanteur Harry Belafonte) est bloqué par un éboulement alors qu’il inspectait un tunnel. Il réussit à survivre cinq jours avant de trouver une sortie. Lorsqu’il atteint la surface, il découvre un monde désolé, déserté par la population. L’histoire se déroule en trois actes et pour le premier tiers du métrage, Harry Belafonte est seul à l’écran.
Ralph se rend progressivement compte du désespoir de sa situation. Le réalisateur joue sur les silences, les visuels à la puissance évocatrice, ces millions de voitures abandonnées, ces rues de New-York silencieuses…c’est fort, pesant. Par des journaux, des enregistrements radios, Ralph comprend que la Terre a été ravagée par une guerre nucléaire, l’humanité disparue suite aux retombées des isotopes radioactifs. Il n’y aura pas plus de détails, on ne saura pas pourquoi on ne voit pas de corps par exemple…ce qui n’est guère gênant car ce n’est pas là le plus important…
La caméra s’attarde sur Ralph, nous faisant ressentir sa solitude étouffante, avec de bonnes idées de mise en scène comme l’utilisation de la contre-plongée qui donne l’impression qu’il est écrasé par les décors, un minuscule souvenir d’être humain dans cette immensité. Des visions de fin du monde obtenues grâce à une équipe de tournage réduite qui filmait aux petites heures du matin, profitant notamment de la lumière naissante pour ajouter un effet supplémentaire à la très belle photographie qui contribue à cette saisissante atmosphère.
Ralph tente de se construire un semblant de vie, en s’installant dans un appartement, en rassemblant des objets d’art (livres, tableaux…) et en faisant de deux mannequins ses compagnons (des scènes dont se sont certainement rappelé les auteurs du Je suis une Légende avec Will Smith). Mais ce n’est pas assez, l’artificialité de son mode de vie lui pèse…et c’est là qu’intervient Sarah (Inger Stevens, qui jouera ensuite dans Pendez-les haut et court avec Clint Eastwood), une autre survivante…
L’arrivée de Sarah, puis de Ben (Mel Ferrer, vu précédemment dans Guerre et Paix) dans le dernier acte, va modifier la dynamique. En effet, il ne peut y avoir deux Adam pour une Eve. Le caractère méditatif laisse place à la description d’un microcosme toujours bridé par la discrimination d’une société qui n’existe pourtant plus. Le drame humain se fait de plus en plus tendu jusqu’au final, traque aussi absurde (reflétant en quelque sorte la paranoïa de l’époque) qu’haletante pour laquelle Randall MacDougall fait là encore un usage judicieux de l’architecture environnante.
Plaidoyer pacifiste et anti-raciste, Le Monde, la Chair et le Diable est un film étonnant et passionnant, qui fait partie des premières oeuvres du genre parlant du thème du dernier homme sur Terre. Son ton souvent sombre et amer n’exclut pas un certain optimisme, comme le confirme le très beau dernier plan…