LE POUVOIR DES INNOCENTS t.1-5 (Luc Brunschwig / Laurent Hirn)

Treizième billet de Luc Brunschwig, posté le 5 juin 2024 sur le forum BDGest :

C’est aujourd’hui que l’ultime tome du POUVOIR DES INNOCENTS va s’installer dans les librairies. A vous d’en faire un petit succès ou de le vouer à l’oubli. Je conclue cette rétrospective de 35 années de lutte pour que vive cette saga, sur l’histoire qu’elle raconte : Quand, en 1989, je commence à réfléchir le POUVOIR DES INNOCENTS, l’Amérique est un pays capitaliste, libéral pour ne pas dire ultra libéral, traversé par des courants revendicatifs souterrains et puissants mais tenu politiquement par deux partis qui sont au final les deux faces d’une même pièce (démocrates et républicains). 50% des Américains ne se déplacent même plus vers les urnes, tant ils sont convaincus qu’aucun des partis en place ne portera leurs revendications.
Le pays est une cocotte minute, stable en apparence. Mais que faire de ces revendications que personne n’écoute ? C’est le sujet du Pouvoir. Un groupe d’hommes, issus du peuple, devenus puissants, qui portent ces revendications, en sachant très bien qu’ils ne prendront pas le pouvoir par les urnes, mais dans la coulisse, en magouillant, en tuant… bref, en employant les mêmes armes que leurs adversaires.
Et ils y arrivent.
Quand nous nous penchons sur les conséquences de ce qu’ils ont fait, de cette nouvelle voie qu’ils réussissent à créer dans le pays (pour une suite éventuelle), il nous semble évident que l’Amérique va se fracturer en deux, entre les forces qui refuseront cette nouvelle voie et celles qui s’accrocheront de toutes leurs forces à l’espoir réel qu’elle représente.
En gros, nous inventons une Amérique déstabilisée par un puissant coup de barre à gauche.
Cependant, quand nous commençons à publier les Enfants de Jessica en 2011, rien n’indique que l’Amérique est en train d’abandonner sa belle stabilité. Elle vient certes de traverser des moments douloureux, découvrant, avec le 11 Septembre, sa fragilité, réalisant que ses dirigeants peuvent être des menteurs, déstabilisant l’ordre et les institutions mondiales à leur profit (la guerre en Afghanistan et en Irak), mais elle vient de voter pour Obama, un noir, démocrate, modéré, qui semble donner au monde entier une leçon l’Amérique sait corriger ses erreurs, son peuple vit un même rêve, axe son quotidien sur de mêmes valeurs et sait retrouver sa raison même après des moments très tendus.
Les Enfants de Jessica semble vouloir rester une uchronie, une vision fictive et décalée de l’Amérique, amusante à étudier tant que ça reste un récit de papier, certes glaçant, mais qu’on découvre confortablement installé dans son canapé…
Je me souviens même d’une discussion avec Sébastien Gnaedig au sujet de la fin de ce 3e cycle. Je lui raconte que je vais plonger l’Amérique dans les prémices d’une nouvelle guerre civile.
Ca l’amuse. Il me dit que la Guerre de Sécession a été un tel traumatisme qu’ils feront tout, toujours, pour que le pays reste uni. Et que mon récit, si il peut être intéressant, est difficilement crédible.
Et puis, Donald Trump.

Source : Enfants de Jessica (Pouvoir des Innocents) : Bande Dessinée Franco-Belge - Page 16

Jim