LE POUVOIR DES INNOCENTS t.1-5 (Luc Brunschwig / Laurent Hirn)

Ses réflexions sur l’état du marché. J’ai l’impression qu’il « charge » beaucoup les éditeurs, voire les libraires, pour expliquer les difficultés globales. Avec une posture d’auteur « victime » qui, si elle a sûrement du vrai, me paraît parfois abusive.
Je n’y connais pas grand-chose, mais j’ai la sensation que tout ne s’explique pas aussi facilement.

Charger les éditeurs, ma foi, pourquoi pas. Certaines décisions potentiellement préjudiciables leur incombent, par exemple gonfler l’offre artificiellement. C’est cependant un argument qui se retourne aisément contre les auteurs : rétrécir les catalogues reviendra à privilégier les valeurs sûres et à sélectionner les nouveautés, et les petits auteurs verront des portes se fermer.
Mais des portes de grosses boîtes : un tel mouvement pourrait peut-être favoriser l’émergence de petites structures. Et je pense qu’une des raisons derrière l’excédent d’offre, c’est justement d’occuper les rayonnages afin d’étouffer la petite concurrence (que les gros n’ont pas encore réussi à absorber).
Après, se pose la question de la diffusion / distribution, qui représente un bonne part des budgets et qui, souvent, se concentre sur les valeurs sûres, là encore.
Les libraires, ma foi, j’ai tendance à les exempter. Surtout les petits. Les grosses enseignes qui ne suivent que le sens du vent, on ne peut compter dessus que si l’on est soi-même un gros. Mais les petits, ils font des choix, ils s’y tiennent, ils soutiennent des coups de cœur (ou des copains, mais c’est le jeu), et à leur échelle, ils font le taff.

Jim

Oui, je pense que les éditeurs et diffuseurs ont le gros des responsabilités ; mais pas que, mais pas toutes. Je me souviens aussi de ses retours sur les sorties de gros hits qui éclipsent les autres, sans « soutien » réel des éditeurs et diffuseurs sur d’autres titres.
Mon avis est celui d’un ignorant, et cru, mais je ne suis pas choqué qu’un éditeur préconise une promotion sur des produits plus connus et plus sûrs, que d’essayer de porter des produits qui débutent ou moins « faciles ». C’est la période, c’est l’ambiance, c’est le capitalisme de chercher la rentabilité facile et importante.

Surtout le capitalisme.

Jim

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Qui influe sur la période, le rapport aux autres et les décisions économiques.
J’allais écrire « c’est la crise » mais, à 37 ans, j’ai l’impression d’avoir passé ma vie de majeur à la vivre, cette crise.

Pareil.
La crise, c’est le croquemitaine qu’on sort dès qu’on a besoin.

Jim

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Après, pour revenir plus précisément à Luc Brunschwig, que je ne connais pas personnellement (à part quelques échanges sur BDGest, notamment autour des Daredevil de Miller) mais dont j’apprécie bigrement le travail, et sans réellement connaître les propos que tu rapportes, je note que les auteurs qui rencontrent un certain succès (voire un succès certain) sont souvent prompts à s’inquiéter, et à chercher des raisons à une situation qui ne les comble pas.
Autour de moi, j’ai entendu des propos parfois assez surprenants, souvent formulés par des scénaristes (ces gens-là s’expriment avec des mots et ont peut-être, donc, une propension à verbaliser leur vision).
Par exemple, l’un d’eux a manifesté son inquiétude parce que les ventes baissaient, alors que si la baisse était avérée, les chiffres précis étaient encore très élevés et auraient satisfait à peu près n’importe qui. Un autre m’a récemment expliqué que son dernier album était réimprimé au bout de quatre mois, et quand j’ai manifesté mes félicitations, il m’a fait comprendre qu’il était déçu et qu’il avait espéré que la réimpression intervienne plus tôt.
Tout cela, somme toute, est une affaire de ressenti. De la subjectivité. Une réalité qui se heurte à des attentes personnelles.
En tant qu’auteur qui, après vingt ans de publication, continue à trimer, je crois qu’en fait, on s’habitue au succès. Je vous dirai quand j’y serai.

Jim

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Je peux l’entendre complètement. Mais c’est la propension, très humaine, à porter la faute sur des éléments précises / fonctions précises qui ne me plaît pas.
Je pars du principe que le succès est certes la somme d’efforts et d’implications, mais a aussi une part de mystère et d’injustice. C’est comme ça.

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L.A. B.O.U.LE.T.T.E !

Les rencontres … opportunités, réseaux, communication … j’essaie d’apprendre ça tous les apprentis que j’ai chez moi.

J’y étais !!!

Diable, ça ne devait pas être simple à accepter pour le dessinateur, une telle situation.

(faut que j’aille voir ce qu’est que ce Sourire du Clown)

Ouais, 2002, moi aussi. Mais j’étais occupé sur le stand Semic (faudrait voir qui on avait en auteurs).

Jim

Qu’il faudrait que je complète, pour ma part. Il me manque le troisième, je crois.

Jim

Marrant, ça me fait penser à pas mal de viticulteurs, ça !

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« Ça eut payé, mais ça paie plus », c’est ça ?

Jim

Oui. Mais ce qu’ils ne disent pas, c’est que ca paie encore.

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dixième billet de Luc Brunschwig, posté le 31 mai 2024 sur le forum BDGest :

Pour CAR L’ENFER EST ICI, nous avons besoin d’un dessinateur réaliste au style vivant, capable de mettre beaucoup d’humanité dans ses personnages (dans le même esprit que ce que fait Laurent Hirn, quoi). Je fais plusieurs propositions à Laurent, mais c’est clair que c’est lui qui aura le dernier mot. Il est plus qu’important qu’il soit séduit et convaincu de la personne avec laquelle il va collaborer sur pas moins de 5 volumes (Laurent a accepté de faire le storyboard de Car L’Enfer est Ici pour conserver l’unité narrative de la série).
Quelques mois plus tôt, au hasard d’un forum professionnel, j’ai fait la connaissance de David Nouhaud, qui vient de sortir sa première BD, MAXIME MURENE, chez Delcourt. Il est opticien de formation, mais son rêve à toujours été de dessiner, rêve qu’il vient de réaliser avec le scénariste Nicolas Jarry avec lequel il a usé ses fonds de culotte au lycée.
Malheureusement, les ventes de sa série ne décollent pas et Delcourt ne signe pas le second tome. David me pose quelques questions à ce sujet, auxquelles je réponds du mieux que je peux. On finit par se parler de nos vies, de notre engagement dans la bande dessinée. Je découvre son travail et suis surpris non seulement de la qualité de son dessin mais plus encore de son incroyable travail sur la couleur. David devient vite un ami, avec qui je parle régulièrement.
L’envie de travailler avec lui vient naturellement et dans un premier temps, je lui propose le scénario d’URBAN pour lequel je cherche un dessinateur depuis déjà une vingtaine d’années. Le résultat est intéressant, mais David travaille sur un projet personnel et il préfère finalement s’y consacrer.
On se retrouve quelques mois après que son projet ait avorté (problèmes de droits pour l’adaptation du roman sur lequel il travaillait).
Et comme nous sommes alors en pleine recherche d’un dessinateur pour Car L’enfer, je lui propose le deal : son dessin et ses couleurs sur le découpage de Laurent Hirn ? David est un fan du Pouvoir. C’est un garçon d’une grande modestie, qui pense avoir encore énormément de choses à apprendre dans ce métier.
Travailler avec Laurent serait pour lui un honneur et une occasion inespérés de poursuivre son apprentissage. Je commence en parallèle à faire découvrir son travail à Laurent, qui très vite partage mon intérêt… mais à Laurent on ne la fait pas. Il a besoin d’en voir plus. Il demande donc à David de réaliser quelques-uns des personnages du Pouvoir dans son style. Quand on reçoit ses propositions, on comprend très vite qu’on tient le bon cheval.
On lui dit donc un grand oui. Sa première mission sera de créer les nouveaux personnages qui viennent intégrer la saga : Cyrus Chappelle, l’avocat de Joshua, Adam Fûreman, le journaliste mondain, petit ami de Cyrus, Domenico Coracci, le garde du corps du mafieux Angelo Frazzy (sans doute un des personnages qui connaitra la plus grosse évolution parmi tous les personnages de cette saga), le futur président Mc Arthur et la phénoménale Lucy Bulmer a qui David donnera son look de jeune punkette sans âge (retenez bien cette dernière idée avant d’aborder le cycle 2).
Et là encore, les choix de David font merveilles.
Dream Team !!!
Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, si je ne décidais (enfin, « décider » est un bien grand mot), de faire une dépression qui va me faucher au point de ne plus pouvoir écrire.

Source : Enfants de Jessica (Pouvoir des Innocents) : Bande Dessinée Franco-Belge - Page 16

Jim