Le premier comics indépendant

Il y a peu de temps j’ai décidé de rechercher le premier comics indépendant à avoir été publié mais c’est vraiment pas évident !

J’ai découvert qu’il y avait trois appellations : Comics indépendant, Comics alternatif ou comics underground et j’avoue que j’ai du mal à définir si les trois désignent la même choses ou non.

En tout cas sur le net les trois sont traités séparément ou presque.

Si on s’en tient à l’indépendance de l’éditeur et à l’aspect inédit des oeuvres il semblerait que le premier soit « National Allied Publications » soit DC comics à avoir été le premier.

Si on s’en tient on met de côté l’aspect inédit, il semblerait que ce soit la « Eastern Color Printing Company » avec ses « Famous Funnies ».

Et si on parle de comics underground / alternatif en prenant en compte la liberté d’expression des auteurs il semblerait que ce soit Fantagraphics avec Love and Rockets.

Franchement c’est super compliqué de de définir le premier comics ou éditeur indé, à moins que les trois le soient en fonction du critère choisi.

Qu’en pensez vous ?

Ca se fait en fonction des critères choisit.

Après pour moi le premier comics indépendant remonte à très loin, bien avant DC ou Marvel, puisque les big two n’existait pas…

Je dirais que c’est Little Nemo de Windsor Mc Kay en 1905.

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J’aurais tendance à dire que l’expression « indépendant » (independent) date de la fin des années 1970, et désigne les petites structures éditoriales qui fleurissent sur le marché des librairies spécialisées, et qui se distinguent des deux gros que sont Marvel et DC. En gros, ça désigne Eclipse Comics, fondé en 1978, Pacific Comics, en 1981, Capital Comics, en 1981 aussi…
Comme dit dans le paragraphe ci-dessus, les « Indépendants » (« Indies » en américain, « Indés » en français) sont souvent opposés aux deux mastodontes, comme si le marché n’était composé que par eux. Ce qui en soit est un peu faux, puisque Dell / Gold Key, quoique en perte de vitesse, continue ses activités à cette période. On peut citer aussi Harvey Comics, qui s’arrête en 1986, ou Archie Comics, qui continue encore de nos jours.
Donc en fait, ce qui distingue les « Indés », ce n’est pas seulement l’opposition aux deux gros, c’est surtout le réseau de distribution / diffusion. Là où Marvel et DC continuent de publier à travers les kiosques en cette fin de décennies, les jeunes concurrents misent sur le réseau de librairies spécialisées qui s’est développé durant les années 1970, à la fois autour des « underground comics » et autour de société de distribution qui font, entre autres, de l’import. Pacific et Capital, par exemple, ce sont à l’origine des sociétés qui distribuent des comics, américains ou étrangers, qui disposent donc d’un réseau de points de vente qu’ils alimentent, et qui se tournent vers l’édition sur le tard.
Un autre point important pour définir les « Indés », c’est de considérer que puisque ces sociétés naissent dans les années 1970 et sont distribuées en librairie et non en kiosque, elles ne sont pas soumises au Comics Code, dont elles ne sont pas signataires (ni partenaires), puisqu’elles sont apparues après. C’est à mon sens un détail important, expliqué dans un instant.
Donc, pour résumer, les « Indés », ça désigne les maisons d’édition qui naissent à la fin des années 1970 et au début des années 1980, à une époque où Marvel et DC deviennent majoritaires (d’où l’expression de « Majors », un peu disparue de nos jours), et qui ne sont pas soumises au Comics Code.

Ce dernier point est important parce qu’il permet de distinguer, par exemple, Eclipse et Pacific d’Atlas Seaboard, la société fondée en 1974 par Martin Goodman et son fils Chip quand le premier a vendu Marvel et quitté la direction. Les parutions de cette maison d’édition portaient le sceau du Comics Code, ce qui suffit pour moi à les distinguer des autres « Indés ».
Si l’on remonte plus loin, par exemple aux années 1960, on quitte le schéma des deux « Majors ». Jusqu’en 1965, en gros, Dell était le premier ou le deuxième éditeur de comics, notamment avec les succès qu’étaient Tarzan ou Magnus. Marvel n’était de toute façon que troisième dans le meilleur des cas, et on ne pouvait pas dire du marché qu’il était dominé par deux structures. Donc il était impossible de définir les « Indies » en opposition aux « Majors ». Et ce raisonnement est applicable à toute la période précédente, jusqu’aux années 1930.

Reste le souci des « Underground ». Ils pourraient correspondre aux « Indies », mais ils paraissent à partir de la seconde moitié des années 1960, quand la situation de « monopole à deux » décrite plus haut n’est pas encore installée. Donc ça ne correspond pas. Deuxième détail, ce sont bien souvent des tirages modestes (mais pas toujours), auto-édités et/ou associatifs, et distribués dans les « head shops », des boutiques où l’on pouvait trouver des disques, des posters, de la marijuana. Personnellement, je considère que le réseau des « head shops » est un peu l’ancêtre du réseau des librairies spécialisées (même si c’est sujet à discussion, ne serait-ce que par l’implantation : les « head shops » étaient plutôt à l’ouest, en Californie, là où les comic shops ont finalement essaimé partout), donc on peut voir dans la diffusion des « Underground » une sorte de crash-test de celle des « Indies ».
Dernière grosse distinction entre les « Indies » et les « Underground », c’est que les premiers cherchaient à faire, grosso modo, ce que les « Majors » faisaient, à savoir de l’aventure grand public, là où les seconds voulaient explorer des thématiques interdites notamment par les règles du Comics Code (le sexe, la drogue…). Chez les « Underground », il y a une volonté de parodie, de pastiche, de provocation voire de militantisme que tu ne retrouves pas chez les « Indies ».

Jim

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Mais la nature « indépendante » c’est pas aussi lié au droit et revenu qui appartiennent aux créateurs et non à l’éditeur ?

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C’est aussi un des critères, effectivement, même s’il y a plein de procès qui ont démontré que c’était pas si simple. Mais effectivement, oui, les « Indés » promettaient des droits, la propriété des personnages et la restitution des planches aux auteurs. Ce que ne faisaient pas Atlas Seaboard, par exemple.

Jim

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Donc en fait c’est surtout le passage pas un autre réseau de distribution qui permet d’identifier les premiers comics indépendants.

Mais du coup est-ce qu’on peut pas dire que les éditeurs autres que Marvel et DC et qui sont arrivés avant les années 70 sont les fameux alternatifs ?

Ouai donc il y a une grosse différence entre comics indés et underground, je n’avais pas cette notion.

Ça, plus la période, plus la dimension juridique / respect de l’auteur.

Alternatifs à quoi ?
Avant les années 1970, le marché était dominé par DC et Gold Key, et il y avait toute une nébuleuse d’éditeur qu’on a aujourd’hui perdu de vue, mais qui produisaient beaucoup et contribuaient à une vivacité du marché intense. J’aurais tendance à dire, peut-être un peu vite, que « alternatifs », ça veut tout dire et rien dire. Que ça ne décrit aucune réalité précise.
Ou alors qu’il faut contextualiser à mort si on emploie ce terme.
Au mieux, je pense que l’on peut définir les « alternative comics » comme étant les héritiers des « underground comics », mais qui s’oriente vers un contenu moins provoc, moins militant. Plus intello. En gros, je dirais que le Weirdo de Crumb est « underground », et que le RAW de Spiegelman est « alternative ». Mais même cette définition me semble spécieuse, plus propice en véhiculer une distinction snobinarde qu’à décrire une réalité éditoriale.
C’est un peu comme le « rock alternatif » ou la « nouvelle bédé française », je crois que tout le monde y met un peu ce qu’il veut.

Oui, d’abord le contenu (en réaction au « mainstream »), et ensuite le fait que c’était soit de l’auto-édition soit des structures éditoriales toute petite. On pourrait citer l’exemple de Last Gasp, toute petite maison d’édition fondée en 1970 et qui faisait un ou deux comics par an, mais qui s’est développé notamment en distribuant d’autres productions.

Jim

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De bons exemples d’indé, je pense, c’est Dave Sim ou les époux Pini, qui ont vraiment créé leurs structures respectives (Aardvark-Vanaheim pour l’un, WaRP pour les autres) pour publier leurs oeuvres.

Tori.

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Ouai ok c’est déjà plus clair mais c’est quand même assez compliqué de s’y retrouver et j’ai l’impression que ça dépend finalement pas mal de la sensibilité et du point de vue de chacun.

Je te conseille de lire un bouquin d’un gars pas très expert dans la matière qui pourrait t’illuminer un peu dans ta recherche :

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J’ai eu du mal à le trouvé mais commande passée ! Merci pour l’info, je me rappelais de ce livres mais plus du nom. :grinning:

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Oui et non : jusqu’à un certain point, tu peux te référer à la période (les « Indies » étant définis en réaction aux deux « Majors », tant que tu n’as pas le duel DC / Marvel, tu n’as pas d’éditeur indépendants, mais des éditeurs concurrents, par exemple).
En revanche, pour les éditeurs dits « alternatifs », je suis d’accord : l’usage de l’adjectif relève d’une affaire de sensibilité.

Jim

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Merci beaucoup pour toutes ces précieuses informations ! Et j’ai hâte de découvrir ton livre !

J’ai hâte de connaître ton opinion dessus !

Jim

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Je te dirais ça :grinning:.

Et dans des poussettes !

L’équipe de Comicsphere a réalisé un excellent épisode sur Robert Crumb et Zap Comix où ils évoquent l’émergence et les caractéristiques des comics underground (ou comix), avec bien évidemment l’anecdote de la poussette !