LE RENNE BLANC (Erik Blomberg)

REALISATEUR

Erik Blomberg

SCENARISTES

Erik Blomberg et Mirjami Kuosmanen

DISTRIBUTION

Mirjami Kuosmanen, Kalervo Nissilä, Åke Lindman…

INFOS

Long métrage finlandais
Genre : drame/horreur
Titre original : Valkoinen Peura
Année de production : 1952

Le Renne Blanc (et non, ce n’est pas un film de Noël) est le premier long métrage réalisé par Erik Blomberg, un chef-opérateur expérimenté dont le début de carrière remonte aux années 30. À l’instar d’un Mario Bava, Blomberg se fit la main sur des courts-métrages documentaires avant cette première incursion dans la fiction qui se trouve être l’un des tout premiers films fantastiques finlandais.
Le Renne Blanc parle d’amour, de solitude, de peur de l’abandon, de malédiction…et de vampirisme, le tout se déroulant dans les plaines enneigées et battues par les vents de la Laponie.

La belle Pirita s’est récemment unie à Aslak, un chasseur de rennes. Mais celui-ci est souvent au loin et Pirita se sent de plus en plus seule. Afin de pouvoir jouir pleinement de son pouvoir de femme et de ses désirs inassouvis, Pirita se rend chez Tsalku-Nilla, un chaman qui vit en retrait du peuple Same. Celui-ci lui somme de faire un sacrifice au Dieu de pierre. Pirita apporte au Dieu un jeune renne que lui avait offert Aslak. Le charme réveille alors les puissances endormies depuis longtemps en Pirita, qui ne se doutait pas de ses origines : elle est la fille d’une sorcière de la nature et sous l’effet du sacrifice, elle se transforme en un grand renne blanc auquel les chasseurs ne peuvent résister. Lorsque les hommes se trouvent à sa portée, elle reprend forme humaine et se repaît de leur sang…

renne

L’histoire est inspirée par une légende du Peuple Sami (ou Same), l’autre nom des Lapons. Avant l’évangélisation imposée au XVIIIème siècle, le chamanisme représentait une part essentielle des coutumes religieuses des habitants de ce pays, avec un rôle important dévolu aux « animaux blancs », composantes que l’on retrouve dans Le Renne Blanc. Blomberg consacre les premières minutes de son film (qui est assez court, 67 minutes) à la description des us et les coutumes des Samis. De façon quasi-documentaire, le spectateur assiste à une véritable plongée dans le quotidien de ces hommes et femmes qui vivent une relation presque symbiotique avec la nature, véritable acteur du récit au même titre que les comédiens.

La mythologie protéiforme du Renne Blanc est retranscrite avec une économie de moyens qui en accentue le symbolisme. Le travail sur la photographie de Erik Blomberg, entièrement effectué en décor naturel et dans des conditions très difficiles, est de toute beauté et souligne avec une grande efficacité la poésie noire (dans un environnement d’une blancheur immaculée) et l’atmosphère surnaturelle dans laquelle baignent les personnages.

Le montage joue également sa part dans un film qui fait de la suggestion une force : les transformations de Pirita et les meurtres qu’elle commet sous l’influence des puissances noires qui prennent possession d’elle se font hors-champ et laissent place à l’imagination en s’attardant sur quelques détails tels une main inerte ou des pas qui s’éloignent dans la neige.
La maîtrise des cadrages de Blomberg éclate à chaque scène et donne aux plans une puissance évocatrice indéniable.

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L’actrice principale du Renne Blanc, Mirjami Kuosmanen (qui est de presque tous les plans) est également la co-scénariste du film (et accessoirement épouse du réalisateur). Sa beauté troublante est parfaitement mise en valeur par les éclairages qui la transforment subtilement : d’une blancheur angélique pendant la scène de la messe, son visage devient, dans sa phase vampirique, effrayant par un jeu sur les ombres et les flammes qui déforment ses traits et qui insistent sur son combat intérieur. Des effets aussi simples que très réussis.
Il faut souligner aussi l’économie de dialogues. Le long métrage est quasiment muet et le jeu de Mirjami Kuosmanen passe alors de plus en plus par son langage corporel et l’animalité qu’elle dégage, encore plus prégnante lors de l’implacable final.

Troublant, hypnotique, bercé par une bande-son envoûtante, Le Renne Blanc est un conte fantastique d’une grande richesse, aussi bien au niveau du scénario que visuellement parlant. En 1953, Jean Cocteau, alors Président du Festival de Cannes, lui décerna d’ailleurs un éphémère « Prix du Film Légendaire ».

Attention chef-d’oeuvre !!! A mon humble avis.

'Tain, c’est cool que tu aies consacré un post à ce film, Doc. J’en suis littéralement gaga…
Pour être franc, je travaille même à un projet pour lequel « Le Renne Blanc » s’est avéré être une influence de tout premier plan.

Sorte de prototype de la « folk-horror », dont « The Wicker Man » pourrait être désigné comme le mètre-étalon, le film est non seulement une splendeur visuelle (malgré des moyens étriqués) mais se paie en outre le luxe de constituer une réflexion simple mais profonde sur le phénomène religieux. Une sorte de « film de religion comparée » pour paraphraser Jean-Pierre Dionnet (qui disait ça au sujet de « The Wicker Man », justement), mais empreint de poésie.

En bref, une merveille, saisissante et poignante.

Et c’est en plus une découverte récente, je ne connaissais pas du tout le film jusqu’à il y a peu (tout comme le cinéma finlandais dans sa globalité en fait).

Je l’ai découvert par hasard, j’ai juste lu un pitch qui m’a intrigué et je l’ai regardé sans avoir vu de photos au préalable ni sans avoir vu de bande-annonce…et j’ai pris une belle claque. Une excellente surprise…

Il faut dire que le film est quand même largement oublié. On peut dire merci à l’éditeur Artus Films pour l’avoir exhumé, celui-là…tout comme un paquet d’autres pépites, d’ailleurs.