Ah tiens, j’avais cru garder le souvenir que tu avais trouvé ça intéressant.
Pour ma part, j’aime bien, mais je trouve ses commentaires sur du matos contemporain un peu maigre. En définitive, je dirais que c’est un livre qui ouvre des portes, pour l’essentiel. Un début de réflexion, plus qu’une somme. Mais ça reste bien quand même.
Je me suis replongé dans cet ouvrage, et je crois que j’identifie ce qui me fait chipoter. Comprenons-nous bien, c’est un excellent bouquin, plein de références et avec des fulgurances d’analyse pas mal. Mais bien souvent, l’ensemble s’articule autour de listes de références littéraires (puis cinématographiques à la fin du bouquin), comme si la profusion de citations faisait argument d’autorité.
En plus, il choisit ses domaines. Il marque bien, à plusieurs reprises, le territoire du fantastique, évitant par exemple la science-fiction. Donc il touche peu aux pulps. Quasiment pas à la bande dessinée de super-héros (et pourtant, la moitié du corpus de Kirby s’inscrit dans sa logique, les premiers Fantastic Four fonctionnent sur ce principe : Homme-Taupe, Submariner, trésor enfoui dans le temps…). Et c’est un peu dommage, quand même.
De même, il cite souvent des penseurs, comme Gilbert Durand et ses Structures anthropologiques de l’imaginaire (ça m’a donné envie de m’y replonger, et pourtant, je n’ai pas trouvé le bouquin, que j’était sûr d’avoir, diable diable…), mais à force cela donne l’impression que sa propre pensée est un patchwork d’emprunts divers.
Et si l’ensemble me semble assez convainquant (notamment la manière dont il commente l’émergence du gothique américain, avec l’assimilation des fantômes du Vieux Continent, mais ce n’est pas étonnant, Guillaud est féru d’Amérique), cela reste très livro-livresque, en quelque sorte. Il manque des connexions avec une perspective plus socio-historique.
Par exemple, la verticalité et le « retour à la Terre nourricière », la Terre comme fertile mais aussi hostile, est-ce que ça n’aurait pas été intéressant de le connecter aux tranchées de 14-18, par exemple ? Ou encore avoir un chapitre plus détaillé sur les monstres marins post-Godzilla (avec mise en évidence du traumatisme japonais) ou post-Alien, ça aurait été bien. Ou encore une analyse de la résurgence du monstre marin (du « serpent de mer » auquel il consacre de longues lignes) autour des Dents de la Mer ou de Piranhas, phobie qui explosent dans une décennie où se démocratisent les congés payés et donc les vacances.
Voilà, il manque parfois des ponts jetés entre les thèmes qu’il aborde et les univers socio-culturels dans lesquels ils s’inscrivent.
D’une certaine manière, c’est un bouquin qui ouvre des pistes (je l’ai déjà dit), mais qui ne trouve sa réelle richesse que dans la volonté des lecteurs d’aller continuer l’analyse par eux-mêmes. Donc que ces réserves ne vous empêchent pas de vous plonger dans le bouquin, y a plein de pistes cool.
Je viens de faire un tour sur la section cinéma, et je me dis que s’il devait rééditer son bouquin, Guillaud rallongerait la sauce question films récents. Parce que l’horreur en rapport avec la résurgence du souterrain, c’est quand même assez prégnant, quoi.